La finance française alerte sur la chute de sa compétitivité

Par Christine Lejoux  |   |  830  mots
Près de la moitié de la capitalisation boursière du CAC 40 se trouve aux mains d'investisseurs étrangers, selon Paris Europlace. REUTERS.
Paris Europlace, le lobby du secteur financier français, a présenté le 16 janvier deux rapports donnant des pistes pour le redressent de la compétitivité de la place financière de Paris, tombée au 8ème ou au…26ème rang mondial, selon les classements.

"Il faut sauver la place financière de Paris." Ainsi pourrait-on résumer la teneur de la conférence de presse organisée jeudi 16 janvier par Paris Europlace. L'association chargée de promouvoir la place financière de Paris, et regroupant des émetteurs, des investisseurs et des intermédiaires financiers, a présenté deux rapports destinés à nourrir les réflexions du "Comité Place de Paris 2020", lancé le 4 décembre par le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, afin de plancher sur l'avenir de la place financière de Paris.

Il faut dire qu'il y a urgence car la dégradation de la compétitivité de cette dernière s'accélère : la capitale française n'est plus que la huitième place financière mondiale, selon l'indice Xinhua Dow Jones, alors qu'elle était encore cinquième en 2010. Et encore ce classement est-il autrement plus flatteur que le Global Financial Index, qui relègue Paris en 26ème position mondiale (sur un total de 80), alors que Londres, New York, Honk Kong et Singapour continuent de caracoler en tête.

Les coûts de financement, un facteur-clé de compétitivité

 Or, et ce n'est pas un financier pur sucre qui le dit mais un industriel, en l'occurrence Bruno Lafont, PDG du cimentier Lafarge et président du collège Entreprises de Paris Europlace :

"Les coûts de financement, qu'il s'agisse de l'accès à la dette ou aux fonds propres, constituent un facteur-clé de compétitivité (pour les entreprises françaises), au même titre que le coût du travail ou celui de l'énergie. Les entreprises investiront plus et se développeront davantage là ou l'industrie financière sera plus forte."

Une industrie financière qui, en France, pâtit d'une sur-fiscalisation, dénonce Paris Europlace. De fait, pour le seul secteur bancaire, le taux d'imposition du résultat comptable est passé de 38% en 2010 à 63% en 2012.

Paris Europlace souhaite que la France renonce à la taxe sur les transactions financières

A cet égard, Séverin Cabannes - directeur général délégué de la Société générale et auteur de l'un des deux rapports présenté par Paris Europlace - plaide pour que la taxe systémique instaurée par la France en 2011 sur le secteur bancaire - et qui représente pour ce dernier une ponction annuelle d'un milliard d'euros - soit allouée au futur fonds commun de résolution des crises bancaires, prévu dans le cadre de l'union bancaire européenne et qui doit être abondé par les banques. Les banques françaises redoutent en effet d'écoper d'une taxe supplémentaire, destinée à financer le fonds de résolution, si la taxe systémique n'est pas réaffectée à ce dernier.

Toujours sur le plan de la fiscalité - l'un des principaux facteurs de la chute de la compétitivité de la place de Paris -, Séverin Cabannes et Yves Perrier, directeur général de la société de gestion Amundi et auteur du second rapport publié par Paris Europlace, pointent du doigt le projet de taxe sur les transactions financières (TTF). Porté par 11 pays européens dont la France, ce projet est qualifié de "tsunami" par Paris Europlace, qui souhaite purement et simplement que le gouvernement y renonce. Au risque, sinon, de "voir un impact direct de la TTF sur les volumes traités sur la place financière de Paris, comme cela a été le cas il y a dix ans en Suède, ainsi qu'en Italie", prévient Séverin Cabannes.

 Des mesures qui relèvent de "l'urgence"

La fiscalité de l'épargne constitue elle aussi un problème pour la compétitivité de la place financière de Paris. Tout simplement parce qu'elle "privilégie les placements courts et peu risqués, au détriment des placements longs et plus risqués que sont les actions", regrette Yves Perrier. Résultat, sur les 11.000 milliards d'euros que représente le patrimoine global des ménages français, les trois quarts sont placés dans l'immobilier, et 9% seulement sont alloués aux valeurs mobilières, telles que les actions et les obligations d'entreprises.

Conséquence, près de la moitié (46%) de la capitalisation boursière du CAC 40 se trouve aux mains d'investisseurs étrangers. Ce qui pose problème en matière de "contrôle de nos centres de décision", souligne Paris Europlace, invoquant "un enjeu de souveraineté nationale." Aussi Yves Perrier milite-t-il pour

"une remise à l'endroit de la fiscalité de l'épargne, en faisant bénéficier l'épargne longue de la clause de l'épargne la plus favorisée fiscalement."

La balle est à présent dans le camp des pouvoirs publics. Avec une pression certaine :

"Nous aimerions que certaines des mesures préconisées par les deux rapports - qui relèvent de l'urgence - figurent dans le projet de loi de finances pour 2015",

indique Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace.