Les pneus d’avions, l'increvable business de Michelin

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  647  mots
Plus de 1,5 million de pneus sont vendus chaque année
Le groupe clermontois revendique le leadership sur ce marché, grâce notamment à ses innovations. Cette activité spécifique et très complexe est souvent méconnue.

Ils doivent supporter une charge nominale de 10 tonnes, des vitesses pouvant aller jusqu'à 420 km/h, des températures instables allant de -40 degrés (en altitude) à 250° au moment du décollage : c'est l'extraordinaire business des pneus d'avions, des "bêtes" qui peuvent peser jusqu'à 120 kilos, et coûter jusqu'à 4.000 euros au prix catalogue  (en pratique, ils sont vendus en moyenne 400 dollars). Un marché de plus de 1,5 million de pneus neufs par an, dominé par Michelin, lequel revendique la première place mondiale devant (par ordre alphabétique) Bridgestone, Dunlop et Goodyear, sans pour autant donner sa part de marché, ni aucun chiffre sur cette activité. Un business qui, par certains côtés, s'apparente à de l'artisanat. "Il y a beaucoup de processus manuels car ce sont des produits compliqués avec des séries qui ne sont pas énormes", a expliqué ce vendredi Mathias Kratzsch, vice-président marketing et ventes de l'activité aéronautique de Michelin devant l'association des journalistes profesionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE) . Il n'y a que pour les pneus destinés à l'Airbus A320, l'avion le plus produit sur le marché, que Michelin essaie d'automatiser la production.

 Innovation

Son leadership mondial, Michelin le doit à deux choses. Au fait, tout d'abord, qu'il est le seul industriel à être présent sur tous les segments de marchés, des avions commerciaux de plus de 100 places, aux avions de chasse en passant par les avions régionaux et d'aviation d'affaire, et, en second lieu, à l'innovation. «Toutes les avancés technologiques du pneu d'avions ont été inventées par Michelin », explique Mathias Kratzch, qui assure disposer « du plus important budget de R&D de l'industrie du pneu d'avion », développé dans ses centres de technologie de Greenville,  aux Etats-Unis (Caroline du Sud) et à Clermont-Ferrand.

Plus léger et plus résistant

Le groupe de Clermont-Ferrand a notamment amélioré la technologie Bias existante en lançant en 1997 une nouvelle technologie, puis, après avoir adapté la technologie radial sur un avion en 1981, optimise celle-ci avec le Radial NZG (New Zero Growth). Lancé en 2001, ce dernier équipe aujourd'hui l'A380, le Falcon 7X de Dassault…. et est en voie d'homologation pour l'A350. Avec sa surface de contact optimisée quand le pneu est gonflé, son enveloppe légère mais aussi au fait que le caoutchouc n'est pas étiré, ce pneu permet une usure moindre et donc d'augmenter  le nombre d'atterrissages (300, voire plus selon le type d'exploitation de la compagnie). Plus résistant, il permet de réduire les coûts de maintenance des compagnies aériennes. Plus léger de 11 kg qu'un pneu bias (qui compte beaucoup de matériaux en son sein) et de 2 à 3 kg qu'un pneu radial classique (nylon), le NZG contribue également à baisser la masse de l'avion, et à réduire la consommation de carburant. Selon Michelin, sur l'A350, le NZG apporte un gain de poids de 10% par rapport à l'autre pneu sélectionné sur cet avion (un radial nylon) et permet d'augmenter de 30% à la fois le nombre d'atterrissages et  la résistance au débris . Le gain sur le coût d'utilisation est de 10.000 dollars par an et par avion. Sur un Bombardier C-Series, il s'élève même à 20.000 euros.

Le radial a le vent en poupe

Les prix des pneus de première monte rapportent peu aux industriels. Ces derniers se rémunèrent sur les contrats de service signés avec les compagnies aériennes. Soit en facturant à l'atterrissage, soit au pneu à l'unité, qui peut être bien entendu rechappé (un pneu bias sur un B737 peut être rechappé 5 fois)

Si aujourd'hui, seuls 30% du marché est constitué de pneus radial, « la radialisation augmente plus vite que les autres pneus car chaque avion de nouvelle génération utilise des pneus radial. Un marché plein d'avenir avec les perspectives excellentes de l'aéronautique commerciale, dont la flotte mondiale est appelée à doubler d'ici à 20 ans.