La bombe de Le Maire : l'Europe a-t-elle fait le bon choix avec Ariane 6 ?

Par Michel Cabirol  |   |  707  mots
Bruno Le Maire se demande si Ariane 6 est de taille à lutter contre la "menace" représentée par Falcon 9 réutilisable de SpaceX, propriété du milliardaire d'origine sud-africaine Elon Musk.
Est-ce un début de panique face à l'insolente réussite de SpaceX. Bruno Le Maire a tiré la sonnette d'alarme. Il est temps de revoir la stratégie européenne en matière de lanceur. Il y a urgence...

Bruno Le Maire a lâché une énorme bombe. Le ministre de l'Économie s'est ouvertement interrogé dimanche sur Europe 1 sur le choix de l'Agence spatiale européenne (ESA) pour le futur lanceur européen. En clair, Bruno Le Maire se demande si Ariane 6 est de taille à lutter contre la "menace" représentée par Falcon 9 réutilisable de SpaceX, propriété du milliardaire d'origine sud-africaine Elon Musk. "Je suis inquiet parce que je regarde les évolutions technologiques", a-t-il expliqué. Sous-entendu, SpaceX les a fait, pas l'Europe. Et c'est le cas, car Ariane 6 est une petit Ariane 5. Ni plus, ni moins même si le ministre a déclaré que "le nouveau lanceur Ariane 6 sera aussi très performant".

"Simplement si on met les chiffres en face, a expliqué le ministre de l'Economie : un lancement d'Ariane 5 c'est 100 millions d'euros (un gros satellite, ndlr) à chaque lancement. L'objectif pour Ariane 6 c'est d'arriver à 50-60 millions d'euros le lancement. SpaceX c'est aujourd'hui 50 millions le lancement (55 millions de dollars, ndlr) et sera d'ici deux, trois ans parce que c'est un lanceur que l'on peut récupérer, ce sera 10 millions d'euros le lancement (on évoque le chiffre de 35 millions de dollars), cinq fois moins cher qu'Ariane 6".

Le Maire veut une stratégie sur les lanceurs récupérables

Au-delà des chiffres parfois inexacts, Bruno Le Maire a de façon très courageuse interrogé la filière lanceur européenne sur les choix technologiques qu'il faudrait qu'elle fasse pour se mettre au niveau de SpaceX et, plus tard, de New Glenn le futur lanceur de Jeff Bezos (Amazon). Car il est encore temps d'arrêter à fonds perdus un investissement de plus de 3 milliards d'euros pour le développement d'Ariane 6. "Je souhaite que l'on continue à investir dans l'innovation, a insisté Bruno Le Maire. Je souhaite que l'on réfléchisse à une stratégie en matière de lanceurs récupérables au niveau européen".

Et ce d'autant qu'Arianespace n'arrive plus à vendre Ariane 5. C'est le message que fait passer son PDG Stéphane Israël dans les cabinets ministériels, confie-t-on à La Tribune. Il l'a redit lors de la dernière réunion du Cospace. Pourquoi Ariane 6 serait-elle plus "bankable" qu'Ariane 5 aujourd'hui, et a fortiori en 2020? En dépit de son succès et de sa fiabilité, Ariane 5 appartient irrémédiablement au passé même si ce lanceur a réalisé "77 lancements consécutifs réussis", comme l'a rappelé Bruno Le Maire. Mais selon la CFE-CGC, chaque lancement d'Ariane 5 entraine environ 55 millions d'euros de perte pour la filière malgré les réductions de coûts obtenues.

D'une manière générale, Bruno le Maire affirme que "si on veut que la France et l'Europe restent dans la course de l'innovation, qui crée ensuite des emplois et de la prospérité pour tout le monde, il faut investir massivement dans l'innovation".

La CGC s'inquiète également

Bruno le Maire n'est pas le seul à s'inquiéter. La CFE-CGC d'ArianeGroup souhaite ainsi s'assurer que la filiale à parité d'Airbus et de Safran est "capable répondre à la compétition économique" pour préserver les emplois. C'est la raison pour laquelle la CFE-CGC propose au Comité Central d'Entreprise de mener une expertise sur les actions engagées par la filière pour s'adapter à l'évolution de nos secteurs d'activités (spatial civil, marchés stratégiques, produits équipements et services). Ces actions sont-elles "pertinentes et suffisantes pour a minima maintenir l'emploi au niveau actuel ? Les moyens affectés à ces projets sont-ils suffisants ? D'autres actions peuvent-t-elles être envisagées ?", s'interroge la CFE-CGC

"Pour la première fois en 2016, Arianespace a perdu sa place de leader mondial de l'accès à l'espace commercial", a indiqué le syndicat. Les réformes internes, qui se succèdent et qui sont menées par la direction d'ArianeGroup, "visent à améliorer notre réactivité et sont principalement motivées par l'atteinte de l'objectif de réduction du prix des lancements Ariane d'au moins 40% par rapport à la situation actuelle", a expliqué le syndicat. Mais la CFE-CGC "affirme avec force : cette situation délicate nécessite une vision stratégique claire et des gains de productivité rapides pour maintenir nos volumes d'activités".  Un début de panique ou de prise de conscience?