Quelles sont les nouvelles banques des collectivités locales ?

Par Mathias Thépot  |   |  830  mots
Plusieurs agglomérations françaises, dont celle de Lyon, comptent aller chercher des ressources financières sur les marchés. (Crédits : Reuters)
Le marché du crédit aux collectivités locales est désormais majoritairement occupé par des acteurs publics. Une situation qui vise à pérenniser un niveau de financement idoine.

Minées en 2008 et en 2011 par la faillite en deux temps de leur principal partenaire bancaire, Dexia, les collectivités locales ont depuis vu de nouveaux acteurs leur proposant des solutions de financement émerger. Il faut dire qu'il y avait urgence : en 2011, le « crédit crunch » était proche. Il risquait alors de manquer 5 milliards d'euros de crédits par an aux collectivement, soit un quart des financements nécessaires pour leurs projets d'investissements. Plus globalement, pour l'économie française, l'enjeu était de taille puisque les collectivités locales représentent 70 % de l'investissement public civil, et soutiennent notamment fortement le secteur du BTP.

Les acteurs publics présents en nombre

Ces besoins de nouveaux financements ont finalement été comblés par la montée en puissance d'acteurs publics. La Banque Postale en premier lieu, qui distribue des crédits refinancés par la Sfil, l'entité publique héritière de Dexia. Celle-ci devrait accorder pour 4 milliards d'euros de nouveaux crédits en 2015. La Caisse des dépôts a aussi mis à disposition des collectivités en 2013 une enveloppe de 20 milliards d'euros de crédits sur 5 ans. La vieille dame de la rue de Lille a dans ce cadre signé en 2014 3,6 milliards d'euros de prêts aux collectivités publiques, et souhaite monter en puissance dans la limite de son enveloppe. De manière plus marginale, la Banque européenne d'investissement (BEI) intervient aussi auprès d'un petit nombre de collectivités de grande taille, et pour des montants élevés.

Du côté des banques privées, si les Caisses d'Epargne restent pour l'instant active, l'autre acteur principal du marché du crédit aux collectivités locales, le Crédit Agricole, se retire progressivement : la banque verte a réduit de 10 % de sa masse globale d'encours de crédits aux collectivités locales lors du premier trimestre 2015. Enfin, la Société générale, qui avait quasiment disparu de ce marché au plus fort de la crise, semble revenir.

L'émergence de l'Agence France locale

Du reste, à terme, c'est surtout la montée en puissance de l'Agence France locale (AFL) qui est attendue par les élus. Ces derniers souhaitent en effet reprendre la main sur leurs finances, et ne plus dépendre des politiques de « stop & go » des banques qui viennent et se retirent du marché du crédit aux collectivités en fonction de la conjoncture.

Cette agence, dont les collectivités locales sont actionnaires, leur permet concrètement de cofinancer des projets d'investissements par le biais d'émissions obligataires groupées. Jusqu'ici, la totalité des grandes agglomérations françaises sont parties prenantes du projet, à l'exception de Paris, Nice, Montpellier et Rennes. L'agence a vocation dans les prochaines années à prendre le quart de marché du financement des collectivités locales, toutes tailles et échelons confondus, soit entre 4 et 5 milliards d'euros d'émissions par an.

Solidarité entre collectivités

Elle instaure de fait une solidarité entre collectivités qui, même si elles n'emprunteront pas toutes au même taux, bénéficieront au moins d'aussi bonnes conditions de financement que si elles empruntaient seules. Et si Paris et l'Ile-de-France, qui bénéficient déjà d'une excellente notation, n'abonderont pas dans le dispositif, d'autres grandes agglomérations comme Lyon, Lille ou Bordeaux se sont montrées très intéressées par le développement de l'AFL. « Certaines collectivités de taille conséquente, qui émettent entre 100 et 150 millions d'euros par an, ne lèvent pas assez pour toucher toutes les catégories d'investisseurs sur le marché. C'est en partie pourquoi elles trouvent un intérêt à passer par le véhicule de l'AFL », explique Philippe Rogier, membre du directoire de l'Agence France locale

Un rempart contre les abus ?

Enfin, cette agence souhaite s'ériger en véritable régulateur du marché du crédit aux collectivités locales. Ce, après plus d'une décennie où des produits structurés hautement spéculatifs ont inondé le marché, et dont les pouvoirs publics n'ont pas encore fini de payer la facture.

Par le biais de l'AFL, les collectivités veulent ainsi s'affranchir définitivement du risque de dépendance des politiques de crédits des banques. D'ailleurs, « par le passé, les produits structurés les plus spéculatifs visant les collectivités publiques n'ont jamais connu un grand succès dans les pays qui s'étaient dotés d'une agence d'émission obligataire pilotée par les collectivités locales, comme dans les pays scandinaves ou les Pays-Bas », constate Philippe Rogier.

De manière plus technique, l'AFL a décidé de s'interdire dans ses statuts de proposer des produits dérivés adossés à ses émissions. Elle limite aussi l'écart de maturité entre son actif et son passif à un an, et se veut transparente sur les écarts de taux d'emprunt entre les collectivités les moins bien notées et les meilleurs élèves. Afin, peut-être, d'en finir avec les dérives du passé.