« Fabulous Fab », l'ancien trader français de Goldman Sachs, seul face à la justice américaine

Par Christine Lejoux  |   |  714  mots
"Fabulous Fab", qui a toujours proclamé son innocence, risque d'être condamé à rembourser les 2 millions de dollars qu'il avait gagnés en 2007, dans l'affaire Abacus.Copyright Reuters
Le procès de Fabrice Tourre débute ce lundi, à New York. L'ancien trader de Goldman Sachs est accusé par le gendarme de la Bourse américaine d'avoir trompé ses clients en 2007, en leur vendant des produits financiers adossés à des « subprimes », sans leur préciser que le hedge fund Paulson spéculait à la baisse sur ces titres.

Jérôme Kerviel, Bruno Iksil, dit « La Baleine de Londres », Fabrice Tourre, plus connu sous le surnom de « Fabulous Fab »… Ces traders français se sont retrouvés au cœur de certains des plus gros scandales financiers de ces dernières années. Après Jérôme Kerviel, qui a multiplié les offensives judiciaires contre la Société générale ces dernières semaines, c'est au tour de « Fabulous Fab » de se trouver à nouveau sous les feux de la rampe.

Ce lundi débute à New York le procès de Fabrice Tourre, cet ancien trader de Goldman Sachs que la Securities and Exchange Commission (SEC) - le gendarme de la Bourse américaine - accuse d'avoir trompé ses clients, en leur vendant des produits financiers adossés à des crédits immobiliers risqués, les désormais fameux « subprimes. »

Paulson, flairant la crise des subprimes, a participé à l'élaboration d'Abacus

Un « flashback » s'impose. Nous sommes en 2007, à New York, à la veille de la crise des subprimes. Fabrice Tourre est alors âgé de 28 ans. Diplômé de Centrale et de l'université californienne de Stanford, le jeune homme travaille au sein de la prestigieuse banque d'affaires américaine Goldman Sachs, où il est chargé de concevoir des produits financiers ultrasophistiqués. Comme Abacus, un CDO (collateralized debt obligation) synthétique, c'est-à-dire un portefeuille de titres financiers adossés à des créances, en l'espèce des prêts hypothécaires américains risqués. Ce CDO Abacus, Fabrice Tourre - et, à travers lui, Goldman Sachs - le vend à des investisseurs institutionnels, tels que des compagnies d'assurance ou des fonds de pension.

Le hic, c'est que, d'après la SEC, Fabrice Tourre et son employeur se gardent bien de dire à ces « zinzins » que l'un de leurs clients, le hedge fund (fonds spéculatif) Paulson, flairant la crise des subprimes, a participé à l'élaboration d'Abacus, afin de pouvoir, via ce produit, spéculer à la baisse sur les crédits hypothécaires américains risqués.

Pour 550 millions de dollars, Goldman Sachs obtient de la SEC l'abandon des poursuites

Bien vu : la crise des subprimes éclate en effet en 2007. L'affaire rapportera 1 milliard de dollars au sagace Paulson, et 2 millions au jeune Tourre, mais fera perdre la même somme aux investisseurs ayant acheté « de l'Abacus. » La SEC dénonce publiquement les faits en avril 2010, pointant du doigt les responsabilités de Fabrice Tourre et de son employeur. Mais, deux mois plus tard, au prix d'un versement record de 550 millions de dollars, Goldman Sachs obtient de la SEC l'abandon des poursuites à son encontre.

C'est donc seul que Fabrice Tourre affrontera la justice américaine, à partir de ce 15 juillet 2013, pour une durée de deux à trois semaines. Le jeune homme a toujours nié avoir trompé ses clients. Mais certains courriels de l'époque, qui sont autant de pièces à conviction dans le cadre de son procès, ne plaident pas en sa faveur. A commencer par cet e-mail de janvier 2007, adressé par Fabrice Tourre à sa petite amie de l'époque : « L'édifice entier risque de s'effondrer à tout moment… Seul survivant potentiel, le Fabuleux Fab (c'est ainsi que le surnomme l'un de ses amis), debout, au milieu de toutes ces transactions complexes, à fort effet de levier, exotiques, qu'il a créées sans forcément comprendre toutes les implications de ces monstruosités !!! »

Le fonds spéculatif Paulson n'a jamais été inquiété par la SEC

De fait, la juge Katherine Forrest, qui instruira le procès de Fabrice Tourre, ne semble pas très bien disposée à l'égard de l'ancien trader. Qu'on en juge par son résumé du dossier, publié le mois dernier : « (Fabrice Tourre) a envoyé au petit chaperon rouge une invitation à se rendre chez sa grand-mère, sans préciser que la lettre avait été rédigée par le grand méchant loup. » Le grand méchant loup, c'est le fonds Paulson, qui n'a jamais été inquiété par la SEC. Fabrice Tourre, lui, risque d'être condamné à rembourser les 2 millions de dollars engrangés en 2007, et à s'acquitter d'une amende. Le jeune homme pourrait également écoper d'une interdiction d'exercer. Il ne travaille déjà plus chez Goldman Sachs, et poursuit des études d'économie à l'université de Chicago, après avoir œuvré dans l'humanitaire au Rwanda.