Roland Lescure, ex-ponte d'un fonds de pension, candidat En Marche ! en Amérique du Nord

Par Delphine Cuny  |   |  779  mots
Roland Lescure.
L'ex-numéro deux de la Caisse de Dépôt et placement du Québec, l’un des plus gros fonds de pension nord-américains, a démissionné en avril pour faire campagne avec le mouvement En Marche. Issu d’un milieu modeste, petit frère de Pierre Lescure, cet ancien de Groupama AM, qui se présente en Européen convaincu, a été investi dans la première circonscription des Français de l'étranger. Celle de Frédéric Lefebvre.

[Article publié initialement le 16 avril]

Passer du jour au lendemain de grand gestionnaire d'actifs à la tête de milliards de dollars à distributeur de tracts politiques dans les rues de Montréal. La nouvelle a été peu médiatisée en France mais elle a eu un certain retentissement dans la communauté économique canadienne. Le financier Roland Lescure, le numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), l'un des plus gros fonds de pension nord-américains avec 200 milliards de dollars (US) gérés, a quitté début avril son poste de premier vice-président et chef des placements pour se mettre « en marche » en soutien d'Emmanuel Macron, dans la campagne présidentielle française.

« J'ai passé les sept dernières années à travailler pour l'une des plus belles institutions du pays. À l'aube des élections françaises, j'ai pris la décision de m'engager davantage dans la vie publique et politique, parce que je souhaite jouer un rôle plus actif à un moment déterminant pour la France et l'Europe tout entière », déclare-t-il dans un communiqué.

Ce jeudi, son investiture a été officialisée dans la première circonscription des Français établis hors de France, qui comprend les Etats-Unis et le Canada. Le député sortant est l'ancien ministre LR Frédéric Lefebvre.

Citoyen engagé

La « Caisse » étant « une institution apolitique et non partisane », cet engagement était « incompatible » avec ses fonctions, a-t-il confié au journal La Presse. Peu connue du grand public en France, la CDPQ est pourtant un des fonds de capital-investissement parmi les plus actifs : elle s'est récemment associée à Suez pour acquérir GE Water, a investi 200 millions d'euros dans la biotech française Eurofins l'an dernier et fait partie du consortium ayant racheté la société immobilière Foncia. La Caisse est aussi actionnaire de Spie et d'Afflelou, elle a investi dans Keolis avec la Sncf, dans Eurostar, ainsi que dans les tours Duo en cours de construction dans le 13e arrondissement de Paris. Roland Lescure supervisait 80% de l'activité de la Caisse.

« Citoyen engagé », décrit désormais son profil LinkedIn. Ce polytechnicien tout juste quinqua, passé par l'Ensae et titulaire d'une maîtrise d'économie de la London School of Economics, n'est autre que le frère cadet de Pierre Lescure. Il a grandi à Montreuil-sous-Bois, entre un père communiste, engagé jeune dans la Résistance et journaliste à L'Humanité, et une mère dirigeante syndicale à la Ratp. Au journal canadien, il dit devoir beaucoup à « l'ascenseur social républicain français qui fonctionnait bien encore à l'époque et fonctionne moins bien aujourd'hui. » Il a travaillé à Bercy, au moment de la création de la monnaie unique, à l'Insee, à la Caisse des Dépôts (française) et chez Natexis Asset Management avant de diriger la gestion de Groupama AM. Il avait été nommé à la tête de la CDPQ en 2009, juste après la crise financière, pour sa réputation de gestionnaire prudent et d'investisseur de long terme.

« Le Brexit a été un vrai coup de tonnerre. Je ne voulais pas regarder en arrière à 60 ans et réaliser que j'aurais pu faire quelque chose mais que je n'avais rien fait » a-t-il confié à l'agence Bloomberg.

"Pas de plan de carrière"

Il a abandonné un job qui lui a rapporté 2,2 millions de dollars canadiens en 2015 (environ 1,5 million d'euros). Il assure ne pas avoir le projet de rentrer en France dans l'immédiat. Il fait campagne au Québec.

« Si je peux convaincre les expatriés français de sortir et d'aller voter, j'aurai fait quelque chose » déclare-t-il. « Tout peut arriver dans cette élection. Ce ne sera pas une balade de santé. »

Il indique avoir rencontré pour la première fois Emmanuel Macron en 2012 à l'Elysée, lors d'une réunion avec des investisseurs. Il aurait été impressionné par sa compréhension de la crise de la dette en Europe. Il le décrit à La Presse comme « le seul capable de ramener confiance et espoir. »

« Je n'ai pas de plan de carrière. Je n'ai pas de job. Est-ce que j'espère que cela mènera à quelque chose ? Oui, mais je n'ai aucune idée de ce que ce sera. Pour moi, c'est une course d'obstacles et il faut les prendre un par un », dit-il à Bloomberg.

Il a le profil de ces membres de la société civile dont Emmanuel Macron souhaite s'entourer. Le voilà investi. Mais il pourrait aussi être appelé à d'autres fonctions, à Bercy ou comme conseiller économique peut-être.