Cryptomonnaies : faut-il s’inquiéter d'une faillite du géant Binance ?

Dans la foulée du scandale de la plateforme FTX, le leader des exchanges a connu un coup de chaud en décembre alors que de nombreux utilisateurs en panique retiraient leurs fonds, craignant une faillite imminente. L’entreprise a cependant su gérer la crise et un récent rapport de Bernstein qualifie sa faillite de peu probable. Le danger pourrait cependant tout aussi bien venir du régulateur américain, qui tend en ce moment à sévir contre les monopoles, les sociétés des cryptomonnaies et les entreprises suspectées de liens avec Pékin, trois conditions remplies par Binance.
Changpeng Zhao, dirigeant de Binance.
Changpeng Zhao, dirigeant de Binance. (Crédits : Reuters)

Après celle de FTX, l'existence de Binance est-elle menacée ? La plateforme d'échange de cryptomonnaies a donné des sueurs froides aux amateurs du secteur en décembre, alors que 6 milliards de dollars étaient retirés en 72h par des investisseurs en panique, et que certains commentateurs émettaient des doutes quant à la solvabilité de l'entreprise.

Si la situation s'est depuis stabilisée, la perspective d'une faillite de Binance suscite toujours la crainte dans l'industrie, après une année 2022 très difficile, marquée par la chute des valeurs des principaux cryptoactifs et par la spectaculaire faillite de FTX.

Comment la chute de FTX a éclaboussé Binance

Le vent de panique qui a gagné les utilisateurs de Binance est venu en deux temps. Il y a d'abord eu la chute de FTX, qui a soudain jeté le doute sur la solvabilité des autres plateformes :  si FTX, l'un des acteurs les plus célèbres et respectés du marché, s'avérait n'être qu'une gigantesque arnaque, en qui pouvait-on avoir confiance ? Face à cette vague de suspicion, Binance a voulu se distinguer de FTX en prenant ses distances vis-à-vis de son fondateur et en mettant en avant la solidité de ses propres réserves.

« SBF [NDLR : initiales de Sam Bankman-Fried, le fondateur et dirigeant de FTX] est l'un des plus grands fraudeurs de l'histoire, c'est également un maître manipulateur vis-à-vis des media et des leaders d'opinion », a ainsi affirmé Changpeng Zhao, le dirigeant de Binance, dans un tweet début décembre.

L'affaire Mazars

Binance a dans la foulée eu recours à des audits externes pour donner au public davantage de transparence quant à ses finances. Le cabinet d'audit Mazars confirmait ainsi le 7 décembre dernier que Binance détenait 575.742 bitcoins, d'une valeur d'environ 9,7 milliards de dollars au moment de la rédaction du rapport. La valeur des actifs détenus par Binance était ainsi supérieure de 1% à celle de son passif, d'après le cabinet d'audit.

Mais patatras : mi-décembre, Mazars annonce cesser de réaliser des audits de preuves de réserve pour les sociétés de cryptomonnaies, dont Binance, justifiant cette décision par le fait que ces audits étaient mal compris par le public, et ajoutant qu'ils ne constituent pas une assurance quant à la solvabilité générale des entreprises concernées, mais simplement une étude sur une catégorie d'actifs bien précise. Les audits de Binance sont dans la foulée retirés du site de Mazars, ce qui provoque une panique temporaire et un retrait massif de fonds de la part des utilisateurs.

Le pire de la tempête semble aujourd'hui passé. Un rapport du courtier américain Bernstein paru lundi 2 janvier estime ainsi la faillite de Binance comme peu probable, soulignant que la société possède pour 55 milliards de dollars de réserves en cryptomonnaies stockées sur des portefeuilles froids, et mettant en valeur la résilience dont la plateforme a su faire preuve par le passé face aux piratages, ainsi que sa capacité à s'adapter aux régulations. « La domination sans partage de Binance sur le marché n'est pas un accident, elle est le fruit d'une capacité à se mettre au service de leurs clients tout au long de leur histoire », notent les auteurs du rapport, Gautam Chugani et Manas Agrawal.

