Retraites-chapeaux, rémunérations… actionnaires, indignez-vous !

Par Christine Lejoux  |   |  689  mots
La participation des actionnaires aux AG n’a pas excédé 67,33% des droits de vote, en 2013, pour les sociétés du CAC 40, selon Proxinvest. REUTERS.
Alors que le "say on pay" - le vote consultatif sur la rémunération des dirigeants – entrera en vigueur en 2014, Proxinvest juge les actionnaires des sociétés françaises "insuffisamment activistes", dans son rapport 2013 sur les assemblées générales.

"Le printemps des actionnaires", qui avait marqué le crû 2012 des assemblées générales (AG), semble bien loin. Certes, la rébellion des actionnaires français avait été sans commune mesure avec celle de leurs homologues britanniques, qui, exaspérés par la déconnexion entre performances des entreprises et rémunérations des dirigeants, avaient poussé certains patrons à démissionner, comme le directeur général d'Aviva, Andrew Moss. Mais en France, le PDG de Safran, Jean-Paul Herteman, s'était tout de même vu refuser et un parachute doré et une retraite chapeau, lors de l'AG 2012 de l'équipementier aéronautique. Et l'indemnité de non-concurrence versée à Pierre-Henri Gourgeon, ancien PDG d'Air France-KLM, avait été approuvée par 19% des voix seulement.

 Rien de tout cela, cette année. "La saison 2013 des assemblées générales se sera révélée décevante, en matière de participation et d'engagement actionnarial", regrette la société de conseil aux investisseurs Proxinvest, qui a publié le 5 décembre la 17ème édition de son rapport sur les AG des sociétés cotées françaises. En effet, la participation des actionnaires aux AG n'a pas excédé 67,33% des droits de vote, cette année, pour les sociétés du CAC 40. Certes, il s'agit là d'une baisse infime par rapport au taux de 2012 (67,59%), mais ce recul est le premier depuis 2005.

 35 résolutions rejetées par les actionnaires, contre 50 un an plus tôt

 Dans la même veine, sur les 5.911 résolutions étudiées par Proxinvest, 35 seulement ont été rejetées par les actionnaires, contre 50 un an plus tôt. "Nous avons été peu suivis par les actionnaires", déplore Proxinvest, qui a émis un avis négatif sur 43% des résolutions. La société de conseil aux investisseurs pointe notamment du doigt le moindre activisme de l'Etat actionnaire, "qui n'a manifesté aucune opposition cette année", alors qu'il s'était illustré dans les dossiers Safran et Air France-KLM, précisément, en 2012.

Par ailleurs, les actionnaires des sociétés françaises n'ont déposé, de leur propre initiative, que 19 résolutions au total. Et encore, les trois-quarts d'entre elles émanaient de salariés-actionnaires, par nature impliqués dans la gestion des entreprises en question.

 "Les actionnaires sont plus conciliants que par le passé, ils ne sont pas suffisamment activistes", insiste Loïc Dessaint, chez Proxinvest. Un manque d'implication dont la récente affaire Varin est une bonne illustration. Certes, les commissaires aux comptes ont leur part de responsabilité dans ce dossier, puisque ce n'est qu'en 2006 qu'ils ont porté à la connaissance des actionnaires de PSA le régime de retraite chapeau décidé en 2002 pour les membres du directoire du constructeur automobile. Régime qui devait procurer 21 millions d'euros au président du directoire, Philippe Varin, avant que la polémique ne pousse ce dernier à renoncer à cette somme, le 27 novembre.

 Des actionnaires "complaisants" au sujet de la retraite-chapeau de Philippe Varin

 Mais les actionnaires de PSA ne sont pas tout blancs non plus : "certains investisseurs s'étaient montrés complaisants", en approuvant ce régime de retraite chapeau à 98% des voix, lors de l'AG de 2006, souligne Proxinvest. Les années passant, la vigilance des actionnaires du constructeur automobile ne s'est guère réveillée. Ainsi, en 2011, la résolution sur le régime de retraite chapeau a été à nouveau adoptée par une immense majorité de 96,44% des voix. "Comme il ne s'agissait plus d'une résolution nouvelle, les actionnaires n'y ont pas trop prêté attention", tente d'expliquer Loïc Dessaint.

 Une désinvolture que les actionnaires ne pourront plus se permettre, dans le cadre des AG 2014. En effet, en vertu du nouveau code Afep-Medef élaboré en juin, les rémunérations individuelles des mandataires sociaux dirigeants seront désormais soumises au vote des actionnaires, à titre consultatif, le fameux "say on pay" déjà en vigueur dans d'autres pays européens. "La nouvelle responsabilité des actionnaires sera donc grande sur les pratiques de rémunération", prévient Proxinvest. Autrement dit, plus question d'approuver des retraites chapeaux et autres bonus ou stock-options les yeux fermés.