Les assureurs français et italiens politisent la défense de l'épargne longue

Par Laura Fort  |   |  760  mots
Bernard spitz, président de la Fédération française des assurances Copyright AFP
Les fédérations de l'assurance des deux pays ont signé un manifeste pour la défense de l'épargne de long terme. Ils souhaitent notamment dissuader les politiques de toucher à l'assurance vie.

Dans le contexte économique et politique actuel, voilà une réunion qui n'était pas anodine. La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) avait organisé ce mercredi 4 avril une conférence avec son homologue italien, d'économistes et d'assureurs, autour du sujet suivant : "Pour une croissance forte en Europe, faire le choix de l'épargne de long terme".

Il n'y avait donc qu'un seul message à faire passer : celui de la défense de l'épargne longue, c'est-à-dire, en France, de l'assurance vie et des produits d'épargne retraite. Et pour cause : lorsque l'on connaît la tempête que traverse l'assurance vie en France comme en Italie, le message s'adresse aux politiques, mais il touche aussi aux affaires des assureurs. Néanmoins, pas une seule fois les difficultés que rencontrent aujourd'hui les assureurs à collecter de l'épargne n'ont été évoquées, et les expressions "baisse de la collecte" ou "décollecte" n'ont jamais été prononcées.

Plaidoirie commune

Pourtant, la collecte nette d'assurance vie en France a été négative pendant six mois, entre août 2011 et janvier 2012, période pendant laquelle les épargnants français ont retiré plus d'argent qu'ils n'en ont versé sur leurs contrats. En février, la collecte nette est repassée dans le vert, mais les versements sur les contrats sont en baisse de 14.3%. La situation n'est pas plus brillante en Italie : les versements sur les contrats d'assurance vie ont chuté de 18% en 2011 par rapport à 2010, selon la fédération italienne de l'assurance. L'on comprend mieux l'intérêt des deux fédérations de l'Hexagone et de la Botte de faire plaidoirie commune...

Un manifeste politique

A défaut de reconquérir totalement la confiance des épargnants, les assureurs tentent donc de convaincre les politiques avec la rédaction d'un "manifeste pour une politique d'épargne à long terme" signé des deux fédérations françaises et italiennes  Bernard Spitz, président de la FFSA, reconnaît d'ailleurs la portée éminemment politique de ce rapport : "son titre contient le mot politique : il signifie qu'il faut un objectif clair pour la politique de l'épargne : c'est le long terme, pour répondre aux besoins des ménages et pour financer efficacement l'économie en Europe".

Technicité et innocuité

Les assureurs tentent de préparer le terrain de l'après élections présidentielles, pour que le nouveau président de la République n'ait pas l'idée de nouvelles mesures. Et essaient dans le même temps d'éviter que de nouvelles annonces de campagne ne se reproduisent, à l'image de la proposition de François Hollande de taxer l'assurance vie. Alors même qu'en période électorale, les assurés sont généralement dans une posture d'attentisme, en préférant par exemple placer leurs deniers sur des produits d'épargne bancaire ou modérer leurs versements sur leurs contrats. "Il est tout à fait nouveau que les problèmes d'épargne longue soient au centre de la campagne. C'est d'une technicité remarquable et d'une innocuité exceptionnelle !", a remarqué Lionel Zinsou, président de la société de capital-investissement PAI Partners.

Taxera ? Taxera pas ?

Jérôme Chartier, député UMP du Val d'Oise, a bien compris la carte qu'il avait à jouer auprès de milliers d'épargnants lorsqu'il a déclaré : "nous ne toucherons pas à la fiscalité de l'assurance vie, pas plus que nous ne toucherons à la fiscalité des produits de retraite. L'objectif est de stabiliser l'épargne". Karine Berger, économiste et candidate PS aux législatives, ne s'est pas étendue sur la proposition de François Hollande d'intégrer l'assurance vie au barème de l'impôt sur le revenu dans le cas d'un rachat du contrat avant huit ans... Elle a simplement insisté sur le principe de "justice fiscale et sociale" défendu par le candidat socialiste, qui souhaite taxer les revenus du capital comme ceux du travail.

Stimuler la croissance

Le principal argument des intervenants en faveur de l'épargne longue a finalement consisté à dire que le retour de la croissance ne serait pas possible sans cette épargne. Selon Franco Bassanini, président de la Caisse des dépôts italienne et ancien ministre, "Le problème de l'Europe n'est pas qu'un problème de finances publiques, c'est un problème de croissance et de compétitivité. Pour y remédier, il faut stimuler les investissements de long terme. Et comment le faire sans augmenter les dépenses publiques ? En augmentant l'épargne de long terme pour la transformer en investissements de long terme".