La filiale de BNP Paribas va-t-elle faire un geste pour ses clients qui ont emprunté en francs suisses ?

Par Mathias Thépot  |   |  741  mots
La situation se complique pour les victimes de l'affaire "Helvet Immo".
Des ménages qui ont emprunté pour un achat immobilier en francs suisses se retrouvent dans une situation périlleuse après l’appréciation de la devise helvétique. Leur banque, BNP Paribas Personal Finance, va-t-elle faire un geste en leur faveur ?

L'appréciation soudaine du franc suisse fait des victimes collatérales en peu partout en Europe. En France notamment, une filiale de BNP Paribas a eu la fâcheuse idée de vendre à plus de 4.500 particuliers des prêts immobiliers en francs suisses entre mars 2008 et décembre 2009 -appelés "Helvet Immo"- mais qu'ils remboursent en euros.

Malheureusement pour eux, lorsque le franc suisse s'apprécie, les mensualités remboursées en euros font moins diminuer le capital restant dû du prêt, ce qui allonge d'autant la durée de remboursement. Pire encore, les intérêts deviennent plus élevés par rapport à ce qui était initialement prévu, puisqu'ils sont calculés par rapport au montant du capital restant dû en francs suisses, qui diminue donc moins vite qu'espéré.

Les prêts ont été souscrits lorsque le franc suisse était au plus bas

Ces emprunteurs, qui ont pu acheter grâce à ces prêts des logements destinés à la location dans le cadre des dispositifs fiscaux Robien, Scellier ou Censi-Bouvard, se retrouvent d'autant plus lésés que, lors de la période de commercialisation du prêt "Helvet Immo", l'euro a oscillé entre 1,66 et 1,44 franc suisse. A environ 1 franc suisse pour 1 euro aujourd'hui, on est donc bien loin des tableaux d'amortissements présentés par BNP Paribas Personal Finance et ses intermédiaires financiers dans les contrats de prêts.

Les événements récents font prendre une nouvelle ampleur à l'affaire "Helvet Immo", dans laquelle plusieurs centaines d'emprunteurs ont déjà assigné BNP Paribas Personal Finance (BNP PF) en justice. Les décisions, qui détermineront si la banque a trompé ou non ses clients, sont très attendues. Reste à savoir si, d'ici là, au regard de la situation de plus en plus désespérée des emprunteurs, la banque fera un geste. Elle, qui est restée jusqu'ici de marbre face aux attaques la visant. BNP PF a toujours dit qu'elle règlerait les situations au cas par cas et a toujours refusé d'ouvrir la porte à une conciliation globale.

La BNP ne sait pas comment va évoluer la parité euro / franc suisse...

D'ailleurs, dans un communiqué publié vendredi dernier, BNP PF a, comme en 2011 au moment de la première forte appréciation du franc suisse, déclaré avoir "le devoir de ne pas réagir dans l'urgence. Il est nécessaire d'attendre de voir comment va évoluer le taux dans les jours / semaines à venir". On notera juste qu'il est surprenant que l'une des plus grandes institutions financières au monde qui compte dans ses rangs pléiade d'experts de la monnaie n'ait absolument aucune idée de l'évolution à venir de la parité euro / franc suisse.

BNP PF dit, du reste, avoir traité 2.743 dossiers "Helvet Immo"  "dès le renversement de tendance en termes de change euro / franc suisse lors de la crise de l'euro (...) au cas par cas". Et que "70% de nos clients à date ont fait le choix de rester en monnaie de compte francs suisses". Mais, selon l'avocat de plus de 500 emprunteurs, Me Constantin Vallet, le coût proposé par BNP PF pour convertir les prêts en euros est tel que beaucoup d'emprunteurs ne peuvent pas se le permettre. Depuis le déclenchement de l'affaire, "tous ceux qui ont pu fuir le franc suisse l'ont fait", explique l'avocat.

Des emprunteurs inconscients ?

La situation peut-elle changer d'ici aux prochaines décisions de justice ? Lâcher du lest ferait figure d'aveu pour la banque. Ce qui serait très surprenant car les institutions financières tiennent plus que tout à leur image. D'autant que, économiquement, ces prêts sont très lucratifs. Et plus ils durent, plus la banque est gagnante.

Les victimes présumées sont donc désormais condamnées à attendre une décision de justice favorable... ou bien à attendre que le taux de change remonte pour que leur situation financière revienne à la normale. Une hypothèse hautement improbable à court et moyen terme.

En tout état de cause, au regard de la grande complexité des contrats de prêts que La Tribune a pu se procurer, force est de constater que les emprunteurs qui ont souscrit un "Helvet Immo" pour plusieurs centaines de milliers d'euros ont pris des risques inconsidérés. Et cela pour bénéficier de dispositifs fiscaux avantageux. La prudence aurait dû les pousser à refuser les propositions de la banque et de ses intermédiaires financiers.