Brexit : 100.000 jobs à Londres menacés dans la compensation ?

Par Delphine Cuny  |   |  518  mots
Xavier Rolet, le patron du LSE, a déclaré à l'agence Bloomberg que "au minimum 100.000 emplois" liés à l'activité de compensation des marchés étaient à risque d'être délocalisés, à cause du Brexit mais aussi de la demande de la BCE de la localiser dans la zone euro.
La sortie du Royaume-Uni de l'UE et la demande de la BCE de localiser l'activité de compensation dans la zone euro font peser une menace sur les emplois liés notamment à l'énorme marché de dérivés dominé par la City.

Inconnues du grand public, si ce n'est pour la sulfureuse affaire Clearstream, les chambres de compensation sont un rouage essentiel des marchés financiers, l'endroit où les actions, les obligations et autres produits dérivés s'échangent sur le plan technique après avoir été négociés en Bourse. Elles garantissent le bon déroulement de l'opération à l'acheteur et au vendeur. Or en Europe, un acteur domine largement cette activité : LCH.Clearnet, contrôlé par le London Stock Exchange (LSE), en cours de fusion avec Deutsche Börse. Bruxelles s'inquiète d'ailleurs des conséquences concurrentielles de ce rapprochement sur ce marché de la compensation.

Or selon l'agence Bloomberg, c'est une centaine de milliers d'emplois liés à l'activité de compensation qui se trouvent menacés de délocalisation de la City à cause du Brexit. C'est le patron du LSE, le Français Xavier Rolet qui l'a déclaré à l'agence américaine, brandissant cet épouvantail social :

"Nous estimons, de façon conservatrice, qu'au minimum 100.000 emplois, dans la gestion du risque, la conformité, le middle et le back-office, les fonctions supports, pas seulement à Londres mais dans la région, sont impliqués dans cette activité et sont clairement en danger."

La BCE exige la localisation en zone euro

C'est notamment lié à l'énorme marché des dérivés, que Londres domine : 75% des volumes d'échange de dérivés libellés en euro passent par Londres, soit  plus de 573 milliards de dollars par jour, selon les derniers chiffres de la Banque des règlements internationaux.

[Echanges de dérivés libellés en euro de gré à gré par jour, par pays, selon la BRI, en avril 2016. Crédits : Bloomberg]

Après la crise financière, la Banque centrale européenne (BCE) avait demandé en 2011 aux grandes chambres de compensation, qui participent à la réduction du risque systémique, de se localiser en zone euro. Londres s'était rebellé et la Cour de justice européenne lui avait donné raison en mars 2015, jugeant que  la BCE n'était pas compétente pour réglementer cette activité des contreparties centrales.

Qu'adviendra-t-il en cas de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ? Cela pourrait changer la donne. Aujourd'hui LCH.Clearnet est sous la tutelle de la Banque d'Angleterre et seule sa filiale française, LCH.Clearnet SA, est contrôlée par la Banque de France, l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ainsi que l'Autorité des marchés financiers (AMF), "du fait de son rôle de pivot pour la stabilité financière". Mais LCH a déjà annoncé qu'il allait mettre en vente cette filiale, dont l'acquéreur naturel est Euronext, l'opérateur des Bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne. La fusion avec Deutsche Börse, si elle aboutit (Bruxelles s'est donné jusqu'au 6 mars pour boucler son enquête approfondie), pourrait-elle fournir une solution juridique bien pratique au LSE ? Selon l'institut Bruegel, la BCE aurait de quoi justifier cette relocalisation en zone euro, mais l'impact sur l'emploi resterait beaucoup plus modéré que les chiffres évoqués plus haut, et même "négligeable".