Après la plainte des Etats-Unis, l'étau se resserre autour de Standard & Poor's

Par latribune.fr  |   |  683  mots
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L'agence de notation américaine a annoncé lundi qu'elle allait être visée par une procédure judiciaire des autorités américaines, l'accusant d'avoir sous-évalué les risques des actifs immobiliers à l'origine de la crise des subprimes. Or depuis plusieurs mois, S&P a fait l'objet de plusieurs plaintes similaires, notamment en Australie et en Europe.

Après les coups de semonce, voici vraisemblablement venu le temps des règlements de compte. Lundi, Standard & Poor's a annoncé que le Département de la Justice américaine allait déposer une plainte au civil contre elle. Dans un communiqué, l'agence de notation américaine a précisé que le ministère visait  "certaines obligations américaines adossées à de la dette" en 2007. Concrètement, il s'agit des CDO (Collateralized Debt Obligations), ces titres financiers liés aux emprunts immobiliers "subprime" à l'origine de la crise financière.

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Après les banques, Washington semble donc vouloir employer la manière forte pour lever le voile sur les activités des agences de notations. Pour cela, S&P, Moody's et Fitch sont dans le collimateur de plusieurs institutions à travers le monde. Début novembre, Standard & Poor's a ainsi été condamnée pour notation "trompeuse" en Australie. En 2006, l'agence avait estampillé de son triple A des titres CPDO ("constant proportion debt obligation") émis par la banque néerlandaise ABN Amro et vendus à douze collectivités locales. Mais après coup, ces actifs se sont révélés toxiques.

Des procédures en Europe

Dans la foulée de cette condamnation, IMF Australia, qui a financé la plainte collective à l'origine de l'affaire, a indiqué vouloir lancer des procédures similaires sur le Vieux Continent, où deux milliards de ces titres CPDO ont été souscrits. Selon l'AFP, une plainte aurait été déposée aux Pays-Bas. D'autres procédures seraient également à l'étude en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en France.

Le jugement australien a sans doute pesé lourd dans l'actuelle fronde contre S&P. Comme le relevait alors dans nos colonnes le docteur en économie et spécialiste des agences de notations Norbert Gaillard: "Ce qui est plus important, c'est que la Cour a clairement jugé les méthodes de travail de S&P légères et peu professionnelles. Et ce, sur des bases solides." Il envisageait déjà que ce jugement puisse être utilisé comme base, "notamment aux Etats-Unis".

>> "Les agences de notation ont du souci à se faire"

La plainte des Etats-Unis contre Standard & Poor's intervient aussi dans le sillage d'une nouvelle réglementation européenne du marché de la notation. Mi-janvier, le Parlement européen a adopté à une très large majorité une nouvelle batterie de règles pour réguler et encadrer la trentaine d'entités enregistrées au sein de l'UE. Celles-ci se voient imposer une plus grande transparence. Surtout, elles pourront dorénavant être tenues civilement responsables de leurs erreurs en cas de négligence grave ou de violation intentionnelle de la législation.

Moody's et Fitch bientôt visées ?

En avril 2011 aux Etats-Unis, le Sénat s'était déjà fendu d'un rapport très critique à l'égard du secteur. Il avait fustigé les méthodes de travail des grandes agences, et pointé un problème de conflit d'intérêt. L'institution avait notamment souligné que les agences sont payées par des banques d'investissements qui veulent des notes élevées pour les produits qu'elles émettent.

Pour sa défense, S&P affirme dans son communiqué du jour que les autorités américaines "auraient tort d'affirmer que les notes de S&P étaient motivées par des considérations commerciales et pas octroyées de bonne foi". Elle remarque aussi avoir "examiné les mêmes données sur les emprunts obligataires à risque que le reste du marché, y compris des responsables du gouvernement américain qui ont dit publiquement en 2007 que les problèmes sur le marché du subprime semblaient maîtrisés". Enfin, l'agence indique que "de manière regrettable, la profondeur et les effets de ce qui s'est passé ont été plus importants que ce que nous, comme tous les autres, avions prévu". Manière de pointer du doigt Moody's et Fitch, qui pourraient bien, elles aussi, faire l'objet de procédures similaires à court ou moyen terme.