Pourquoi le choix de Tokyo désespère tant Airbus Helicopters

Par Michel Cabirol  |   |  794  mots
Le ministère de la Défense japonais a sélectionné un appareil de plus de 50 ans d'âge
Alors que Airbus Helicopters proposait à Tokyo de codévelopper et de cofabriquer le programme X9, un hélicoptère de 4 à 5 tonnes, le ministère de la Défense japonais s'est tourné vers "une plate-forme existante et ancienne", le Bell 412. Cet appareil aura plus de 60 ans au moment de l'entrée en service du programme UH-X.

La déception d'Airbus Helicopters est immense après la sélection par le Japon du consortium formé par l'industriel japonais Fuji Heavy Industries et l'américain Bell... Elle se lit d'ailleurs entre les lignes du communiqué publié ce mardi. Associé à son partenaire japonais habituel Kawasaki Heavy Industries (KHI), maître d'oeuvre de ce programme, le constructeur de Marignane "confirme son extrême surprise à la suite de l'annonce faite par le ministère japonais de la Défense le 17 juillet", a-t-il expliqué dans une déclaration envoyée par email à La Tribune. C'est également le premier échec commercial d'Airbus Helicopters depuis le début de l'année.

Recours ou pas?

Une déception d'autant plus forte que la division hélicoptères d'Airbus a été très longtemps persuadée de remporter cet appel d'offre, baptisé UH-X qui vise à remplacer pendant 20 ans à partir de 2021 la flotte vieillissante de 150 hélicoptères de transport de troupes Huey (Bell), dont la conception date d'avant la guerre du Vietnam. Ce programme vise à bâtir une flotte d'hélicoptères de transport militaire destinée au marché intérieur et à l'exportation. Un contrat qui est estimé à 3 milliards de dollars (2,6 milliards d'euros).

Du coup, Airbus Helicopters a fait savoir qu'il demanderait des explications au ministère japonais de la Défense (MoD). Le constructeur étudie actuellement l'intérêt d'un recours à partir d'irrégularités qui pourraient être constatées dans le déroulement de l'appel d'offre mais son partenaire japonais Kawasaki, engagé dans d'autres compétitions pour le compte du MoD japonais (notamment des hélicoptères de type EH 101 avec AgustaWestland) pour la marine japonaise ne serait pas très chaud. En tout cas, le PDG d'Airbus Helicopters Guillaume Faury se rendra le 7 septembre à Tokyo pour essayer de comprendre le choix du MoD japonais, selon nos informations.

Washington a-t-il tordu le bras à Tokyo?

En interne, l'incompréhension est grande après le choix du MoD japonais. "Personne ne comprend le choix de Tokyo", explique-t-on à La Tribune. Et l'explication qui semble la plus plausible en interne est que les Etats-Unis ont forcé la main aux Japonais pour ne pas perdre ce contrat au moment où les tensions en mer de Chine sont extrêmes. Pékin revendique les îles Senkaku (ou en chinois Diaoyu) administrées par Tokyo, qui a besoin de la puissance américaine.

Mais ce manque de transparence dans le choix du ministère de la Défense japonais soulève une interrogation au moment où l'Union européenne va prochainement conclure d'ici à la fin de l'année en principe un ambitieux accord de libre-échange avec le Japon. Paris et Berlin ont tout intérêt à obtenir de très fortes assurances pour que les prochains appels d'offre se déroulent en toute équité au pays du soleil levant.

On  rappelle également que la charge de travail de Fuji Heavy Industries, qui fabrique sous licence les Apache arrive très prochainement à son terme. "Ils ont voulu sauver la peau de Fuji", souligne-t-on à la Tribune. Enfin, Bell a semble-t-il pratiqué un dumping, selon le "Financial Times".

Airbus Helicopters proposait le X9 à Tokyo

Cette incompréhension est nourrie par l'offre d'Airbus Helicopters qui était pour Tokyo extrêmement séduisante. L'offre de Kawasaki et Airbus était "basée sur le développement d'un nouvel hélicoptère de 4 à 5 tonnes", a précisé le constructeur de Marignane. Soit le fameux programme secret d'Airbus Helicopters, le X9, qui était ni plus ni moins proposé au MoD japonais, qui aurait pu être le client de lancement de ce programme.

Cet hélicoptère de nouvelle génération codéveloppé et cofabriqué par KHI et Airbus Helicopters, a un "potentiel de croissance pour le marché tant domestique (Japon, ndlr) que mondial", a rappelé Airbus Helicopters. Mais Tokyo a fait le choix d'une version modernisée du Bell 412 "une plate-forme existante et ancienne qui aura plus de 60 ans au moment de l'entrée en service du programme UH-X".

Le X9, un programme civil développé en Allemagne

L'ex-PDG d'Airbus Helicopters Lutz Bertling avait révélé en mars 2012 l'existence du projet X9, un programme civil dont le développement sera piloté à partir du site allemand de Donauwörth. En quoi consiste ce programme ? "Il est apparemment destiné à combler des trous dans la raquette de notre gamme", avait alors expliqué la CFE-CGC, qui s'appuyait sur les propos de Lutz Bertling. Ce dernier avait rappelé qu'il était "primordial pour Eurocopter que le savoir-faire en termes de R&D soit pérennisé des deux côtés du Rhin".

Ainsi, ce nouveau programme viendrait assurer le savoir-faire et la charge de Donauwörht, en complément de H135 et H145 ainsi que la fin des livraisons Tigre et NH90 prévues en 2020.