Régulation : « L'hyperprudence a un hypercoût »

Par Laura Fort  |   |  496  mots
Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d'assurance, Copyright Reuters
La régulation des secteurs bancaires et assurantiels, avec Bâle 3 et Solvabilité 2, pourrait bien conduire à "credit crunch", selon le constat de différents intervenants à la conférence Solvabilité 2.

L'impact de la régulation du secteur financier sur le financement de l'économie ne sera pas neutre. C'est le constat des différents intervenants à la 4ème conférence européenne sur Solvabilité 2, qui se tient ce vendredi 7 décembre 2012 à la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA).
Dans son discours d'introduction, Bernard Spitz, son président, n'aurait pas pu être plus clair au sujet de la future entrée en vigueur de Solvabilité 2 : "Une réforme mal conçue pourrait avoir des conséquences dramatiques. [...] Une mauvaise réforme entraverait la capacité des assureurs à faire leur métier, et fragiliserait aussi l'investissement de long terme dont nos économies ont tant besoin pour le redressement de la compétitivité". Il forme notamment le v?u d'une régulation contra-cyclique, qui ne viendrait donc pas amplifier la volatilité des marchés.

"Le premier credit crunch réglementaire de l'histoire"

"Notre position n'a pas bougé. Lors de la première conférence, nous prévenions que l'hyperprudence a un hypercoût. A la deuxième, nous mettions en garde contre les dangers du court-termisme. Et l'an dernier, nous nous demandions si la l'Europe était vraiment prête à assumer une pro-cyclicité excessive", ajoute Bernard Spitz.
En effet, tandis que les assureurs investissent une grande partie de leurs actifs sur des engagements de long terme, Solvabilité 2 les oblige à les comptabiliser chaque année en valeur de marché. D'où cette demande récurrente de contra-cyclicité de la part des assureurs.
Quant à l'impact sur le financement de l'économie, Lionel Zinsou, président de PAI Partners estime que Bâle 3 et Solvabilité 2 "nous préparent le premier credit crunch réglementaire de l'histoire".

L'augmentation des fonds propres a un prix

Alors que l'économie française est perfusée au crédit bancaire, la réglementation empêche les banques d'ouvrir en grand les vannes du crédit. "Bâle 3 a multiplié par sept les obligations de fonds propres des banques. Et la course aux ratios des bons élèves a un prix : la difficulté à lever des capitaux frais. Pour satisfaire à leurs obligations, les banques peuvent soit augmenter leur productivité et mettre en réserve leurs bénéfices, soit réduire le volume de leurs actifs, c'est-à-dire les crédits à l'économie. Et c'est justement ce qui se passe", constate Jacques de Larosière, président d'Eurofi et de l'Observatoire de l'épargne européenne.
En ce qui concerne les assureurs, la détention d'actions est quant à elle pénalisée dans le cadre de Solvabilité 2, du fait d'une charge en capital dissuasive.
"L'équilibre entre la sécurité et l'efficacité est toujours difficile à trouver. Il faut donner plus de flexibilité et de contra-cyclicité à des prises de risques limitées, mais essentielles au financement de l'économie. On ne peut pas passer du jour au lendemain d'une économie financée par les banques à une économie financée par les marchés !", conclut Jacques de Larosière.