La reconquête industrielle lancée par Arnaud Montebourg

Par Michel Cabirol  |   |  895  mots
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Dans une première étape, dite d'urgence, le ministre du Redressement productif va nommer 22 délégués régionaux au redressement productif, qui seront chargés de soutenir les entreprises en difficulté. Dans une seconde étape, Arnaud Montebourg présentera un "plan de reconquête industrielle" visant à "reconstruire le tissu productif" français.

Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, est pour le moment un ministre très heureux. D'autant que le défi de la réindustrialisation est à la hauteur de son ambition. C'est dans le cadre d'une mesure d'urgence que le ministère du Redressement productif va nommer "dès cette semaine" des délégués dans chaque région, qui seront chargés d'être l'interlocuteur unique des entreprises en difficulté, a annoncé mercredi Arnaud Montebourg. Et selon lui, il y a urgence de venir en aide au "tissu productif". Car, a-t-il rappelé, "900 usines ont fermé en trois ans et 750.000 emplois ont été détruits". Actuellement, le niveau de défaillances des entreprises est à "un niveau plus haut que pendant la crise", a-t-il reconnu.

Face au ralentissement économique attendu en 2012, la Coface estime que "le nombre de défaillances d?entreprises devrait augmenter cette année. Avec l?hypothèse d?une croissance économique faible de l?ordre de 0,3 % pour l?année, Coface prévoit une hausse de 4 % des défaillances sur le total de l?année". Sur les quatre premiers mois de l?année, la baisse observée (- 1,75 %) du nombre de défaillances d?entreprises françaises cache une évolution préoccupante, selon la Coface : "on constate une progression significative du coût des défaillances (+ 12 %). Cette hausse s?explique par le fait que de plus en plus d?entreprises de grande taille sont en difficulté".

 Des hauts fonctionnaires

"Chaque région disposera d'un interlocuteur, d'un outil de veille, d'une vigie, d'un médiateur, d'un négociateur", a expliqué lors d'une conférence de presse le ministre, évoquant la création de "mini-CIRI (Comité interministériel de restructuration industrielle, ndlr) dans les régions". Le CIRI, à qui le ministre a rendu un bel hommage, se penche sur les dossiers d'entreprises confrontées à des menaces de fermeture pour essayer de trouver une voie de redressement avant d'en arriver aux tribunaux. Il a cité des exemples réussis comme Latécoère, Entremont et Madrange. Mais sa mission se limite aux entreprises de plus de 400 salariés. Or Arnaud Montebourg a rappelé que la France comptait 3,5 millions d'entreprises de moins de 400 salariés.

La nomination de ces délégués, proposés vendredi par les préfets, seront essentiellement des hauts fonctionnaires, "connaissant bien le terrain". Une circulaire doit être prochainement publiée pour définir le périmètre d'actions des futurs délégués. "Nous souhaitons que dans chaque région, il y ait un interlocuteur, qui sera le protecteur et le confident des entreprises, qui organisera autant que possible le soutien de l'Etat", a résumé le ministre, qui a critiqué le bilan des anciens commissaires à la réindustrialisation. "Ils ont disparu des écrans radars", a-t-il regretté, notant qu'il n'en restait plus que "six".

Un plan de reconquête industrielle dans les semaines à venir

Arnaud Montebourg a une nouvelle fois demandé aux chefs d'entreprises de "ne pas attendre" en cas de difficultés et "de nous saisir par avance, le plus tôt possible". Car, a-t-il rappelé, "75 % des entreprises" en redressement ne peuvent éviter la liquidation judiciaire. Ce qui permettra d'éviter le "shopping industriel (...) de prédateurs industriels et financiers" de certaines PME disposant de pépites technologiques, qui intéressent également certaines "puissances étrangères".

Arnaud Montebourg a rappelé qu'il présenterait "dans les semaines à venir" un "plan de reconquête industrielle" visant à "reconstruire le tissu productif", mis à mal ces dernières années, et "cela sera le sens du plan de reconquête industrielle que je présenterai dans les semaines à venir, après discussions avec le président de la République et le Premier ministre".

ArcelorMittal dans le collimateur

En attendant, le ministre du Redressement productif a indiqué qu'il débuterait fin juin une tournée dans les autres pays européens touchés par l'arrêt d'usines d'ArcelorMittal, comme c'est le cas à Florange, en Moselle. "Je vais engager une tournée européenne des pays détenteurs de sites ArcelorMittal. Je me rendrai le 5 juillet à Luxembourg, le 26 juin à Bruxelles pour rencontrer mes homologues et je crois qu'un voyage est prévu en Espagne également", a détaillé Arnaud Montebourg. Début juin, l'Elysée avait demandé, à l'issue d'une rencontre avec l'intersyndicale d'ArcelorMittal, au ministre du Redressement productif "de prendre contact" avec ses homologues européens "afin de conduire une action commune vis-à-vis du groupe ArcelorMittal".

"La fermeture des sites ArcelorMittal mérite une réponse stratégique au plan européen vis-à-vis d'un outil industriel aussi important qu'est l'acier", a affirmé Arnaud Montebourg, rappelant que la construction européenne avait "débuté par le charbon et l'acier". "L'acier alors que c'était un bien capitalisé au niveau européen, a été laissé entre les mains d'une entreprise transnationale dont les centres de décision sont très éloignées du territoire européen", a regretté le ministre. "Notre choix est (...), si cela nous est possible, de travailler à des solutions alternatives nous permettant de conserver des capacités industrielles", a-t-il ajouté. Faisant valoir une demande européenne insuffisante en acier, ArcelorMittal a mis plusieurs aciéries en veille depuis plusieurs mois, dont les deux hauts-fourneaux de Florange, répétant à l'envi, mais sans donner de garantie, que ces arrêts ne sont que temporaires, jusqu'à un redressement du marché.