Banques : les actionnaires disent "stop" aux salaires indécents des patrons

Par latribune.fr  |   |  777  mots
Bob Diamond, le directeur général de Barclays contraint de renoncer à la moitié de son bonus. Copyright Reuters
Après le vote négatif des actionnaires de la banque Citigroup contre la rémunération de son directeur général, c'est au tour du patron de Barclays, Bob Diamond, de devoir renoncer à la moitié de son bonus.

Les actionnaires des banques ont décidé de dire "stop" aux super-bonus et aux salaires exhorbitants des patrons. Tout a démarré en début de semaine aux Etats-Unis à l'Assemblée générale de Citigroup puis le mouvement s'est propagé au Royaume-Uni chez Barclays.  Lors de l'assemblée générale annuelle de Citigroup mardi 17 avril, quelque 55% des actionnaires ont en effet voté contre le plan de rémunération du directeur général  Vikram Pandit.  Car depuis l'adoption en 2010 de la loi de réforme financière dite Dodd-Frank, les actionnaires de la plupart des sociétés cotées ont la possibilité de se prononcer à titre consultatif sur les rémunérations des dirigeants .

Une plainte contre les administrateurs

Mais l'affaire ne s'est pas arrêtée là. Un actionnaire de Citigroup a décidé deux jours plus tard, jeudi 19 avril,  de poursuivre en justice les administrateurs du groupe, les accusant d'avoir octroyé aux dirigeants de la banque américaine des rémunérations disproportionnées ! D'après cette plainte, enregistrée jeudi auprès d'un tribunal fédéral de Manhattan, les administrateurs ont violé leurs obligations fiduciaires en octroyant plus de 54 millions de dollars (40,85 millions d'euros) de rémunération en 2011 aux dirigeants de Citigroup, don't près de 15 millions de dollars au directeur général Vikram Pandit, alors que la performance de la banque ne le justifiait pas forcément.

Une porte-parole de Citigroup a fait savoir que le groupe demanderait le classement sans suite de cette plainte.

Barclays se sent menacée à son tour, son patron renonce à la moitié de son bonus

Sensible à ce qui venait de se passer pour son homologue américaine, la banque britannique Barclays a annoncé, dès jeudi 19 avril, des concessions sur la question épineuse des gratifications exceptionnelles autrement dit des bonus. Elle s'attend en effet à une assemblée générale houleuse la semaine prochaine.

Le patron de Barclays, l'Américain Bob Diamond, a accepté de renoncer pour l'instant à la moitié de son bonus annuel de 2,7 millions de livres (3,3 millions d'euros), qu'il ne recevra que si l'entreprise atteint certains objectifs fnciers. Une telle clause s'applique également au directeur financier. Barclays a aussi signalé son intention de verser des dividendes plus substantiels à l'avenir, se disant "entièrement engagée à ce qu'une plus grande proportion des revenus et des bénéfices soit transférée aux actionnaires".

Le rapport de force entre les actionnaires et les dirigeants des banques a pris un tournant décisif

Ces concessions ne sont cependant pas spontanées. D''influents investisseurs comme l'Association des assureurs britanniques (ABI) ou Standard Life Investments ayant auparavant manifesté leur colère contre les rémunérations astronomiques de Bob Diamond, qui symbolise dans l'opinion britannique les dérives de la finance. L'assemblée générale du 27 avril promettait ainsi d'être agitée, avec des questions embarrassantes voire des votes négatifs pour la direction de l'entreprise.

Standard Life, l'un des dix premiers actionnaires de Barclays, a salué les concessions obtenues. "Nous sommes satisfaits de voir que nos principales inquiétudes concernant les bonus versés aux dirigeants ont été prises en compte", a déclaré Guy Jubb, directeur de la gouvernance chez Standard Life. Même si d'autres questions restent en suspens concernant Bob Diamond, notamment la "compensation fiscale" de près de 7 millions d'euros qui lui a été accordée après sa nomination à la tête de la banque en 2010. Barclays va sans doute s'épargner l'embarras causée aux dirigeants de sa concurrente américaine Citigroup.

Quelle que soit la décision finale de la direction de Citigroup et le résultat de l'assemblée générale de Barclays, un tournant a été pris dans le rapport de force entre dirigeants et actionnaires, qui font désormais entendre leur voix, estiment les observateurs. "Cette question très émotionnelle (des salaires) semble être passée d'un tollé dans l'opinion publique à une pression de la part des actionnaires, et ce des deux côtés de l'Atlantique", observe Richard Hunter, analyste du courtier Hargreaves Lansdown. Et d'ajouter que les banques commencent aussi à "reconnaître que la rémunération doit être plus directement liée à la rentabilité du groupe". Le fait que ce soit des actionnaires institutionnels comme les fonds de pension américains ou encore les assureurs britanniques, pourtant eux aussi parties prenantes du monde de la finance, qui rappellent ces évidences, en dit quand même long sur l'éloignement des réalités auquel sont arrivés certains dirigeants de banques, malgré le contexte de crise financière et économique qui s'est installé depuis trois ans.