Ariane 6 : le patron de SES pousse un coup de gueule

Par Michel Cabirol  |   |  734  mots
Le prix de lancement d'Ariane 6 devrait tourner autour de 70 millions d'euros
Le PDG du puissant opérateur de satellites luxembourgeois, Romain Bausch, estime qu'il n'a pas été écouté sur la définition du futur lanceur européen. Il juge qu'Ariane 6 n'est pas assez modulaire et flexible.

Pourtant très favorable au développement d'Ariane 6, le PDG de SES, l'opérateur de satellites luxembourgeois, Romain Bausch, estime que les concepteurs - l'Agence spatiale européenne (ESA) et le Centre national d'études spatiales (CNES) ne l'ont pas écouté sur la définition du futur lanceur européen. Le plus grand opérateur mondial de satellites a besoin d'un lanceur flexible et modulaire, estime-t-il. « Nous souhaitons une nouvelle approche où on nous écoute un peu plus », a-t-il souligné à l'issue d'un déjeuner de presse.

Si l'on en croit Romain Bausch, un des clients historiques d'Arianespace, Ariane 6 ne sera pas aussi flexible qu'il le souhaiterait. La faute notamment aux boosters pas assez modulaires, assure-t-il, contrairement aux lanceurs américains Atlas et à Falcon 9, qui peuvent augmenter leurs capacités avec l'ajout de boosters pour s'adapter à toutes les caractéristiques des satellites. Avec quatre boosters, cela fige la définition des satellites, estime-t-il. Il s'attend désormais à ce qu'Arianespace mette son grain de sel et fasse pression sur les agences pour remédier à ces lacunes.

La filière industrielle européenne pas assez compétitive

D'une manière générale, il estime que la filière lanceur européenne ne sera jamais aussi compétitive que la société SpaceX, créée par le milliardaire Elon Musk, en raison de l'extrême simplification du processus industriel de fabrication de ses lanceurs Falcon. Le système industriel Ariane « ne sera jamais aussi compétitif que celui de SpaceX si la ligne de fabrication des lanceurs Ariane reste telle qu'elle est aujourd'hui », estime-t-il. Il a fait état d'une automatisation du processus de fabrication chez SpaceX, grâce à l'utilisation de robots qui apportent des gains de compétitivité. Ainsi, il a cité la fabrication de quatre moteurs par semaine. Le lanceur Falcon 9 doit lancer le satellite de télécoms SES 8 le mois prochain après avoir lancé en septembre le petit satellite de l'agence spatiale canadienne Cassiope, qui effectuera le vol inaugural du nouveau Falcon 9.

Romain Bausch a rappelé que Arianespace, a contrario, doit s'accommoder d'une organisation industrielle complexe en raison des justes "retours géographiques" demandés par les pays membres de l'ESA partenaires du programme Ariane. Ce qui complexifie l'organisation industrielle en raison de la multiplicité des sites de production en Europe. Pour autant, le CNES et l'ESA comptent parvenir avec Ariane 6 à des prix de lancement autour de 70 millions d'euros (contre un peu plus de 50 millions de dollars pour un lancement Falcon 9 grâce aux subventions de la Nasa).

Ariane 5 pas du tout flexible

Enfin, Romain Bausch se félicite de l'abandon d'Ariane 5, un lanceur double qui n'est pas du tout flexible, selon lui. Il rappelle qu'un de ses satellites de six tonnes, Astra 3B prêt à être lancé depuis juin, ne le sera de Kourou qu'en décembre parce qu'il doit attendre un deuxième "passager". Il se réjouit néanmoins des améliorations d'Ariane 5 (notamment de la coiffe et du moteur Vinci), un lanceur fortement soutenu par l'Allemagne. Dans le même temps, Berlin et ses industriels (le site de Brême) sont très réservés sur le développement d'Ariane 6 en raison de la mise en place d'une nouvelle organisation industrielle qui doit accompagner l'arrivée du futur lanceur européen.

Pourtant, selon le PDG d'Astrium, maître d'oeuvre du lanceur européen, François Auque, les coûts de lancement d'Ariane 5 vont se rapprocher rapidement de ceux de son concurrent américain SpaceX. "Le coût (de lancement) au kg d'Ariane 5 ME sera 10 % à peine supérieur au coût du lanceur Falcon 9 de SpaceX", a-t-il déclaré ce mercredi sur BFM. La nouvelle version, Ariane 5 ME, est attendue d'ici à 2017-2018. Il faut aujourd'hui 100 millions d'euros pour lancer un satellite de 6 tonnes, selon Arianespace.

Astrium devant Boeing

"Ne sous-estimons pas nos atouts", a insisté François Auque. Il a ainsi fait valoir que Astrium (groupe EADS) avait devancé Boeing en termes de chiffre d'affaires l'année dernière. "En 2012, nous sommes la deuxième entreprise spatiale dans le monde. Nous avons battu Boeing et nous sommes derrière Lockheed Martin", a-t-il dit. Il a ajouté que Astrium avait battu les industriels américains sur leur propre terrain l'année dernière en emportant deux commandes de satellites. Astrium, qui va se rebaptiser Airbus, doit fusionner avec sa filiale défense, pour former une division Airbus Defense and Space.