Budget 2014 : une nouvelle taxe menace le capital-investissement

Par Christine Lejoux  |   |  620  mots
Les investisseurs étrangers ont représenté près de la moitié des 3,6 milliards d'euros levés par le capital-investissement français, au premier semestre 2013, selon l'Afic. REUTERS.
L’article 11 du projet de loi de finances 2014 prévoit de taxer à hauteur de 30% la totalité des distributions versées par les sociétés françaises de capital-investissement à leurs investisseurs institutionnels étrangers. Une nouvelle épine dans le pied du private equity français, qui a levé moins de 4 milliards d’euros au premier semestre.

Il y a un an, le projet d'alourdissement de la taxation des plus-values de cession de valeurs mobilières, contenu dans le Projet de loi de finances 2013, avait fait sortir de leurs gonds les "Pigeons", et tout particulièrement les sociétés de capital-investissement. Pour la simple raison que leur métier consiste à placer l'argent d'investisseurs institutionnels dans des entreprises non cotées, et à rémunérer les "zinzins" grâce à la cession de ces participations.

Mais le gouvernement a fait machine arrière sur le sujet, à la suite de la révolte desdits Pigeons. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, si le projet de loi de finances (PLF) 2014 ne contenait pas à son tour une nouvelle taxe susceptible de porter un rude coup au capital-investissement français.

 Une imposition qui passerait de 0% à 30% pour les "zinzins" étrangers

 Cette fois, à en croire divers paragraphes de l'article 11 du PLF 2014, le gouvernement projette une retenue à la source de 30% (contre 0% actuellement) sur la totalité des distributions (dont les plus-values de cession) versées par les sociétés françaises de capital-investissement à leurs investisseurs institutionnels étrangers.

"C'est un vrai problème pour les fonds français de private equity qui parviennent encore à lever des capitaux auprès d'investisseurs internationaux", s'étrangle Louis Godron, président de l'Afic (association française des investisseurs pour la croissance), le lobby du capital-investissement.

 Les investisseurs étrangers représentent près de 50% des fonds levés par le private equity français

 De fait, les futures réglementations de Bâle III et de Solvabilité II, relatives au renforcement des fonds propres des banques et des assureurs, décourageant ces derniers d'investir dans le capital-investissement, les acteurs français du private equity ont été bien aises, ces dernières années, de trouver un relais de croissance auprès de fonds de pension et autres investisseurs institutionnels étrangers.

Ces derniers ont ainsi apporté près de la moitié (48%) des 3,6 milliards d'euros collectés par le private equity français, au premier semestre 2013, selon les chiffres publiés le 16 octobre par l'Afic. Qui souligne "qu'à 52%, la part des investisseurs français est au plus bas."

 Les besoins en fonds propres des PME et des ETI sont estimés à 11 milliards par an

 C'est dire à quel point le projet de taxer à 30% les distributions versées aux investisseurs étrangers, qui devrait être débattu le 17 octobre à l'Assemblée nationale, inquiète le private equity français, dont la santé n'est déjà guère florissante. Certes, les levées de fonds ont doublé en l'espace d'un an, mais il s'agit d'un rebond en trompe-l'œil.

En effet, sur les 3,6 milliards d'euros collectés au premier semestre, quelque 2 milliards l'ont été par le seul fonds Ardian (anciennement Axa Private Equity). Et ces 3,6 milliards ne pèsent pas lourd face aux besoins en fonds propres des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire) françaises, évalués par l'Afic à 11 milliards d'euros par an.

 Certaines équipes de capital-investissement risquent de disparaître

 Les sociétés de capital-investissement françaises levant de moins en moins d'argent, « il risque de ne plus y avoir qu'un nombre très limité d'équipes, dans les prochaines années », prévient Louis Godron. Et il s'agit là moins d'un problème pour le capital-investissement que pour les PME que celui-ci finance.

Car les fonds les plus fragiles pourront s'adosser à de grandes sociétés de capital-investissement anglo-saxonnes, comme c'est le cas dans le secteur des cabinets d'avocats d'affaires. Mais ces grandes structures internationales, qui gèrent des milliards d'euros, n'investiront pas dans des PME qui n'ont besoin que de quelques millions. Et qui ne sont donc pas assez importantes pour les intéresser.