Défense : Airbus compte-t-il pour du beurre au Japon ?

Par Michel Cabirol  |   |  757  mots
Airbus Helicopters a refusé de participer au Japon à un appel d'offres avec le NH90 dans sa version navale
Les groupes américains sont-il avantagés par rapport au géant européen au Japon? Après l'invraisemblable échec en juillet dans un appel d'offres portant sur des hélicoptères, Airbus Group a successivement dû jeter l'éponge au Japon en ne participant pas à deux appels d'offres lancés par le ministère de la Défense japonais.

Le groupe Airbus vient de prendre trois grosses claques au Japon en très peu de temps dans la défense, et plus particulièrement dans des domaines où le géant européen a pourtant du succès : Airbus Helicopters deux fois et Airbus Defence and Space (avions ravitailleurs). Des déboires d'autant plus surprenants qu'ils interviennent au moment où l'Europe et le Japon vont prochainement conclure d'ici à la fin de l'année un ambitieux accord de libre-échange. Tokyo joue-t-il vraiment le jeu?

La filiale hélicoptères du groupe européen a d'abord perdu en juillet un contrat imperdable à sa très grande surprise. D'où le communiqué dépité fin août du constructeur de Marignane qui "confirme son extrême surprise à la suite de l'annonce faite par le ministère japonais de la Défense le 17 juillet".  Et pourtant Airbus Helicopters proposait à Tokyo de codévelopper et de cofabriquer le programme X9, un hélicoptère de 4 à 5 tonnes. Mais le ministère de la Défense japonais s'est tourné vers "une plate-forme existante et ancienne", le Bell 412. Les Etats-Unis ont-ils forcé la main aux Japonais pour ne pas perdre ce contrat au moment où les tensions en mer de Chine sont extrêmes?

Airbus Helicopters jette l'éponge

Puis mardi, Airbus Helicopters a annoncé avoir jeté l'éponge au Japon dans le cadre d'un appel d'offres de Tokyo qui souhaite s'équiper d'un hélicoptère naval destiné à la Force maritime d'auto-défense. Le constructeur franco-allemand, qui voulait vraisemblablement proposer le NH90 dans sa version navale (NFH), a estimé que la demande du ministère de la Défense japonais, qui privilégie "l'importance du contenu local par rapport à la performance opérationnelle réelle", ne lui permettait pas d'avoir des chances de succès.

"Il est presque impossible pour Airbus Helicopters de prendre part à cette compétition bien que nous estimons avoir la plate-forme la plus appropriée pour répondre aux besoins opérationnels" de la marine japonaise, a-t-il expliqué. D'où la "décision de ne pas participer à cet appel d'offres".

Airbus Defence and Space aussi

Enfin, Airbus Defence and Space a estimé en septembre que les chances de gagner de l'A330 MRTT au Japon étaient trop faibles compte tenu des conditions qui tendaient trop à orienter le choix vers les appareils du concurrent américain Boeing. Officiellement, le ministère japonais de la Défense pensait effectuer un choix entre le modèle KC-46A et les A330 MRTT. Mais Airbus ne souhaite pas jouer le lièvre dans cet appel d'offres. La date limite pour le dépôt des offres était le mercredi 9 septembre.

Dans un communiqué, Airbus DS a expliqué avoir été contraint de "conclure qu'il n'y avait pas de perspective réaliste de remporter cette compétition". L'avionneur a estimé que le fait de permettre à l'offreconcurrente de passer par le système américain de ventes militaires à l'étranger "sans mécanisme permettant d'établir une comparaison équitable du prix rend extrêmement difficile pour toute autre compagnie de participer à la compétition". En outre, "l'efficacité de combat accrue de l'A330 MRTT doit être prise en compte dans toute comparaison avec un avion plus petit et moins efficace", a-t-il ajouté.

L'A330 MRTT, un best-seller à l'export

L'A330 MRTT a déjà gagné six contrats à l'export, tous presque face à son concurrent américain. Dernier en date en Corée du Sud, qui est le sixième pays à l'exportation à opter pour l'A330 MRTT, après Singapour, l'Australie, l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le Royaume-Uni, qui ont commandé 34 exemplaires au total. L'A330 MRTT a également été sélectionné par l'Inde (six appareils), le Qatar (deux) ainsi qu'une commande de l'Agence européenne de défense (AED) pour le compte des Pays-Bas, de la Pologne et de la Norvège (4 appareils). A chaque appareil vendu à l'export, la part française s'élève à un tiers du contrat sur ce type d'appareils. A ce jour, 24 A330 MRTT sont en service au sein de quatre pays.

L'A330 MRTT a rendu les armes seulement deux fois dans les compétitions auquel il a participé. Aux États-Unis en 2011 après un combat de titan face à Boeing pour le contrat du siècle qui représentait 179 avions ravitailleurs pour une valeur totale de 35 milliards de dollars. Plus récemment au Brésil, Airbus a dû affronter un concurrent israélien, qui proposait la modernisation de KC-767 de Boeing à des prix extrêmement bas. Mais la compétition a été finalement annulée par Brasília.