Michel Lucas, le banquier qui ne parle pas comme un banquier

Par Par Laura Fort  |   |  650  mots
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Jamais avare d'un bon mot, souvent plus cinglant que savoureux, Michel Lucas, président du groupe Crédit Mutuel, n'a pas failli à sa réputation lors de la présentation des résultats de la banque mercredi 7 mars.

Vachard, sarcastique, et volontiers familier, Michel Lucas, patron du Crédit Mutuel, est aussi connu pour sa gouaille que pour son caractère bien trempé. Il agace autant qu'il amuse (mais ses interlocuteurs rient souvent jaune) et rend coup pour coup aux journalistes, à ses collaborateurs (surtout ceux qui sont syndiqués), ou à ses concurrents.
Avec lui, les rencontres avec la presse sont d'ailleurs plus l'occasion de régler ses comptes que de répondre aux questions stratégiques sur son groupe. Parfois volontairement imprécis sur certains chiffres et toujours secret sur les ambitions de son groupe, les questions trop inquisitrices laissent généralement la place à des réponses en forme de circonlocutions. Piqué au vif sur certains sujets ou désabusé, il redouble de coup de poing sur la table et de soupirs de dépit. Mais s'amuse aussi de sa propre langue de bois quand il voit les journalistes déconcertés par ses réponses à l'emporte-pièce.
Retour sur les répliques marquantes lors de la présentation des résultats le mercredi 7 mars.

Sur la presse (Michel Lucas est notamment propriétaire des Dernières Nouvelles d'Alsace, de l'Est Républicain, de Vosges Matin, du Républicain lorrain).
"Ces journaux de province avaient développé un tas d'activité qui n'avaient rien à voir avec le c?ur de métier de la presse. Donc ces activités devaient au minimum être rentables. Nous sommes en train de détricoter tout ça."
"Nous avons racheté des journaux dans le Sud pour 70 millions d'euros. C'est la première fois que je sors un chiffre sur ce que ça nous a coûté et ça m'a toujours fait sourire de voir les chiffres qui sont sortis dans la presse. Ca ne sert à rien d'essayer de se battre sur une information fausse, par contre, ce qui est intéressant, c'est de savoir qui a donné cette information fausse au journaliste. Au lieu de coincer le journaliste, je préfère coincer la source".

Sur ses sources de refinancement. "Vous pouvez aller chercher de l'argent sur les marchés financiers. Mais plutôt que d'aller chercher du fric au Japon ou je ne sais où, je préfère collecter davantage de dépôts".

Sur le mécanisme de solidarité qui existe entre les différentes fédérations du groupes (CM10-CIC, Crédit Mutuel Nord Europe, Crédit Mutuel Arkéa). "Nous avons un mécanisme de solidarité que nous mettons en ?uvre sur le périmètre confédéral. Notre système est très paysan, c'est vrai. Mais pour faire de la solidarité, il faut d'abord être solide, c'est très différent d'un système de subvention. Le Crédit Mutuel n'est pas l'?uvre de Saint Vincent de Paul ! Il est là pour défendre ses sociétaires, qui sont ses actionnaires".

Sur ses prévisions à court ou moyen terme. "Je m'amuse beaucoup des gens qui font des plans sur la comète à deux ou trois ans. C'est possible en période de croissance, mais pas en ce moment. Quand je regarde 2012, je trouve merveilleux quand on me dit ce qui va se passer".

Sur Solvabilité 2. "Les ACM (Assurances du Crédit Mutuel) n'ont pas de problème de ce côté-là, mais je précise bien les ACM". [ndlr : le groupe a d'autres compagnies d'assurance, notamment Suravenir pour le Crédit Mutuel Arkéa, ou ACMN, les assurances du Crédit Mutuel Nord Europe].

Sur la dette souveraine. "S'il arrive un problème sur la dette souveraine française, vous mettez toutes les banques et les compagnies d'assurance au tapis. Mais ça ne m'empêche pas de dormir la nuit".

Sur la gouvernance du groupe. "Attendez, je connais l'organisation du groupe, pas sa gouvernance".
Et sur sa succession. "1/ Je n'irai pas vous dire comment mais 2/ oui, je prépare ma succession".