Comment Dassault aviation a préparé son offensive en Suisse

Par Michel Cabirol  |   |  602  mots
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Après avoir perdu la compétition fin novembre face au Gripen, le constructeur du Rafale a tenté en janvier de tordre le bras de Berne en faisant une nouvelle offre très attractive. Une contre-attaque menée par le patron en personne.

Quand Berne a choisi fin novembre l'avion suédois, le Gripen, Dassault Aviation, qui était encore confiant au début de l'automne dans le succès du Rafale en Suisse, a pris une sacrée douche glacée. Quinze jours avant, le coup de gueule des Emirats arabes unis (EAU), qui ont mis en compétition l'Eurofighter face au Rafale, avait déjà quelque peu ébranlé la confiance - certains parlent d'arrogance - des dirigeants de Dassault Aviation. Malmenés, critiqués, voire brocardés, ils sont alors au fond du trou. Ils viennent de perdre la Suisse, sont complètement « groggy » aux Emirats et sont très pessimistes sur l'Inde. Bref, rien ne va début décembre même si les relations font mine de se détendre avec Abu Dhabi.

Charles Edelstenne à la manoeuvre

C'est sans compter sur la pugnacité de son PDG, Charles Edelstenne. Une fois l'agitation médiatique retombée, il repart aussi sec à Abu Dhabi dès la fin du salon aéronautique pour renouer le contact et remettre tout à plat avec les autorités émiraties. Avec succès. Mais c'est en Suisse que la contre-attaque sera spectaculaire. Elle sera pilotée et orchestrée en personne par Charles Edelstenne. « C'est lui, et lui seul, qui a imposé de revenir en Suisse avec une offre imbattable et c'est lui qui a décidé de repartir au combat, explique un bon connaisseur du dossier. Il n'a pas voulu baisser les bras ». Pourquoi ? Selon certains, « il est soucieux de l'état dont il va laisser l'entreprise à son successeur. Il avait besoin d'un succès à l'export ». Est-ce que cela peut influer sur sa sortie ? La question reste entière. Selon un connaisseur de la famille, la succession serait réglée. La rumeur évoque Olivier Dassault à la tête de Groupe Industriel Marcel Dassault (GIMD), la société holding, et le directeur financier de Dassault Aviation, Loïc Segalen, l'homme en qui Charles Edelstenne a le plus confiance, aux commandes de l'avionneur.

Soupçons d'irrégularité pour "l'avion-Ikéa"

De fait, Dassault Aviation a envoyé un courrier aux parlementaires suisses leur proposant l'acquisition de 18 Rafale pour 2,7 milliards de francs suisses (CHF) soit 2,24 milliards d'euros au cours actuel. Le constructeur du Rafale avait perdu en novembre un appel d'offres pour remplacer la flotte vieillissante de F-5 Tiger de l'américain Northrop dont est équipée depuis des décennies l'armée de l'air suisse. Le gouvernement fédéral lui a préféré le Gripen (Saab), l'offre la moins onéreuse, en achetant 22 exemplaires au prix de 3,1 milliards de francs (2,57 milliards d'euros au cours actuel). Le Parlement doit encore donner son aval au contrat et le dossier doit être examinée en commission le 13 février.
En outre, concernant le Gripen, des soupçons de manipulations et d'irrégularités lors de l'appel d'offres, comme dans beaucoup de dossiers concernant la vente à l'international de l'avion de combat suédois. Le marché porte sur l'acquisition de 22 appareils (3,1 milliards de francs suisses) selon la presse helvétique, qui a de façon ironique surnommé le Gripen "l'avion-Ikea". Ce n'est pas la première fois que le Gripen est rattrapé par des affaires. Au début des années 2000, des soupçons de corruption ont plané en Tchéquie après la commande avortée de 24 appareils et en Afrique du Sud (26 appareils). Enfin, le Gripen devra aussi convaincre les Suisses. Une votation (référendum) sur l'achat des 22 avions de combat pourrait se dérouler à l'automne 2013. Le ministre suisse de la Défense Ueli Maurer espère encore échapper à ce scrutin.