Armées : la préparation des militaires reste très en deçà des exigences OTAN

Par Michel Cabirol  |   |  960  mots
Les pilotes de chasse de l'armée de l'air ne voleront en moyenne que 150 heures par an en 2014. Soit 30 heures au-dessous de ce que l'OTAN recommande.
Bilan catastrophique pour la préparation des forces armées : les pilotes d'avions de combat, de transport et d'hélicoptères volent moins, les bâtiments de la Marine voguent moins et les militaires de l'armée de terre se préparent moins.

Clairement, les chiffres font peur. Et ils sont d'ailleurs la plupart en baisse. Alors que la France s'est engagée dans de nombreuses opérations extérieures (OPEX), la préparation des forces armées s'éloigne de plus en plus des exigences des normes de l'OTAN. C'est d'ailleurs flagrant pour les pilotes d'avions de combat, qui ont pourtant commencé avec succès à bombarder des positions des Djihadistes en Irak.

Dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, la mise en oeuvre du nouveau modèle d'armée accompagnée des réformes engagées dans le domaine du soutien, doit permettre de "tendre vers les normes d'activité reconnues dans le cadre de l'OTAN et de l'Union européenne à partir de 2016 au fur et à mesure de la réalisation du nouveau modèle", espère-t-on au ministère de la Défense.

La chasse en panne

Un pilote de chasse de l'armée de l'air ne volera en moyenne que 150 heures par an en 2014 (contre 190 en 2011, 169 en 2012 et 150 en 2013). Soit 30 heures au-dessous de ce que l'OTAN recommande pour le nombre d'heures de vol par pilote de chasse. C'est aussi le cas pour les pilotes de la Marine qui sont également au même tarif (150 heures de vol en moyenne en 2014). Ils volaient pourtant 196 heures en 2011, 167 heures en 2012 et 175 heures en 2013. C'est évidemment loin des recommandations de l'OTAN, qui recommande 180 heures de vol en moyenne par an.

"L'engagement au Mali a accru les tensions logistiques et la disponibilité en métropole pour la chasse et l'aviation de transport", explique-t-on au ministère de la Défense. En clair, les opérations au Mali, qui ont mobilisé l'essentiel des appareils de mission et des équipages expérimentés de l'armée de l'air, ont limité les possibilités d'entraînement en métropole. Pourtant le ministère avait décidé de porter son effort en 2014 sur l'activité de l'aviation de chasse, qui restera au niveau de 2013 (150 heures). "Le maintien de l'équilibre, déjà fragilisé, entre préservation des compétences et formation des jeunes équipages sera un enjeu majeur" pour cette année, estime-t-on. Dans la Marine, les jeunes pilotes ont pâti du faible nombre d'avions disponibles. Contrairement aux pilotes expérimentés qualifiés pour les appontages de nuit.

Moins d'heures de vol pour les pilotes de transport

S'agissant des pilotes de transport, il est prévu qu'ils volent en moyenne 230 heures. C'est clairement en baisse constante depuis 2011 (310 heures en 2011, 265 heures en 2012, puis une remontée en 2013, soit 280 heures, dont 20 heures grâce à l'opération Serval). Soit toute de même 170 heures au-dessous de la norme OTAN (400 heures). "Le faible niveau d'activité prévu pour 2014 aura donc une incidence sur le fonctionnement des armées pour l'ensemble des activités faisant appel au transport aérien", note-t-on au ministère.

Les pilotes de patrouille maritime voleront 288 heures en moyenne cette année. Là aussi en baisse constante depuis 2011 (353 heures en 2011, 328 heures en 2012 et une remontée en 2013, soit 360 heures). L'emploi soutenue en 2013 des avions de patrouille maritime au Mali se traduira par une baisse sensible cette année, explique-t-on au ministère.

Les pilotes d'hélicoptères sacrifiés

Les pilotes d'hélicoptères des trois armées vont beaucoup moins voler qu'en 2013. Les pilotes de l'armée de terre devraient tenir le manche de leur machine 156 heures en moyenne par an (contre 177 heures en 2011, 165 heures en 2012 et 160 heures en 2013). C'est aussi le cas pour les pilotes de l'armée de l'air : 160 heures de vol (190 heures de vol en 2011, 199 heures en 2012 et 190 heures en 2013). Enfin, les pilotes de la Marine devraient moins profiter de leurs machines : 180 heures de vol en moyenne (contre 199 heures en 2011, 220 heures en 2012 et 202 heures en 2013). Une préparation qui est très loin des standards requis de l'OTAN : 180 pour les terriens, 200 heures pour les pilotes de l'armée de l'air et 220 heures pour les marins.

La cote d'alerte est plus que franchie. Dans l'armée de terre, "le seuil de 160 heures de vol pour un équipage d'hélicoptère constitue une limite basse que le recours aux moyens de simulation ne permet pas de compenser", explique le ministère de la Défense, qui estime la situation "préoccupante". Les effets s'en feront "ressentir sur plusieurs années". D'autant qu'un écart, constate-t-il, se creuse entre les pilotes projetés et les pilotes non ou peu projetés, notamment les jeunes pilotes. Dans la marine, la disponibilité des appareils, en particulier les Lynx et les Caïman, pourrait empêcher d'atteindre l'activité prévue. Enfin, dans l'armée de l'air, la régénération des Caracal sera privilégiée.

Moins de bateaux à la mer

86 jours de mer par bâtiment. C'est un point bas depuis 2011 (92 jours en 2011, 89 en 2012 et 88 en 2013). C'est loin des 100 jours recommandés par l'OTAN. La remontée pourra être obtenue en tirant partie des gains effectués par la réforme du MCO (Maintien en condition opérationnelle), espère-t-on au ministère. "Les difficultés rencontrée sur les appareils propulsifs expliquent en partie la baisse de la disponibilité de certains équipements constatée pour les sous-marins SNA et les frégates", souligne-t-il.

Enfin, la préparation opérationnelle (JPO) des militaires de l'armée de terre, en partie déterminée par l'opération Serval au Mali, devrait être stable (83 jours) par rapport à 2013 (90 jours recommandés par l'OTAN). Le niveau de préparation opérationnelle doit pouvoir être maintenu grâce à l'effort financier consenti. Mais le défi, estime-t-on au ministère, consiste à concilier les nécessités liées à la préparation aux opérations extérieures en cours et le maintien d'un socle de compétences permettant de faire face à d'autres types d'engagements.