Le bitcoin dégringole avant Noël : Krach ou ajustement passager ?

Par latribune.fr  |   |  1152  mots
Après avoir flambée de manière continue depuis mi-novembre, la plus célèbre des monnaies virtuelles a perdu plus de 25% de sa valeur en une semaine. Une chute que les experts de la finance peinent à expliquer.

Noël en berne pour le bitcoin. Après avoir flambée de manière continue depuis mi- novembre, la monnaie virtuelle qui a fait irruption sur la scène financière internationale en 2017,a perdu plus de 25% de sa valeur en une semaine, soit deux fois deux fois la capitalisation boursière du groupe L'Oréal, par exemple. Selon les données compilées par l'agence Bloomberg, elle cotait ce vendredi 22 décembre vers 22h00 GMT autour de 14.445 dollars, alors que lundi 18 décembre elle flirtait avec les 20.000 dollars. Pour rappel, le bitcoin avait commencé l'année autour de 1.000 dollars puis avait gentiment progressé les mois qui suivirent pour atteindre 5.000 dollars environ en novembre avant de connaître une ascension vertigineuse faisant craindre une bulle, même dans les milieux financiers rompus à la spéculation et à la volatilité.

La Bourse d'échange de bitcoin Coinbase a même été contrainte de suspendre vendredi pendant quelques heures les opérations de vente et d'achat avant un retour à la normale vers 18h30 GMT.

Krach ou correction passagère?

Une chute brutale que les experts de la finance peinent à expliquer. Certains parlent de Krach, d'autres de correction passagère d'une monnaie virtuelle, même si la correction est particulièrement brutale, même pour une devise virtuelle habituée à des variations fortes, et échappant aux cadres monétaires traditionnels.

Contrairement au dollar ou à l'euro, le bitcoin n'est pas émis par des Banques centrales mais "miné", ou créé, de manière décentralisée par des ordinateurs utilisant des algorithmes complexes pour produire une chaîne de blocs de transactions codés et authentifiés (technologie dite "blockchain"). Les banques, qui avec le bitcoin ne jouent plus leur rôle classique d'intermédiaires dans les transactions financières, critiquent notamment un manque de transparence dans la fixation de son prix, dont le bond vertigineux a été jugé jeudi "anormal" par le gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda. Le bitcoin a toutefois gagné en crédibilité ce mois-ci avec le lancement en décembre de produits spéculatifs basés sur la crypto-monnaie par deux marchés boursiers américains de Chicago. Les premiers échanges de produits adossés au bitcoin, mais payés en dollar, sur un marché financier ayant pignon sur rue, le Chicago board options exchange (Cboe), a en effet apporté à cet égard une touche de légitimité.

Autant de bonnes nouvelles que de mauvaises ces dernières semaines

Pour Neil Wilson, de la société londonienne ETX Capital, "difficile de savoir si le glas a déjà sonné". Ces dernières semaines ont apporté presque autant de bonnes que de mauvaises nouvelles pour le bitcoin.

Outre le lancement aux Etats-Unis d'instruments spéculatifs basés sur le bitcoin, par des opérateurs reconnus, le géant bancaire Goldman Sachs envisagerait de se lancer dans le "trading" de bitcoins, selon Bloomberg, ce qui serait, selon les critères du monde de la finance, une sorte de consécration. Mais le bitcoin, accusé de servir à toutes sortes de trafics illégaux, reste très critiqué.

Mercredi, son étoile avait commencé à pâlir après des informations de piratage d'une plateforme d'échanges de cryptomonnaies en Corée du Sud, Youbit. Et jeudi, Haruhiko Kuroda, gouverneur de la Banque du Japon, marché important pour le bitcoin, avait jugé la flambée du cours "anormale". Sans compter les rumeurs récurrentes de création de cryptomonnaies concurrentes et de rivalités entre "mineurs".

Pour les experts, rien de tout ça ne suffit pourtant à expliquer sa chute brutale.

"Il semble qu'il soit temps pour les investisseurs de prendre leurs bénéfices et de les dépenser pour Noël", note simplement Neil Wilson.

Il n'est pas vraiment possible d'acheter ses cadeaux ou sa dinde en bitcoins, dont l'usage commercial reste très marginal. Pour dépenser ses bitcoins, il faut donc les échanger contre une autre devise, ce qui fait chuter le cours. Le Belarus a toutefois emboîté vendredi le pas au Japon en reconnaissant le bitcoin et les autres cryptomonnaies comme moyen de paiement légal ainsi que les "smart contracts" qui utilisent comme elles la technologie du "blockchain". Les opérations en cryptomonnaies resteront aussi défiscalisées jusqu'en 2023, selon un décret signé par le président Alexandre Loukachenko.

Alexandre Baradez, analyste pour IG France, ne trouve "pas d'explication particulière" à la chute, et rappelle que le cours du bitcoin a toujours été erratique. Sa volatilité "est 20 fois supérieure à la volatilité euro/dollar", souligne l'expert.

Il rappelle aussi que la cryptomonnaie reste un tout petit marché par rapport à d'autres grandes devises: il suffit que quelques gros poissons vendent pour que le cours décroche. Selon Stephen Innes, chef des échanges en Asie-Pacifique chez OANDA, les investisseurs du bitcoin font face à "un retour sur terre".

"Une demande effrénée" associée à une disponibilité limitée "a conduit des investisseurs inexpérimentés à être pris la main dans le sac", estime-t-il.

Rebecca O'Keeffe, chez Interactive Investor, attend pour sa part de voir si le bitcoin rebondit, ou s'il se dégonfle pour de bon au profit "d'autres monnaies virtuelles moins onéreuses".

Plus de 1.300 crypto-devises

Le bitcoin a ouvert la voie à l'explosion de nouvelles monnaies virtuelles offrant aux investisseurs un terrain de jeu grouillant mais périlleux. Il existe désormais plus de 1.300 crypto-devises, selon le site spécialisé coinmarketcap. Ethereum, Ripple ou Litecoin, elles reposent toutes sur la technologie de la "blockchain" à l'origine du bitcoin. Malgré les interrogations, et les nombreux avertissements des autorités de régulation, les crypto-devises attirent de nombreux investisseurs, des adeptes de la technologie aux courtiers à la recherche de rendements élevés.

Les investisseurs institutionnels rechignent encore à s'impliquer dans des actifs à la nature juridique imprécise et à la très forte volatilité.

A l'instar du Dow Jones, l'indice phare de Wall Street qui représente les trente plus grandes entreprises cotées des Etats-Unis, il existe même un indice reflétant la valeur des trente monnaies virtuelles les plus importantes, développé par la société Crypto Asset Management, le CamCrypto30 Index.

"Le niveau d'intérêt est hallucinant", indiquait récemment à l'AFP son fondateur Timothy Enneking. "On ne fait pas de marketing et pourtant chaque jour des dizaines de gens nous contactent pour savoir comment investir dans l'espace crypto".

Il est aussi possible de spéculer à la hausse ou à la baisse sur des places de marché privées, souvent basées en Asie. Aux Etats-Unis, la plateforme LedgerX a obtenu cet été le feu vert des autorités mais elle reste confidentielle.

Quelques entreprises offrent aussi une exposition plus ou moins directe aux monnaies virtuelles. Qu'il s'agisse de sociétés uniquement dédiées à l'une d'entre elles, comme Bitcoin Investment Trust ou de groupes plus classiques comme Nvidia, un fabricant de semi-conducteurs utilisés dans les machines faisant fonctionner la "blockchain".