Crypto-actifs : Après Binance, l'étau du gendarme boursier américain se referme sur Coinbase

Par latribune.fr  |   |  849  mots
« C'est une attaque sur toute l'industrie », a clamé Changpeng Zhao, patron de Binance. (Crédits : SHANNON STAPLETON)
Aux Etats-Unis, la guerre est déclarée entre les plateformes d'échanges de cryptos et la Securities and Exchange Commission (SEC). Celle-ci est bien décidée à faire appliquer les règles de la finance traditionnelle au « Far West » des échanges décentralisés qui reposent sur les blockchains. Après une première assignation de Binance et de son emblématique patron, c'est au tour de l'américain Coinbase de passer sur le gril du régulateur.

[Article mis à jour mardi 6 juin à 15h00]

Moins de 24 heures après la procédure juridique engagée contre la première plateforme d'échanges de crypto-actifs Binance, c'est au tour de son concurrent, l'américain Coinbase de se retrouver dans le viseur de la Securities and Exchange Commission (SEC). Le gendarme boursier a prononcé cette seconde assignation pour non-respect de la régulation, provoquant la chute du titre de la plateforme cotée à Wall Street (-12% dans les échanges avant ouverture).

Dans un communiqué, la SEC accuse Coinbase « d'avoir opéré comme une bourse de valeurs, un courtier et une agence de compensation non enregistrés ». « La SEC a également accusé Coinbase de ne pas avoir enregistré l'offre et la vente de son programme de stockage d'actifs cryptographiques en tant que service », poursuit l'autorité.

« Le défaut d'enregistrement de Coinbase a privé les investisseurs de protections importantes, notamment l'inspection par la SEC, les exigences en matière de tenue de registres et les garanties contre les conflits d'intérêts, entre autres. »

« Nous alléguons que Coinbase, bien que soumis aux lois sur les valeurs mobilières, a mélangé et offert illégalement des fonctions d'échange, de courtier et de chambre de compensation », a écrit Gary Gensler, le président de la SEC.

Fin 2022, Coinbase comptait 110 millions d'utilisateurs et 80 milliards de dollars d'actifs logés sur sa plateforme.

Outre-Atlantique, l'heure est à la chasse aux pratiques non régulées de l'achat-vente de ces jetons numériques décentralisés qui échappent encore aux règles de la finance traditionnelle. Un « Far West » comme l'avait déjà dénoncé Gary Gensler, un ancien banquier de Goldman Sachs.

« Nous soutenons que (Changpeng) Zhao et les entités de Binance se sont engagés dans un vaste réseau de tromperie, de conflits d'intérêts, d'absence de transparence et d'un contournement calculé de la loi ». a-t-il attaqué lundi. Sur ce premier dossier, son directeur général, Changpeng Zhao, et l'opérateur de Binance US sont poursuivis pour 13 chefs d'accusation, principalement pour contournement de la réglementation.

Des retraits par vagues

Résultat, près de 780 millions de dollars (729,8 millions d'euros) ont été retirés de Binance au cours des dernières 24 heures, a annoncé mardi la société de données Nansen.

Ce n'est pas la première fois que, craignant la suspension des activités aussi appelé phénomène du "FUD" ("Fear, Uncertainty and Doubt" "peur, incertitude et doute"), les investisseurs en crypto retirent leurs fonds. En mars, les premières menaces de la SEC avaient provoqué le retrait de 2,2 milliards de dollars de cryptomonnaies. Et fin 2222, suite au scandale FTX, plus de 900 millions de dollars avaient été retirés. Binance avait même été contrainte de suspendre temporairement certains retraits.

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L'obligation de déclarer ses activités

Selon le document déposé auprès d'un tribunal fédéral de Washington, Binance a notamment laissé des résidents américains utiliser sa plateforme alors que la société n'était pas enregistrée auprès des autorités américaines.

C'est tout l'enjeu de la régulation des cryptos. Alors que les Etats se dotent de textes de lois applicables sur leur territoire, les plateformes maintiennent le flou sur la localisation de leur siège.

Dans une réaction postée sur son site, Binance a révélé que des discussions s'étaient tenues avec la SEC en vue d'un accord amiable, mais que le régulateur avait « abandonné ce processus et décidé de saisir la justice unilatéralement ».

« A en juger par ces développements, il semble que le but de la SEC n'ait jamais été de protéger les investisseurs », a réagi Binance, « mais de faire la Une.»

« C'est une attaque sur toute l'industrie », a clamé Changpeng Zhao. Et de se lancer dans une défense des communautés cryptos sur Twitter : « Qui vous protège le plus ? »

D'autres concurrents, tels Kraken et Ripple, font aussi face aux mêmes attaques de la SEC qui considère qu'elle doit réguler ces actifs comme ceux de la finance traditionnelle.

Pour éviter les sanctions, les acteurs tentent de se montrer proactifs en matière de régulation. En France, où la régulation des cryptos sera encadrée par le texte européen MiCA en 2024, Binance a récemment banni des crypto-actifs dits confidentiels, qui respectent entièrement le principe de l'anonymat. Or, bientôt, la loi européenne imposera de rendre accessible les données des transactions, notamment avec l' adaptation de la Travel Rule qui s'applique à tous les transferts financiers.

Sur le marché des changes, le bitcoin BTC subit les assauts de la SEC, perdant plus de 78% mardi, proche de son plus bas mi-mars à 25.400. Le BNB, le jeton créé par Binance, a plongé de 9,2% lundi, sa pire performance depuis novembre.

(Avec agences)

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