LVMH/Hermès : le groupe de Bernard Arnault flingue, l'AMF se rebiffe

Par Christine Lejoux  |   |  635  mots
LVMH demande l'annulation de la procédure diligentée à son encontre par l'AMF, dans le cadre de sa montée dans le capital d'Hermès. Copyright Reuters
Le numéro un mondial du luxe exposait vendredi, pour la première fois publiquement, sa défense devant l'Autorité des marchés financiers, qui le soupçonne de ne pas être entré à la régulière dans le capital d'Hermès, en 2010. L'avocat de LVMH a dénoncé « la dénaturation, les préjugés et les dissimulations de l'enquête » menée depuis plus de deux ans par l'AMF... qui a finalement requis une amende 10 millions d'euros, sanction la plus élevée possible dans cette affaire.

En l'espace d'une matinée, le dossier LVMH-Hermès - qui voit les deux groupes de luxe s'affronter depuis deux ans et demie, le second protestant contre la montée du premier dans son capital, en 2010 - s'est mué en une affaire LVMH-AMF (Autorité des marchés financiers). Vendredi, lors d'une audience de la Commission des sanctions de l'AMF, l'avocat de LVMH, le ténor du barreau Georges Terrier, a dénoncé « un dysfonctionnement considérable de la procédure » d'enquête menée par le gendarme de la Bourse.

Cette enquête, qui a duré plus de deux ans, a conclu à un défaut d'information du marché par le numéro un mondial du luxe, lors de sa montée dans le capital du sellier. Ce qui aurait limité les gains des actionnaires d'Hermès ayant vendu des titres à LVMH, à l'époque. Pour mémoire, LVMH avait stupéfait la communauté financière en annonçant, le 23 octobre 2010, détenir quelque 14% du capital d'Hermès.

L'avocat de LVMH dénonce « les manquements de l'enquête » de l'AMF

Le groupe de Bernard Arnault, qui possède aujourd'hui près de 23% de la maison de la rue du Faubourg Saint-Honoré, a toujours assuré avoir respecté la réglementation boursière et argué du caractère amical de cette prise de participation, qu'il qualifie de « placement financier. » Mais Hermès n'en croit rien. L'AMF non plus, à en juger par les extraits de son rapport d'enquête publiés par le journal Le Monde, le 18 mai : le gendarme des marchés évoque une conjonction d'éléments qui « ne trouve son sens que dans la préparation d'une montée au capital d'Hermès », et s'interroge sur la réalité d'une « simple exposition économique de LVMH sur Hermès. »

Mais, pour l'avocat de LVMH, le rapport d'enquête de l'AMF est un concentré de « dénaturation, de préjugés et de dissimulations. » Dénonçant « les manquements de l'enquête », Maître Terrier estime que « la violation du principe de loyauté est consommée. » Principal objet de son courroux : un avis du collège de l'AMF transmis le 2 octobre 2012 au parquet de Paris, dans le cadre d'une plainte en justice d'Hermès contre LVMH, et dans lequel le gendarme de la Bourse estime que le numéro un mondial du luxe ne s'est rendu coupable ni de délit d'initié ni de manipulation de cours, lors de sa montée dans le capital d'Hermès.

Une amende de 10 millions d'euros, au maximum

« Nous n'avons appris que hier (jeudi 30 mai) l'existence de cet avis, dont la conclusion est en contradiction avec les griefs faits à LVMH (par la même AMF) et les vide de leur contenu ! », a fulminé Maître Terrier. Pour l'avocat, le fait de ne pas avoir eu connaissance de cet avis plus tôt a placé LVMH « dans l'impossibilité d'organiser utilement sa défense. » « Les organes de poursuite de l'AMF - cela apparaît aujourd'hui d'évidence - disposaient de tous les éléments pour dissiper les accusations portées contre LVMH. Au lieu de cela, ils les ont sciemment dissimulés pour maintenir leurs accusations sur des bases qu'ils savaient fausses », a renchéri Pierre Godé, vice-président de LVMH.

Aussi le dirigeant attend-il de la Commission des sanctions de l'AMF, indépendante du collège, qu'elle « désavoue de telles pratiques, qu'elle mette à néant une enquête fondamentalement biaisée. » Concrètement, Maître Terrier a demandé l'annulation de l'ensemble de la procédure. Il n'a semble-t-il pas été entendu puisque le collège de AMF a demandé vendredi une sanction de 10 millions d'euros à l'encontre de LVMH, ce qui constitue l'amende la plus élevée possible dans cette affaire et figure parmi les plus importantes requises dans l'histoire récente de l'Autorité.