Pourquoi le retour du risque géopolitique laisse les marchés de marbre

Par Christine Lejoux  |   |  783  mots
L'indice CAC 40 a gagné 0,17% sur les cinq dernières séances, du 17 au 23 juillet. REUTERS.
Malgré la flambée de la violence au Proche-Orient et les tensions entre l’Occident et la Russie, au plus haut depuis la guerre froide, les marchés boursiers gardent leur dynamique haussière.

C'est un euphémisme de dire que les risques géopolitiques sont de retour. Le crash, jeudi 17 juillet, d'un avion de ligne de Malaysia Airlines dans l'est de l'Ukraine - probablement abattu par un missile tiré par les rebelles pro-russes, d'après les Etats-Unis - a porté les tensions entre l'Occident et la Russie à leur summum depuis la guerre froide. Le 17 juillet toujours, Tsahal a déclenché une offensive terrestre dans la bande de Gaza, ce qui fait de ce nouveau conflit entre Israël et le Hamas le plus sanglant depuis 2009, avec près de 700 morts. Tout cela, donc, en moins d'une semaine. Sans oublier l'escalade des violences en Syrie et en Irak.

 Certes, les marchés financiers ont accusé le coup le 17 juillet, la Bourse de Paris, l'indice Dow Jones Euro Stoxx 50 - qui regroupe les 50 premières capitalisations boursières européennes - et le S&P 500 américain décrochant tous trois de plus de 1%. Il faut dire que le crash de l'avion de Malaysia Airlines est ce que l'on appelle un "black swan" (cygne noir) dans le jargon boursier, c'est-à-dire un événement imprévisible, aux conséquences difficiles à évaluer, et donc facteur de panique.

 Des crises qui devraient avoir un faible impact sur l'économie mondiale

 Mais les investisseurs ont rapidement repris leurs esprits, au point que le CAC 40 affiche un gain de près de 0,17% sur les cinq dernières séances, le S&P 500 s'octroyant une hausse de 0,34% et le DJ Euro Stoxx 50 reculant de 0,33% seulement. Ce sang-froid des investisseurs est d'autant plus étonnant que les valorisations boursières sont propices à des prises de bénéfices : les entreprises européennes se paient pas moins de 14,5 fois leurs bénéfices estimés pour les douze prochains mois, un multiple qui se monte à 15,7 pour les sociétés cotées à Wall Street, selon la société de gestion Pictet Asset Management.

 "Le risque géopolitique ne change pas la donne sur les marchés financiers (...), il ne remet pas en cause la tendance haussière", confirme Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque. Pourquoi donc ? D'abord parce qu'au-delà "de leur caractère tragique sur le plan humain, les investisseurs jugent que les crises à Gaza et à la frontière entre la Russie et l'Ukraine devraient avoir un faible impact sur les économies européenne et mondiale", décryptent les analystes de RBS. Un avis partagé par Christopher Dembik, pour qui le conflit russo-ukrainien a lieu "dans une région non vitale pour l'économie mondiale."

Résultats supérieurs aux attentes pour 69% des groupes américains

 Une économie mondiale qui montre en outre des signes croissants de reprise, en particulier aux Etats-Unis, avec des résultats semestriels de bonne facture du côté de "Corporate America" (l'Amérique des entreprises). "Les résultats d'entreprises outre-Atlantique confirment presque chaque jour le retour de l'activité : sur les 80 sociétés du S&P 500 qui ont déjà publié leurs résultats, près de 69% d'entre elles ont fait mieux que prévu", précise Christopher Dembik.

 "Les opérateurs boursiers ont désormais les yeux rivés sur les publications trimestrielles des entreprises américaines. Tant que le dossier ukrainien "se tasse" et que les sociétés américaines continuent d'atteindre ou de dépasser les attentes du marché, en matière de résultats financiers, les marchés boursiers occidentaux devraient maintenir leurs bonnes progressions",

confirment les analystes de la société de courtage XTB.

 Les actions des banques centrales l'emportent sur le risque géopolitique

 Enfin, si les investisseurs demeurent aussi sereins, c'est également parce que "les politiques accommodantes des banques centrales l'emportent sur le risque géopolitique, pour le moment du moins", expliquent les experts de RBS. De fait, les marchés baignent encore dans l'euphorie de l'arsenal de mesures dévoilé en juin par la Banque centrale européenne (BCE) pour donner un coup d'élan à la reprise économique dans la zone euro. A commencer par l'abaissement de son principal taux directeur à 0,15%, un plus-bas historique, un geste accompagné de différentes incitations destinées à encourager les banques à prêter davantage aux entreprises et aux particuliers.

 Mais "il y a une limite à ce que la politique monétaire peut faire, et les investisseurs surestiment peut-être la capacité des banques centrales à contenir les tensions et à stabiliser les marchés", prévient RBS. De fait, la Réserve fédérale américaine a récemment annoncé qu'elle pourrait relever plus tôt que prévu son principal taux directeur, proche de zéro depuis la crise financière de 2008. Les investisseurs pourraient alors redevenir autrement plus sensibles au risque géopolitique.