Ces dossiers industriels brûlants qui attendent le nouveau gouvernement

Par Service Industrie  |   |  2130  mots
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Florange (ArcelorMittal), Petroplus, PSA, SNCM, Carrefour, Air France, Areva... Tous ces dossiers de restructuration, avec suppressions d'emplois à la clef, ont fleuri au long de la campagne et ont pu trouver un écho chez tous les candidats. Leur résolution a été dans la plupart des cas repoussée après l'élection présidentielle. Aujourd'hui, c'est au nouveau chef de l'Etat de les gérer.

De Florange à PSA, en passant par Lejaby et Sernam, la réindustrialisation et le soutien aux entreprises en difficulté s'est imposée dans la campagne. Nicolas Sarkozy a soutenu des projets de reprise tandis que François Hollande, plus prudent, a promis une loi - avant l'été probablement - obligeant un industriel se désengageant d'une usine française à la céder à un repreneur. Mais aujourd'hui toutes ces « patates chaudes » le restent... encore.

Florange ou le poker d'ArcelorMittal

Florange (Moselle) a été l'un des dossiers les plus emblématiques de la campagne. Car cinq ans plus tôt, Nicolas Sarkozy avait promis de sauver Gandrange. En vain. Il s'était heurté par la suite à l'intransigeance du propriétaire des sites, ArcelorMittal. Le numéro un mondial de la sidérurgie a repoussé à l'été toute décision sur la relance des hauts-fourneaux de Florange, qui demeure suspendue à "l'environnement économique", a expliqué mardi dernier son PDG, Lakshmi Mittal, lors de l'assemblée générale des actionnaires. Un discours qui a provoqué la déception des syndicats qui avaient accueilli assez froidement François Hollande en février dernier. Ce dernier s'était alors engagé à déposer un texte de loi obligeant les entreprises qui veulent fermer à céder les unités de production à des repreneurs.

ArcelorMittal a également fait valoir mardi qu'il avait pour l'heure "assez de capacités" de production pour répondre à la demande d'acier "sans utiliser Florange". Faut-il rappeler que le sidérurgiste a mis en veille depuis des mois plusieurs hauts fourneaux européens, dont ceux de Florange, et décidé de la fermeture définitive de deux autres à Liège, en Belgique. En début d'année, le groupe avait dit qu'il réévaluerait la situation en Lorraine dans la deuxième quinzaine de mai...

Petroplus, un dossier en voie d'achèvement

En janvier sur le site de Petroplus, de Petit-Couronne, près de Rouen, François Hollande avait demandé à l'État de prendre ses responsabilités pour trouver une solution aux difficultés de la raffinerie Petroplus. Ce qui a été fait en partie. Mais aujourd'hui, le sauvetage de la raffinerie n'est pas encore actée. Les administrateurs judiciaires ont à nouveau "décidé de proroger le délai pour la remise des offres (d'éventuels repreneurs, ndlr) et de le fixer au 25 mai 2012", selon un communiqué de Petroplus de fin avril. Et de préciser que ce "délai supplémentaire a vocation à donner aux investisseurs potentiels une meilleure visibilité sur l'environnement institutionnel à venir". Une allusion claire à l'élection présidentielle. La remise des offres, qui avait été initialement fixée au 15 mars, a été repoussée à deux reprises. La raffinerie emploie actuellement 550 personnes. Fin avril, il ne restait plus que trois candidats sur les 14 qui avaient consulté le dossier, à avoir confirmé leur intérêt. Aucun nom de repreneur n'a été évoqué dans le communiqué de Petroplus. Mais le groupe suisse Klesch, spécialisé dans la reprise d'entreprises en difficulté, est toujours dans la course.

SNCM, un dossier très, très difficile

C'est l'un des dossiers industriels les plus délicats à gérer pour le futur gouvernement. Car l'avenir de la compagnie maritime est soumis au bon vouloir du puissant syndicat des marins CGT de la SNCM, qui viennet de cesser leur mouvement de grève entamée il y a une semaine.  C'est dans ce contexte que l'actionnaire majoritaire Veolia souhaite clairement que la SNCM, retourne dans le giron de l'Etat, qui détient toujours 25 %. Le groupe présidé par  Antoine Frérot invoque une clause du pacte d'actionnaires signé lors de la privatisation de la SNCM en 2006. Confidentielle, celle-ci précise qu'en cas de décision de Bruxelles d'ici au 16 mai 2012, aboutissant à l'obligation pour la compagnie de rembourser des aides d'Etat obtenues dans le passé, l'Etat doit reprendre à Veolia sa participation dans la SNCM.

