Les trois obstacles à surmonter pour réussir l'envol du drone MALE européen

Par Michel Cabirol  |   |  604  mots
Le drone MALE européen est-il bien né? (Crédits : Occar)
Sept champions européens pour un programme de drone MALE, qui ne pèse que 1 milliard d'euros... C'est beaucoup. Beaucoup trop?

Le drone MALE européen est-il bien né? Le programme européen de drone de Moyenne Altitude et Longue Endurance RPAS, qui a été confirmé en avril dernier lors du salon aéronautique de Berlin, réunit sept champions européens, sous la maîtrise d'oeuvre d'Airbus : trois constructeurs (Airbus, Dassault Aviation et l'italien Leonardo) et quatre équipementiers de premier rang (Thales, l'allemand Hensoldt, l'espagnol Indra et l'italien Elettronica). Clairement beaucoup d'acteurs pour un programme dont le développement est estimé à seulement un milliard d'euros environ. Beaucoup trop? A suivre mais le démonstrateur Neuron avait réuni avec succès six industriels autour de Dassault Aviation : Thales, l'italien Alenia (devenu Leonardo), Saab, EADS-CASA (devenu Airbus), Hellenic Aerospace Industry (HAI) et le suisse Ruag.

1/ Une maîtrise d'oeuvre solide

Pour réussir un programme européen, il faut, à la fois, réunir une volonté politique partagée et durable - ce qui est plus facile lorsque le nombre d'États partenaires est limité - et avoir un réalisme budgétaire sur la durée pour éviter de réduire ultérieurement les commandes. Il faut également une maîtrise d'œuvre unique mettant en place un partage industriel optimisé. En conséquence, le retour géographique doit être mesuré sur l'ensemble du programme. Dans le cadre du programme du drone MALE européen, la maîtrise d'oeuvre a été confiée à Airbus. De son côté, Dassault Aviation a récupéré les commandes de vol, les essais en vol et la chaîne de communication, tandis que Thales s'occupera pour sa part du radar, Hensoldt, de l'optronique et Elettronica de la guerre électronique, selon nos informations. Enfin, Indra collaborera avec les trois équipementiers sur les missions. Jusqu'ici tout va bien mais...

2/ Airbus peut-il réussir un programme de défense?

Airbus n'a pas particulièrement brillé dans la conduite de certains grands programmes militaires, dont il a eu la maîtrise d'oeuvre (A400M, drone SIDM, hélicoptère NH90...). Et plus spécifiquement quand le groupe européen a lui-même dû développer des missions de défense dans ces programmes. De ce point de vue, l'A400M a été par exemple un véritable fiasco technique. "Ils ne savent pas maîtriser les missions de défense", estime un industriel du secteur. Or les caractéristiques d'un drone MALE résident principalement dans ses missions, il n'est pas seulement un "avion" qui vole. "On a peur qu'ils nous refassent un A400M", poursuit-il. Pour Airbus, c'est donc le moment de tirer toutes les leçons du passé. Mais cela est mal parti. Car personne ne sait encore combien va coûter le drone MALE européen, ni ne connait le cahier des charges et, enfin, les spécifications techniques. A suivre...

3/ Les industriels vont-il jouer le jeu?

Entre le drone MALE européen et le système de combat aérien du futur (SCAF), il n'y a pas photo : le second programme est beaucoup plus stratégique que le premier. D'autant que les pays européens se sont aujourd'hui bien accommodés des Reaper, les drones américains. Les industriels ne vont-ils pas privilégier le SCAF au drone MALE? Cela pourrait être une tentation pour les industriels de torpiller le drone MALE pour récupérer le budget afin de le réattribuer au SCAF. Comment ? En alourdissant les devis du drone MALE... Rien de plus facile. Enfin, les industriels, en dépit d'un discours de mobilisation pour ces deux programmes, continuent de se détester... cordialement. Cette "bonne ambiance" plombe évidemment leurs relations dans les deux programmes.