GNL : le business de la construction des méthaniers en plein boom

La croissance rapide du marché du gaz naturel liquéfié (GNL), amplifié par les besoins d'une Europe qui veut remplacer ses importations de gaz russe, pousse au développement de la flotte de méthaniers, dont la construction mondiale est dominée par trois entreprises coréennes. Analyse d'un marché largement dominé par la Corée du Sud.
Robert Jules
Méthanier appartenant à la compagnie Qatargas chargeant du GNL.
Méthanier appartenant à la compagnie Qatargas chargeant du GNL. (Crédits : Qatargas)

"En France comme en Europe, la situation internationale conduit à rechercher des mesures propres à diversifier les approvisionnements et à augmenter les possibilités d'arrivées de gaz naturel liquéfié (GNL)", avertissait la semaine dernière GRTgaz, l'opérateur de la majeure partie du réseau de transport de gaz en France, faisant référence à la compensation progressive des importations de gaz russe.

Or qui dit arrivée, dit transport. Le GNL a en effet la particularité de devoir être liquéfié avant d'être chargé sur des méthaniers puis regazéifier une fois arrivé à bon port. Outre les infrastructures portuaires dédiées, il est nécessaire de disposer d'une flotte de navires aux caractéristiques spécifiques pour transporter le GNL, les méthaniers.

572 méthaniers opérationnels en 2020

En 2020, ils étaient 572 à être opérationnels - battant pavillon qatari, américain ou encore australien (ces trois pays sont les premiers producteurs de GNL) mais aussi chinois, indien, grec, norvégien... -, soit 35 de plus qu'en 2019 (+7%), selon le rapport annuel 2021 de l'IGU (International gas union), avec un trafic en hausse de 1%. 2020, avait été toutefois une année particulière en raison de la pandémie du Covid-19 qui a ralenti l'activité dans les chantiers navals, alors que la durée de production d'un méthanier varie entre 30 et 50 mois. Fin 2020, 130 étaient en construction pour une livraison s'étalant jusqu'à 2023.

Cette production devrait croître au rythme annuel de 3,6%, entre 2022 et 2026, estime le cabinet d'études Mordor Intelligence. Un marché dont les principaux clients sont des compagnies maritimes spécialisées, comme TMS Cardiff Gas, basée en Grèce, qui gère 16 méthaniers. L'IGU évalue à 170.000 m3 en moyenne par an les capacités additionnelles sur la période 2020-2023.

Mais ce qui caractérise le secteur, c'est son extrême concentration. Trois entreprises coréennes de chantiers navals dominent sans conteste le marché mondial : Hyundai Heavy Industries, Samsung Heavy Industries and Daewoo Shipbuilding. L'entreprise chinoise Hudong-Zhonghua Shipbuilding, en pleine expansion, avec un carnet de commandes de 10 méthaniers dont 2 passés par le Qatar, fait office de challenger prometteur. Le restant de l'activité se partage entre le russe ​​Zvezda, les japonais Imabari et Mitsubishi Heavy Industries, le chinois Jiangnan, ou encore le finlandais Kvaerner Masa. Par ailleurs, il est à noter que le leader mondial des équipements pour méthaniers n'est autre que le groupe français GTT, qui vient d'engranger une nouvelle commande de la part de Jiangnan.

Fin 2021, les trois entreprises coréennes affichaient un carnet de commandes cumulées de 64 méthaniers d'une capacité minimale de 140.000 m3, soit pratiquement la totalité des commandes mondiales pour 2022. Cette domination est telle, qu'en janvier 2022, la Commission européenne a mis son veto au projet d'acquisition de Hyundai Heavy Industries sur son concurrent Daewoo Shipbuilding, justifié par le fait qu'une telle opération aboutirait à une position de monopole dans la construction de méthaniers avec une part de 60% du marché mondial, et le risque de faire monter le prix des navires de GNL.

Selon la presse économique coréenne, le prix d'un méthanier d'une capacité de quelque 170.000 m3 a dépassé 200 millions de dollars l'unité en septembre 2021, le plus élevé en six ans, et oscille actuellement autour de 206 millions de dollars. "L'existence d'au moins une alternative crédible à l'entité fusionnée peut suffire à limiter sa capacité à exercer un pouvoir de marché après la fusion proposée. Il existe des concurrents crédibles, tels que Samsung Heavy Industries Co, Hudong Zhonghua Shipbuilding Co, et Mitsubishi Heavy Industries, Ltd", s'est plaint Hyundai Heavy, dans un communiqué.

