Pourquoi Embraer renonce à défier Airbus et Boeing

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  595  mots
Copyright Reuters
Le constructeur d'avions brésilien confirme avoir décidé de remotoriser sa famille d'avions actuelle de 70-120 sièges à l'horizon 2018, plutôt que lancer un nouvel appareil pouvant transporter de 130 à 160 passagers.

Embraer renonce à défier Airbus et Boeing. Le constructeur d'avions brésilien qui étudiait la possibilité de lancer un nouvel appareil capable de transporter entre 130 et 160 passagers pour attaquer Airbus et Boeing par le bas de leur gamme ne se lancera pas l'eau. Il préfère au contraire remotoriser sa famille d'avions actuelle dont le plus important d'entre eux, l'ERJ195, a une capacité de 122 sièges. De passage à Paris, Paulo Cesar Silva, le président de la division commerciale d'Embraer l'a indiqué ce mardi, confirmant la stratégie dévoilée à l'automne dernier. Une décision sage, prise au regard de l'époustouflant succès de l'Airbus A320 et du B737 MAX, les moyen-courriers remotorisés des deux géants du secteur qui, lancés fin 2010 et en juillet 2011, totalisent à deux près de 2000 commandes et intentions d'achat.

L'exemple du C-Series

Une déferlante qui n'est pas étrangère aux difficultés commerciales du C-Series de Bombardier, un appareil de 100 à 149 sièges (voire 160 dans sa version extra-capacity), destiné à chasser sur les terres de l'A320 et du Boeing 737. A vouloir jouer dans la cour des grands, le canadien est en train d'y laisser des plumes. « Quand nous avons vu les très fortes commandes d'A320 Neo et de B737 Max, les difficultés du C-Series et l'investissement nécessaire au lancement d'un nouvel appareil, nous avons préféré nous concentrer sur le maintien de notre leadership sur le segment des appareils de 70 à 120 sièges », a déclaré Paulo Cesar Silva, selon qui Embraer détient 42% du marché des avions régionaux, contre 28% pour Bombardier. Embraer travaille donc uniquement sur la remotorisation de sa famille actuelle, un projet dont le coût de développement n'a pas été précisé.

Baisse de 15% de la consommation de kérozène

L'avionneur entend choisir sa motorisation d'ici à la fin de l'année (General Electric et Rolls Royce ont été cités) pour lancer la phase industrielle du programme en 2013. Ceci pour une mise en service en 2018, trois ans après l'A320 Neo et un an après le B737 Max. « Nous visons une réduction de la consommation de carburant de 15% », a indiqué Paulo Cesar Silva. En fonction des moteurs, notamment de leur taille, d'autres parties de l'avion risquent d'être retouchées. Ce n'est qu'une fois toutes les données en main concernant l'appareil que la direction précisera si elle équipe la totalité des quatre versions d'appareils ou uniquement les trois plus importantes en termes de capacité.

Le marché des avions de 90 à 120 sièges en croissance

L'avionneur compte sur cette remotorisation pour capter une grande partie du marché des appareils de 90 à 120 sièges en croissance. Selon les prévisions d'Embraer, près de 3.700 nouveaux avions d'une telle capacité devraient être livrés entre 2020 et 2030. Dont une grande partie aux Etats-Unis. Sur ce marché, le brésilien (tout comme Bombardier) est attaqué par Mitsubishi et Sukhoi.

Les alliances entre avionneurs reportées

De fait, face à Airbus et Boeing, ne restent plus que les projets chinois et russes, prévues à l'horizon 2016-2017. Deux projets qui auront du mal à faire de l'ombre au duopole américano-européen dans l'immédiat.
Si elle a mis à distance la concurrence, la décision d'Airbus et de Boeing de remotoriser leur best seller a une autre conséquence. Elle repousse aux dernières années de la décennie 2020 l'arrivée d'un successeur des A320 et des B737. Des appareils qui, selon les observateurs, doivent entraîner des alliances entre constructeurs d'avions. De fait, de telles coopérations sont également repoussées.