Budget défense : Marine Le Pen promet la lune aux militaires

Par Michel Cabirol  |   |  1209  mots
Marine Le Pen entend "sanctuariser les dépenses militaires en inscrivant le seuil minimum de 2 % du PIB consacrés à la défense nationale dans la Constitution"
La présidente du Front National promet un "effort de défense à 2 % du PIB en début de quinquennat avec une progression continue tout au long pour atteindre les 3 % en 2022".

Plus haut et plus loin que tous les autres candidats à l'élection présidentielle en matière d'effort de défense. Surtout, Marine Le Pen va beaucoup plus vite que le chef de l'état-major des armées, le général Pierre de Villiers, pour atteindre un effort de défense à 2% du PIB. Dans une interview accordée à la lettre AeroDefenseNews, la présidente du Front National (FN) Marine Le Pen promet si elle est élue chef de l'État, un "effort de défense à 2 % du PIB en début de quinquennat avec une progression continue tout au long pour atteindre les 3 % en 2022". Ce qui parait irréalisable. Car le ministère de la Défense n'est pas en capacité de dépenser autant d'argent aussi vite. La filière défense est plutôt dans le temps long pour développer et fabriquer de nouveaux systèmes d'armes, bâtir de nouvelles infrastructures...

Selon la présidente du FN, "ce chiffre minimal de 2 % est le seul qui permet d'éviter l'effondrement de notre système de défense".

Pour préserver le budget de la défense lors de son exécution, Marine Le Pen entend "sanctuariser les dépenses militaires en inscrivant le seuil minimum de 2 % du PIB consacrés à la défense nationale dans la Constitution". Selon la présidente du Front National, "il n'y a que de cette manière que les armées cesseront d'être la variable d'ajustement budgétaire des gouvernements successifs".

Politique industrielle : recréer des champions nationaux

Marine Le Pen regrette dans cette interview que "l'industrie française, autrefois nationale, a été abandonnée aux mirages européens ou étrangers". C'est le cas chez "Airbus où le recul de l'État et de la partie française a affaibli la gouvernance de cette entreprise stratégique, notamment pour l'espace et le nucléaire". C'est également vrai chez "RTD dont l'actionnaire suédois, Volvo, souhaite sa mise en vente sans que des solutions nationales - autour de Thales ou de Nexter, par exemple- soient imaginées". C'est le cas avec "Thales qui est confronté à des choix multidomestiques qui ne sont pas toujours ceux de la France, notamment dans le naval". Enfin, Marine Le Pen déplore que STX ait été "abandonné aux Norvégiens, puis aux Sud-Coréens et demain peut-être aux Italiens". Tout comme avec "la fusion projetée de Nexter avec Krauss-Maffei Wegmann, fusion qui risque de reproduire les mêmes erreurs que celles constatées avec EADS/Airbus".

"Ces exemples montrent clairement que l'État ne joue plus son rôle de stratège pour éviter que toutes ces entreprises ne partent à l'étranger malgré des milliards dépensés par l'État dans la R&D ou les commandes nationales", explique-t-elle.

Selon elle, "la première urgence est donc, à l'instar des Britanniques, Italiens, Suédois ou des Allemands, de recréer des champions nationaux autour des maîtres d'œuvres nationaux comme Dassault Aviation, DCNS, Nexter pour recréer un tissu cohérent, avec un actionnariat national public et privé pérenne". Marine Le Pen envisage également des rectifications de frontières dans l'industrie de l'armement française pour "remettre de la cohérence là où elle a disparu". Notamment entre Thales et le missilier MBDA, pour que "cessent les rivalités nuisibles aux programmes nationaux ou aux campagnes export". Elle souhaite également une recomposition de l'actionnariat de DCNS pour "mettre fin à la situation actuelle où Thales est à la fois actionnaire, équipementier et concurrent du chantier... "

Par ailleurs, elle veut "redonner à la DGA des moyens humains et financiers pour qu'elle poursuive sa mission qui est la conduite des programmes d'armement nationaux". "La France a la chance de disposer de la DGA : il faut la renforcer", précise-t-elle. Enfin sa troisième priorité sera "de replacer l'État comme investisseur fiable".

"L'industrie a besoin de visibilité pour ses bureaux d'étude et son appareil de production. L'effort de défense que je propose est le seul à redonner à l'industrie cette perspective de long terme avec un doublement des crédits d'études et un budget d'acquisitions neuves en forte hausse", souligne-t-elle dans AeroDefenseNews.

Coopérations ?

En matière de coopérations industrielles internationales, Marine Le Pen se veut plutôt pragmatique. "Le problème n'est pas tant la coopération européenne que la manière de coopérer en Europe", explique-t-elle. Ainsi, estime-t-elle, "le programme de démonstrateur Neuron est un exemple intéressant de coopération autour de Dassault Aviation, alors que l'A400M est une catastrophe dont l'armée de l'Air française est victime". Pour autant, l'armée de l'air se félicite de disposer d'un tel appareils en dépit de ces déboires.

"Pour qu'un programme fonctionne, il faut un besoin commun entre nations européennes, puis des spécifications communes entre utilisateurs et enfin un maître d'oeuvre compétent qui choisit ses équipementiers non en raison d'un juste retour industriel - gabegie dont on voit les effets - mais en fonction de leur savoir-faire", assure-t-elle.

Dans ce cadre, elle "récuse l'Airbus de la Terre avec la fusion Nexter-KMW, l'Airbus de la Mer avec la fusion complète de DCNS et de Fincantieri qui se cache à terme derrière la reprise de STX par Fincantieri". Marine Le Pen juge que "le modèle Airbus ne fonctionne pas et s'il fonctionne cahin-caha, il n'est pas dans les intérêts français : l'actualité le démontre. Il faut donc en revenir aux sociétés communes de projet qui ont bien fonctionné dans le passé et ont produit le Transall, le Milan, l'AlphaJet, etc..."

"La coopération industrielle avec l'Europe ne peut donc se résumer à des sacrifices français sur l'autel de l'Union européenne alors même que l'industrie nationale offre très souvent plus que ses partenaires, en raison de son avance technologique, affirme-t-elle. La coopération européenne ou internationale doit être au service des intérêts nationaux : sinon, elle n'a aucune raison d'exister".

Confrontations avec l'Allemagne?

Marine Le Pen appelle à "une clarification nette et ferme" avec l'Allemagne. Elle estime que "ce pays a systématiquement engagé soit une politique nationale (dans l'espace, l'aéronautique, les missiles, le naval), soit une politique de coopération excluant systématiquement la France au profit des Pays-Bas, de la Norvège, etc". En outre, sa politique d'exportation "n'est pas la nôtre et pénalise les industriels français", assure la présidente du FN. Il est temps pour elle de "remettre sur le métier les accords Debré-Schmidt afin de déterminer ce qui est possible ou non de faire avec l'Allemagne au nom des intérêts français".

En revanche, la Grande-Bretagne trouve grâce auprès de la candidate du FN, qui ne voit "aucune raison de changer les accords bilatéraux de Lancaster House dans les domaines clés que sont l'aviation de combat du futur, le système de lutte contre les mines ou les missiles". Toutefois, elle reste sceptique sur un corps expéditionnaire commun. "Un tel instrument militaire ne peut être efficace que si les deux pays partagent la même vision stratégique du monde", fait-elle valoir.