Armement : Paris sur la piste de très gros contrats au Moyen-Orient

Par Michel Cabirol  |   |  819  mots
Copyright Reuters (Crédits : <small>DR</small>)
Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, s'envole vendredi pour l'Arabie saoudite et le Qatar. Au menu des discussions, de gros contrats de plusieurs milliards d'euros à la clé : Rafale (Doha), défense aérienne (Ryad et Doha) et modernisation de frégates (Ryad).

C'est un peu la visite de la dernière chance pour la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy en Arabie saoudite pour au moins faire avancer certains dossiers industriels dans le domaine de l'armement. Voire grappiller un contrat. « Peu probable », explique-t-on à « la Tribune ». Gérard Longuet décollera de Paris vendredi pour une petite tournée dans le Golfe jusqu'à dimanche, partageant son temps entre Ryad et Doha au Qatar. Une visite compliquée. Car la France, qui va de déception en déception en Arabie saoudite, a été régulièrement la grande oubliée lors de la l'attribution de grands contrat d'armements ces dernières années.

La Grande-Bretagne avec le Typhoon, les Etats-Unis, qui ont réussi à vendre 154 avions de combat F-15 (Boeing) en 2011 et l'Allemagne (surveillance des frontières) ont su, eux, profiter de la manne saoudienne. Sans compter l'humiliation subie en 2011 par Paris pour le contrat de lignes à grande vitesse reliant Djeddah à Médine et à la Mecque... obtenu par l'Espagne grâce à l'entregent très efficace de l'ancien ambassadeur saoudien à Madrid. Et ce n'est pas fini, l'Arabie saoudite s'apprête à finaliser l'achat de 84 F-15 supplémentaires avec leur armement pour la modique somme de 11,4 milliards de dollars. Les Etats-Unis vont aussi fournir à la marine saoudienne des très grosses frégates pour compléter sa défense aérienne élargie (anti-missiles) pour un montant de 29 milliards de dollars. Enfin, Berlin serait également proche de vendre des chars Leopard.

Les intermédiaires français inefficaces

Les ambitions de la France sont aujourd'hui beaucoup plus modestes en Arabie saoudite, autrefois vache à lait des industriels tricolores. Gérard Longuet ne parlera donc ni de Rafale, ni de frégates Fremm, pourtant deux des best-sellers technologiques de l'industrie française. Il sera plutôt question de tenter de maintenir une présence dans le domaine de l'armement afin de préserver l'avenir, explique-t-on à « latribune.fr ». Pourquoi la France fait-elle chou blanc au pays de l'or noir ? « Les Français ne comprennent rien à l'Arabie saoudite depuis longtemps et nos réseaux frappent aux mauvaises portes », rappelle-t-on à «latribune.fr». Et surtout, Paris continue d'envoyer des intermédiaires à la réputation sulfureuse, aujourd'hui bien connus du grand public français, qui ne seraient plus reçus par les autorités saoudiennes agacées. « On va crever avec ces intermédiaires », soupire un bon connaisseur de ces dossiers. Car Ryad, sous l'impulsion du roi Abdallah, a entrepris depuis 2010 de faire un grand ménage dans le domaine de la corruption, notamment au ministère de la Défense (Moda).

Un milliard pour moderniser les frégates

C'est dans ce contexte compliqué, que Gérard Longuet portera notamment à Ryad une offre de DCNS de modernisation de quatre frégates de classe Al Medinah et de deux pétroliers-ravitailleurs de classe Boraida mis en service en 1985-1986 (contrat Sawari I) : une commande évaluée à 1 milliard d'euros, selon nos informations. Ce qui permettrait d'allonger la durée de vie de ces frégates d'une dizaine d'années en vue de préparer Sawari III avec des frégates multimissions Fremm. Pour réussir à convaincre les Saoudiens, DCNS a sorti le grand jeu. Le groupe présidé par Patrick Boissier propose un partenariat, y compris capitalistique, avec un chantier naval local, capable de moderniser les frégates de la marine saoudienne. Avec à la clé les fameux transferts de technologies qui donnent encore à la France une chance de réussir dans le grand export à l'international.

L'autre contrat visé par Paris est la grande modernisation des systèmes de défense aérienne Crotale-Shahine pour un montant estimé entre deux et trois milliards d'euros. Une commande qui serait attendue cette année par Thales.

Au Qatar, une campagne Rafale en cours

A Doha, où la France a signé un accord de défense, Gérard Longuet évoquera le Rafale. Une campagne est en cours pour le remplacement des 12 Mirage 2000-5. Il est question que l'Air Force qatarie s'offre entre 24 et 36 Rafale. C'est un prospect solide et sérieux, qui à toutes les chances d'aboutir. « La France a la parole de l'émir (Hamad Ben Khalifa Al Tani, ndlr), qui le jour où il remplacera ses Mirage 2000-5 a promis qu'il achèterait le Rafale », explique un proche des négociations. Mais quand ? C'est la décision de l'émir, qui peut se décider très vite... ou pas. « En tout cas pas avant l'élection présidentielle », se risque cette même source.

Selon nos informations, le missilier MBDA est également en piste pour fournir au Qatar une défense aérienne à base d'Aster 30 block 1 (évalué à plus d'un milliard d'euros), qui serait embarqué sur des frégates Fremm de DCNS. Bref, Gérard Longuet porte l'espoir des industriels français dans la région du Golfe. Car tous ces contrats peuvent faire l'objet de signature dès cette année... si tout se passe bien.