Satellite EDRS-C : pourquoi Airbus a dû lâcher SpaceX pour Arianespace

Par Michel Cabirol  |   |  640  mots
Arianespace devrait finalement lancer le satellite européen EDRS-C, un programme en PPP entre l'Agence spatiale européenne (ESA) et Airbus Defence & Space
Airbus Defence and Space a annoncé vendredi être en négociation avec Arianespace pour lancer le satellite européen EDRS-C financé en partie par l'Agence spatiale européenne (ESA). Initialement, il était en négociation avec l'américain SpaceX.

La pression politique en France aura eu finalement raison des envies d'Airbus Defence & Space de faire monter à bord du lanceur Falcon 9 de l'américain SpaceX le satellite relais EDRS-C réalisé dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) entre l'Agence spatiale européenne (ESA) et le numéro un européen de l'espace. Dans un communiqué publié vendredi, Airbus DS a déclaré être "en négociation" avec Arianespace "afin de trouver un accord pour le lancement du satellite EDRS-C".

Évalué à plus de 500 millions d'euros, EDRS (European Data Relay System) est un projet de l'ESA de constellation de satellites de télécommunications placés en orbite géostationnaire et dont le rôle est d'assurer le relais entre des satellites en orbite basse et des stations terrestres. Le système européen de relais de données EDRS "incarne la solution la plus performante et sophistiquée en matière de transfert spatial d'informations, offrant aux satellites et drones une capacité de transmission de données en quasi temps réel avec une qualité de large bande", selon Airbus DS.

Pressions du gouvernement français

Airbus DS a démenti "faisant suite aux articles parus récemment dans la presse (...) avoir signé un contrat américain SpaceX pour le lancement" de ce satellite. Pourtant, l'article du  magazine spécialisé SpaceNew, qui a été le premier à révéler les négociations entre Airbus DS et SpaceX, n'a fait état que de négociations. Bref, une indiscrétion dans la presse qui a bien profité à Arianespace, qui négociait en parallèle avec Airbus DS, et à l'Europe. Mais, plusieurs sources contactées ont indiqué que le groupe spatial avait bien une préférence pour SpaceX en raison des prix de lancement très compétitifs que la société américaine pratique sur le marché commercial grâce aux "aides" de la Nasa.

C'est donc la pression politique qui a obligé Airbus DS à changer ses plans. Le gouvernement français dans son ensemble, notamment la secrétaire d'État à la Recherche et à l'Enseignement supérieur en charge de l'espace, Geneviève Fioraso. Elle "ne laissera pas passer", avait expliqué au "Figaro" son entourage. Elle-même mis sous pression par des parlementaires "scandalisés" par les négociations entre Space X et Airbus DS, qui souhaite que les Etats membres de l'ESA garantissent cinq lancements institutionnels par an pour exploiter Ariane 6. Contrairement à l'Allemagne, la France n'a toutefois pas investi dans ce programme.

"Coup de poignard"

C'est le cas de l'ancienne ministre et députée de Seine-Maritime, Valérie Fourneyron, qui a interpellé cette semaine le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, et Geneviève Fioraso à travers une question écrite : "si cette décision (d'Airbus DS, ndlr) devait être confirmée, ce serait un véritable coup de poignard dans le dos pour l'Europe spatiale" alors que "la France, grâce à la détermination de la secrétaire d'État a gagné un extraordinaire défi lors de la réunion des ministres européens de la recherche de l'ESA à Luxembourg avec la décision prise le 2 décembre 2014 de construire une future Ariane 6 pour 2020". Un investissement de 4 milliards d'euros. "Que l'Allemagne choisisse le concurrent direct d'Arianespace dans le contexte rappelé plus haut serait incompréhensible et inacceptable", a-t-elle souligné.

Le sénateur des Yvelines, et premier vice-président du groupe des parlementaires pour l'Espace, Alain Gournac, s'est également ému de ces négociations. Il a écrit à Emmanuel Macron "pour lui dire combien il a été scandalisé d'apprendre qu'Airbus Defence & Space, maître d'œuvre de la fusée européenne Ariane, serait en négociation avec l'américain SpaceX pour mettre en orbite, en 2016, le second satellite EDRS construit pour le compte de l'Agence Européenne Spatiale (ESA)". "Cela s'appelle jouer contre son camp", écrit Alain Gournac.