"Veolia fait valoir à l'Etat le risque d'une décision allant dans ce sens après mai 2012, et demande une modification du pacte d'actionnaires dans le but de repousser la date d'expiration de cette clause, conformément, selon le groupe, à l'esprit du pacte", explique à "latribune.fr", une source proche du dossier. En effet, la décision de la Commission européenne sur les fonds versés par l'Etat à la SNCM entre 1990 et 2006 n'est pas attendue avant cet été. Si ces fonds étaient assimilés à une aide d'état, la SNCM devra rembourser entre 30 et 50 millions d'euros.

PSA et la tentation de fermer Aulnay

Aulnay sera-t-il le Vilvorde du prochain président ? C'est une bombe à retardement, qui risque d'exploser dans les mains du prochain gouvernement avec l'éventuelle fermeture du principal site de PSA en région parisienne.  Et peut-être à plus long terme celle de Rennes, voire celle de Sevelnord, ce dernier site ayant  peut-être trouvé un sauveur avec Toyota. D'autant que les sites européens de PSA et GM sont surcapacitaires (à hauteur de 20 % à 25 %). "Le segment B (les petites voitures) pose problème. Le taux d'utilisation de nos capacités en Europe dans ce segment de voitures était de 76 % seulement l'an dernier en deux équipes", avait expliqué en février dernier le président du groupe, Philippe Varin. L'usine d'Aulnay est centrée sur la production des petites Citroën C3. Pour l'heure, Philippe Varin s'est borné à promettre "un désendettement significatif du groupe" et la "mise en place d'un plan d'action sur le cash". Et a juste souligné qu'il fallait "améliorer d'un milliard d'euros les comptes de résultat". Car PSA est en crise. En 2011, Philippe Varin a annoncé une perte opérationnelle pour la division automobile de 92 millions d'euros sur l'année, avec un déficit de 497 millions sur le second semestre.

Renault ou l'éventuelle délocalisation en Algérie

Renault en Algérie ? C'est potentiellement un dossier très explosif, qui va relancer sur le dossier de la désindustrialisation. Selon Reuters, la signature d'un accord entre Alger et la direction du constructeur pourrait intervenir début mai. Les deux acteurs auraient même différé l'annonce officielle après le second tour de l'élection présidentielle française, le contexte électoral et la crise économique en France n'étant pas favorables à l'annonce d'une nouvelle délocalisation de Renault dans un pays du Maghreb. Le constructeur français a déjà inauguré sa première usine africaine d'une capacité de 400.000 voitures par an à Tanger au Maroc en février dernier. Renault avait été critiquée en France après cette inauguration.

Areva et la nécessité de faire des économies

Le groupe nucléaire, détenu à 83 % par l'Etat, aborde le trou d'air post-Fukushima avec une structure financière fragile. Pour traverser ce cap délicat, Areva a lancé fin 2011 un plan d'économies tous azimuts prévoyant 1,2 milliard de cession d'actifs pour renflouer les caisses et des suppressions de postes, notamment en Allemagne (1.500 sur 5.700 postes). Est-ce que cela sera suffisant ? C'est la grande question. Sur l'emploi, les syndicats sont inquiets. La direction peine à préciser ses intentions en France. Seule décision annoncée : le non remplacement des départs naturels dans les fonctions supports, soit environ 300 postes par an (sur un effectif de 28.000 personnes dans l'Hexagone).

"On a un peu surembauché ces dernières années. Beaucoup de jeunes ingénieurs formés se retrouvent sans boulot. Il faudra certainement accélérer les incitations au départ à la retraite et les efforts de mobilité", prévoit un délégué syndical. Le spectre d'une nouvelle recapitalisation risque également de se profiler. "Si Areva renoue avec la génération de cash et parvient à trouver 800 millions d'euros supplémentaires, par exemple, en ouvrant le capital de sa filiale mines, cela passera", estime un analyste. Sinon, les grands scénarios de mécanos politico-industriels risquent d'être relancés, avec EDF en embuscade. "Il nous faudra remettre un certain nombre de moyens dans Areva", a déclaré François Hollande lors du débat télévisé du 2 mai. A suivre.

Air France ou le risque du crash

L'été risque d'être chaud, très chaud chez Air France. En pertes chroniques depuis quatre ans, la compagnie compte, selon nos informations, annoncer fin juin-début juillet l'ampleur du sureffectif qui va découler des mesures de hausse de productivité et de flexibilité en négociations avec les syndicats jusqu'au 30 juin. Et parallèlement le plan pour l'absorber. "La direction devrait présenter à la fois le projet industriel et son volet social", précise une bonne source. A condition bien entendu que toutes les catégories de personnels signent un accord d'ici au 30 juin. Ce qui est loin d'être gagné.

