Bitcoin : les "contre" haussent le ton

Par Christine Lejoux  |   |  789  mots
En trois ans à peine, le cours du bitcoin est passé de moins de 1 dollar - en février 2011 - à un pic de 1.240 dollars, en novembre 2013. REUTERS.
L’Autorité des marchés financiers alerte pour la première fois sur les risques liés aux monnaies virtuelles. Et l’Autorité bancaire européenne recommande aux banques de ne pas "toucher" au bitcoin, tant que celui-ci ne sera pas réglementé.

C'est une première : aux côtés de l'éventualité d'une remontée brutale des taux d'intérêt et autres risques financiers "classiques", les monnaies virtuelles - comme le bitcoin - figurent dans la cartographie 2014 des risques pesant sur les marchés et les épargnants, publiée le 4 juillet par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Certes, le gendarme de la Bourse "n'a encore jamais eu connaissance (en France) de plaintes ou de pertes d'investisseurs institutionnels ou particuliers liées à l'utilisation du bitcoin", reconnaît Olivier Vigna, chef économiste à l'AMF. Mais, pour cette dernière, mieux vaut prévenir que guérir : si l'autorité boursière tient pour la première fois à alerter investisseurs et consommateurs sur les dangers des monnaies virtuelles, c'est en raison du "développement spectaculaire" de ces dernières.

20.000 sociétés marchandes permettent de payer en bitcoin

L'AMF a recensé plus d'une centaine de monnaies virtuelles de par le monde, au premier rang desquelles figure le bitcoin, avec 90% du marché. Une monnaie numérique dont les volumes d'échanges quotidiens "ont véritablement explosé depuis 2012", insiste le gendarme des marchés financiers, qui dénombre quelque 40.000 achats de biens et services libellés en bitcoin chaque jour.

Il faut dire que pas moins de 20.000 sociétés marchandes dans le monde offrent à leurs clients la possibilité de régler en bitcoin. L'enseigne française de distribution Monoprix envisage d'ailleurs de leur emboîter le pas d'ici à la fin de l'année. A quoi s'ajoutent, pour les utilisateurs, rapidité d'exécution et faible coût des transactions, celles-ci étant réalisées de gré à gré, et non via un intermédiaire financier.

En moins de 3 ans, le bitcoin est passé de 1 à 1.240 dollars

Le hic, c'est que les monnaies virtuelles en général, et le bitcoin en particulier, "présentent énormément de risques, c'est le message que l'AMF veut faire passer", assène Olivier Vigna. L'un des principaux risques auxquels les détenteurs de bitcoins peuvent être confrontés étant celui de la très forte volatilité de cette monnaie digitale.

En moins de trois ans, le cours du bitcoin est en effet passé de moins de 1 dollar - en février 2011 - à un pic de 1.240 dollars, en novembre 2013, pour retomber à 600 dollars aujourd'hui. Autre risque pointé du doigt par l'AMF : l'absence de statut juridique du bitcoin, qui n'entre donc dans le champ d'aucune réglementation. Une carence qui fait que les utilisateurs de bitcoins ne bénéficient pas de la plus petite mesure de protection.

Les utilisateurs de MtGox ont perdu des centaines de millions de dollars

Ainsi, toute transaction réalisée en bitcoins est irréversible, quand bien même celle -ci est effectuée à l'insu du détenteur de cette monnaie virtuelle, par exemple par des "hackers" qui auraient piraté la plateforme Internet sur laquelle étaient stockés les bitcoins en question. De la même façon, si la plateforme fait faillite, ses utilisateurs ne reverront jamais leurs bitcoins, à l'image des quelque 500.000 personnes qui ont perdu des centaines de millions de dollars, après la fermeture brutale de MtGOX, en février.

Pour la simple raison que les plateformes de stockage et d'échange de bitcoins ne sont soumises à aucune garantie de qualité de service, et n'ont pas l'obligation de détenir un montant minimum de capital - ce qui est le cas des établissements de paiement traditionnels -, et ne sont pas non plus tenues de respecter des procédures minimales de gestion des risques.

L'ABE milite pour une réglementation des monnaies virtuelles

Un laxisme qui peut les amener à être utilisées à des fins de fraude fiscale, de blanchiment d'argent ou de financement du terrorisme, prévient de son côté l'Autorité bancaire européenne (ABE), dans un communiqué publié le 4 juillet. Aussi le gendarme du secteur bancaire européen - qui a planché sur le sujet avec la Banque centrale européenne (BCE) et l'Autorité de régulation financière européenne (Esma) - exhorte-t-il les autorités de supervision nationales des banques à "décourager (ces dernières) d'acheter, de détenir ou de vendre des monnaies virtuelles", tant que celles-ci ne seront pas régulées.

A cet égard, l'ABE recommande au Conseil européen, à la Commission et au Parlement de réglementer les monnaies virtuelles, via la création de structures de gouvernance dédiées chacune à une devise virtuelle (le bitcoin, le LiteCoin, le Webmoney, Perfect Money, Ven, Ripple, etc.). L'ABE souhaite également la création d'une autorité de régulation à qui incomberont les questions de gouvernance et de capitalisation minimum des plateformes de stockage et d'échanges de monnaies virtuelles. La rançon du succès du bitcoin, en somme.