Plus gros, plus écologique

Le marché est d'autant plus prometteur que non seulement la flotte mondiale doit grossir mais également procéder au remplacement d'une partie de la flotte actuelle. "Les vaisseaux ayant moins de 20 ans représentent 90% de cette flotte opérationnelle, mais les nouveaux bateaux sont plus longs et plus efficients, avec une rentabilité économique supérieure durant leur période opérationnelle", souligne le rapport de l'IGU.

A l'exemple du Qatarmax, le plus important modèle méthanier du monde, d'une longueur de 345 mètres, d'une capacité de 266.000 m3, dont le Qatar, deuxième producteur de GNL derrière les Etats-Unis et devant l'Australie, a déjà mis 14 exemplaires à l'eau, tous construits en Corée du Sud.

Outre l'extension des capacités, la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre conduit à intégrer de nouvelles techniques pour propulser ces méthaniers.  Ainsi, l'Organisation maritime internationale (OMI), l'agence de sécurité maritime qui dépend des Nations unies, a fixé la réduction des émissions de carbone des navires à 30 % d'ici 2025 par rapport à leurs niveaux de 2008 et cet objectif est porté à 70 % d'ici 2050.

Hausse du prix du fret

Ces exigences ne sont pas un frein à l'extension du marché du GNL, comme l'atteste le coût du fret d'un méthanier. Depuis le début de l'année, la location d'un méthanier d'une capacité de 160.000 m3 a bondi de 50% pour atteindre 210.000 dollars par jour, attestant de la demande.

Le marché du GNL, qui a démarré au début des années 1970, avant d'accélérer au début des années 2000 pour dépasser les 300 millions de tonnes en 2020, a progressé de 6% en 2021. Il devrait croître de 4% en 2022, pour atteindre 392 millions de tonnes cette année, selon les projections de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Cette croissance est principalement portée par l'Asie. Mais cette prévision n'intègre pas la conversion urgente et massive de l'Europe au GNL depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et la fin programmée des importations de gaz russe.

Robert Jules

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Commentaires 8
à écrit le 12/04/2022 à 2:04
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Apres on va culpabiliser les citoyens de pollution et passer a la voiture ELECTRIQUE .

à écrit le 11/04/2022 à 21:16
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J'espère qu'on va leur appliquer la taxe carbone avec un ajout de taxes de pollution pour la construction de méthanier qui va faire venir de Chine beaucoup de matériaux et d'électronique .Quand cela sera fait on va taxer les américains sur le gaz de ...

à écrit le 11/04/2022 à 13:43
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Total a beaucoup investi dans les méthaniers avec le groupe russe conçurent de Gazprom. Des investissements tels qu'il serait suicidaire pour lui se se désengager . Ceux qui comme Jadot appelle a forcer Total de quitter la Russie feraient s'écroule...

à écrit le 11/04/2022 à 10:30
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On doit construire des hydrogéniers, sont-ce les mêmes constructeurs ? La température de liquéfaction n'est pas la même mais ils doivent savoir s'adapter. Les choses sont mal faites, on a des tuyaux terrestres sans besoin de transport, et on va devo...

à écrit le 11/04/2022 à 9:42
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Ce sont des bateaux d'une belle complexité et l'UE est désespérément absente de ce marché comme hélas de trop de choses. Question: saurions nous construire en UE des méthaniers?

le 11/04/2022 à 12:16
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Dans les années 80, les Chantiers de l'Atlantique alors propriété de Alsthom avaient développé des technologies novatrices pour l'époque concernant le GNL. Le propriétaire a préféré vendre les brevets et le savoir-faire aux coréens (avec formations p...

le 12/04/2022 à 9:33
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Adieu les chantiers Nord-Med, désormais le commerce doit être libre et non faussé... Les asiatiques disent Merci... Les histoires du Covid et des composants informatiques devraient au minimum alerter nos responsables sur la nécessité de produire nos ...

à écrit le 11/04/2022 à 9:28
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Quels types de missiles pourraient faire sauter ce truc avec les dégâts considérables que cela engendrerait ? Tandis que nous sommes en guerre nous sommes obligés d'y penser. Même si on peut faire confiance aux coréens pour faire du solide on peut au...

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