Dans le viseur de la FTC

Mais les ennuis de la plateforme ne sont pas résolus pour autant. Davantage que d'une fuite massive de capitaux, les menaces futures pour l'entreprise pourraient bien venir du régulateur. Ainsi, comme le souligne le rapport de Bernstein, celle-ci est, depuis la chute de FTX, en situation de monopole, comptant pour environ 75% du marché mondial d'échange de cryptomonnaies, selon ce rapport.

Ce qui en soi est une bonne nouvelle, mais pourrait aussi lui poser problème auprès du régulateur américain : la FTC, gendarme de la concurrence des États-Unis, avait déjà fortement tiqué lorsque Binance avait annoncé sa volonté de racheter FTX à l'automne, avant de rétropédaler après avoir jeté un œil aux comptes de l'entreprise.

En outre, le retrait de fonds massif qu'a connu Binance n'a pas seulement été provoqué par l'affaire FTX et le fiasco Mazars, mais aussi par la révélation du fait que le Département de la Justice américain préparerait l'ouverture d'une enquête contre la plateforme, accusée de blanchiment d'argent et de violation de certaines sanctions (notamment contre l'Iran).

Binance bientôt victime du protectionnisme américain ?

À l'heure où Washington mène une guerre commerciale, ouverte sous Donald Trump et poursuivie par Joe Biden, à l'encontre des sociétés technologiques chinoises, les liens de la plateforme avec la Chine pourraient également jouer en sa défaveur. Changpeng Zhao est en effet né en Chine, avant que sa famille ne déménage au Canada lorsqu'il avait douze ans.

Il est ensuite retourné dans son pays natal à l'âge adulte pour travailler dans la tech, et y a fondé Binance en 2017, avant de déménager suite à l'adoption de sévères régulations contre les cryptos par le gouvernement chinois. Des enquêtes journalistiques ont cependant fait état d'un bureau à Shanghai abritant de nombreux cadres de l'entreprise, que celle-ci n'aurait fermé qu'en 2019.

Binance nie de son côté l'existence de ce bureau, et dans un article de blog paru en septembre, Changpeng Zhao balaie d'un revers de la main les accusations selon lesquelles, sous prétexte que lui-même et plusieurs de ses collaborateurs sont d'origine chinoise, ils seraient automatiquement dans la poche du gouvernement chinois. « Je suis un citoyen canadien, un point c'est tout », martèle-t-il.

La société a également recruté des cadres ayant occupé des postes à responsabilité au sein d'Interpol et de l'IRS, et créé une structure juridique aux États-Unis, dirigée par des cadres américains expérimentés. Mais la plateforme connaît également des déboires juridiques dans d'autres pays, dont la France

C'est ainsi une lourde tâche qui attend Binance dans les mois qui viennent : s'éviter les foudres du gouvernement américain d'une part, rassurer les investisseurs sur la solidité de ses finances d'autre part. Le tout en continuant de séduire de nouveaux utilisateurs, naturellement.

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Commentaires 3
à écrit le 06/01/2023 à 22:44
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Le blanchiment se fait principalement… en dollars et pas en crypto qui représente un pourcentage minime dans le crime ! Tous les états travaillent à la mise en place de leur monnaie numérique et souhaitent à terme supprimer le cash. Les cryptomonn...

à écrit le 05/01/2023 à 12:00
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Cela ne concerne que les spéculateurs avides de gain facile et les malhonnêtes qui blanchissent de l'argent..Il a suffisamment été dit que tout ce qui tourne autour du bitcoin est sans contrepartie et sans garantie réelle. Ceux qui ont orchestré le s...

le 06/01/2023 à 18:42
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Les gens qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ne comprennent rien et s'arrête au côté spéculatif. Hors si beaucoup de personnes s'y intéressent c'est qu'il y a peut être des enjeux plus importants que l'appât du gain facile mais à ne p...

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