Les chiffres fusent chez les syndicalistes allant de 2.000 à 10.000 suppressions de postes. L'Unsa prédit un plan social sans précédent, trois ans après un plan de départs volontaires qui avait concerné près de 1.800 personnes. Si la direction a toujours dit qu'elle ferait tout pour sauvegarder l'emploi, la question aujourd'hui n'est plus de savoir s'il y aura ou pas des suppressions de postes mais si les départs seront contraints ou volontaires. Et, évidemment, qu'elle sera l'ampleur des départs ? Or ce dernier point dépendra de deux éléments : d'une part de la capacité de l'entreprise à trouver les moyens de traiter ce sureffectif, par toute la palette de mesures possibles (comme le temps partiel par exemple). Et d'autre part, évidemment, du rôle de l'Etat, actionnaire à 15 % d'Air France-KLM, sachant que l'équipe de François Hollande surveille de près ce dossier. Aussi le chiffre des sureffectifs (déjà significatifs aujourd'hui), ne signifie pas qu'il correspondra au nombre de personnes qui quitteront Air France.

Carrefour ou la perspective de suppression d'emplois massive

Chez le géant de la distribution, les revers de l'enseigne en France inquiètent. Les syndicats, dont Force Ouvrière et la CFDT, craignent la suppression de 3.000 à 5.000 emplois chez le distributeur français. Dans un groupe qui, selon la CFDT, a perdu 10.000 emplois en quatre ans, un plan social ferait mauvaise figure. La direction du groupe craint l'impact médiatique qu'il pourrait avoir sur l'image d'une enseigne que beaucoup de Français jugent cher. La direction préférerait procéder par des plans de départs volontaires ou des suppressions de postes par non remplacement de départs. Cette procédure jugée plus discrète serait plus adapté à un marché crucial.

La France génère 43,2 % de son chiffre d'affaires et 39,5 % du résultat opérationnel du groupe, numéro deux mondial de la distribution. L'an dernier, Carrefour a payé cher ses errements stratégiques et les difficultés de la conjoncture. L'enseigne tricolore a essuyé un recul de 32,4 % de sa rentabilité l'an dernier dans l'Hexagone. Affaibli par la baisse de la fréquentation de ses magasins et l'effondrement de ses ventes dans les rayons non-alimentaires, son chiffre d'affaires vivote. Des suppressions d'emplois seraient à craindre dans ses rayons dits EPCS (Electronique Photo Ciné et Son) et ses espaces téléphonie mobile, marchés que Carrefour pourrait abandonner. "20 à 30 personnes travaillent dans les rayons non-alimentaires d'un hypermarché", précise le délégué syndical national représentant de la CFDT, Serge Corfa.

La Fnac ou la nouvelle culture des économies

L'enseigne de PPR va supprimer 310 postes en France. Un plan de départs volontaires va être mis en place. Les succursales Fnac à l'étranger ne seront pas épargnées : 200 postes seront supprimés "par non remplacement de départs", précise la Fnac. Menées en parallèle d'une "réduction drastique des dépenses courantes et d'une renégociation des loyers des 156 magasins", ces suppressions doivent relancer la rentabilité de l'enseigne. Depuis des années, PPR, sa maison-mère, entend se défaire de cette enseigne de produits culturels malmenés par la dématérialisation de la musique et le boom de la vente en ligne de produits techniques.

En 2011, le résultat opérationnel de la Fnac a reculé de 46,5 %, par rapport à 2010, s'établissant à 103 millions d'euros pour 4,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires. La filiale du groupe PPR entend réduire ses coûts de 80 millions d'euros. Annoncé en janvier 2012, ce plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a suscité plusieurs débrayages dans les magasins Fnac en France. Saisie en référé par les élus syndicaux du Comité central d'entreprise de la Fnac, la justice vient de sommer l'enseigne de mieux informer les élus du personnel sur sa réorganisation, sans toutefois juger non conforme de projet de plan de sauvegarde de l'emploi. "Les réunions avec les partenaires sociaux se dérouleront tout au long du mois de mai", précise un porte-parole de l'enseigne aux 14.360 salariés. Le plan de départs volontaires (dont une cinquantaine de postes au siège d'Ivry-sur-Seine) devrait s'ouvrir mi-juin.