Financement des entreprises : Bercy décrète la mobilisation générale

Par Christine Lejoux  |   |  764  mots
Michel Sapin, le ministre des Finances, n'exclut pas la relance de la titrisation, "dans un cadre simple, sûr et clair", pour répondre aux besoins de financement des entreprises. REUTERS.
Michel Sapin, le ministre des Finances, a lancé lundi le "Comité Place de Paris 2020." L’objectif : s’assurer que les institutions financières pourront répondre aux nouveaux besoins des entreprises, appelées à se financer davantage sur les marchés au cours des prochaines années.

Les temps changent, les besoins de financement des entreprises aussi. Jusqu'à présent, en France, les sociétés se finançaient à hauteur de 70% en moyenne via des crédits bancaires, et à concurrence de 30% sur les marchés financiers. Mais, en raison, notamment, de la nouvelle réglementation dite de Bâle III, relative au renforcement des fonds propres des banques, ces dernières auront les coudées moins franches pour distribuer des crédits, au cours des prochaines années.

 Résultat, les entreprises devront se financer davantage au moyen des marchés financiers, lesquels représenteront "une part très majoritaire de leur financement à la fin de la décennie 2010/2020", a prévenu Gérard Mestrallet, patron de GDF Suez et président de Paris Europlace - l'association chargée de promouvoir la place financière de Paris -, le 16 juin, à l'occasion du lancement du "Comité Place de Paris 2020" par Michel Sapin, le ministre des Finances.

 Des besoins de financement estimés à 100 milliards d'euros par an

Composé de représentants du Trésor, des régulateurs bancaire et financier - la Banque de France et l'Autorité des marchés financiers (AMF) -, de la Caisse des dépôts, des collectivités territoriales, comme Jean-Paul Huchon, le président du conseil régional d'Ile-de-France, de banques, d'assureurs, de sociétés de gestion, d'entreprises telles que Total, Pernod-Ricard et GDF Suez et de Gérard Mestrallet, ce comité doit "fédérer tous les acteurs de la place de Paris autour d'une stratégie d'ensemble", indique le ministère des Finances. 

 Car "il faut une place financière de Paris forte pour assurer le financement de l'économie, des entreprises", a expliqué Michel Sapin. Surtout que les besoins de financement des sociétés françaises ne représenteront pas moins de 100 milliards d'euros par an, d'ici à 2020, selon les calculs de Paris Europlace.

 Relancer une titrisation "dans un cadre clair et sûr"

 Ce "Comité Place de Paris 2020" aura donc pour première mission de réfléchir à la meilleure façon de répondre à ces besoins, et en particulier à ceux des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire), qui devraient passer de 10 milliards d'euros aujourd'hui à 20 milliards en 2020, d'après Gérard Mestrallet. Parmi les pistes à explorer, selon Michel Sapin, figure la titrisation, cette technique de financement qui consiste, pour les banques, à céder une partie de leurs portefeuilles de crédits à des investisseurs afin d'alléger leurs bilans et d'être ainsi en mesure de prêter davantage.

 Certes, la titrisation est tenue pour responsable de la crise des "subprimes" (crédits hypothécaires américains risqués), mais le ministre des Finances a bien pris soin d'évoquer "la mise en place d'un cadre de titrisation clair, simple et sûr, dans lequel les banques garderaient une partie des risques dans leurs bilans."

 Deux nouveaux produits d'assurance-vie cet été

 Lui aussi partisan de "la relance d'une titrisation maîtrisée et transparente", Gérard Mestrallet a également cité comme pistes l'essor du crowdfunding (financement participatif) et de la finance dite responsable, illustrée par la multiplication des émissions d'obligations "vertes" (green bonds).

 Deuzio, le "Comité Place de Paris 2020" planchera sur le moyen de mieux orienter l'épargne des Français vers le financement de l'économie réelle. Michel Sapin a ainsi rappelé la prochaine mise en place, cet été, des nouveaux contrats d'assurance-vie, dénommés Eurocroissance et Vie Génération, qui permettront aux assureurs d'investir davantage l'épargne des ménages dans des PME et des ETI.

 La taxe sur les transactions financières dans le collimateur des banques

 Enfin, le comité réfléchira à la construction d'une place financière "attractive et dynamique." Là, Michel Sapin n'a pas évoqué de pistes, mais les acteurs de la place de Paris ont leur idée, qui n'est pas neuve pour la bonne raison qu'elle n'a jamais réellement été suivie d'effets : alléger, stabiliser l'environnement réglementaire et fiscal. La Fédération bancaire française (FBF) estime notamment "qu'il faut lever l'hypothèque du projet de taxe sur les transactions financières" qui serait mis en place par dix Etats membres de l'Union européenne, dont la France.

 "Etendu aux produits dérivés, il générerait une délocalisation massive des transactions, en totale contradiction avec le (souhait de) développement de la place de Paris", argumente la FBF. Reste que la fiscalité n'est pas une thématique simple pour un ministre des Finances qui doit faire économiser 50 milliards d'euros à la France d'ici à 2017.