Clap de fin entre Michel Drucker et les industriels de défense

Par Michel Cabirol  |   |  766  mots
Le devis de l'émission "Un Noël avec nos soldats" tournée à Abidjan était estimé à 1 million d'euros environ (Crédits : Reuters)
Airbus, Dassault Aviation, MBDA, Naval Group, Nexter... ont refusé de cofinancer l'émission "Un Noël avec nos soldats" présentée notamment par Michel Drucker. La société de production demandait à chacun 30.000 euros pour une émission à la gloire des militaires en opérations extérieures.

Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Non contente d'avoir réalisé une audience plutôt faiblarde le soir du 25 décembre en prime time (9,7% de parts d'audience, très loin derrière M6, France 3 et TF1, qui ont tous dépassé les 15%), l'émission "Noël avec nos soldats" produite et réalisée par Tim Newman, présentée par Michel Drucker et diffusée sur France 2, a valu pas mal de déconvenues à son producteur. Sollicités pour la première fois lors d'un déjeuner organisé le 12 septembre par la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD), les directeurs de la communication des grands groupes industriels de la défense sont tombés de l'armoire quand Tim Newman, qui se prévalait d'un accord de l'Elysée, leur a demandé de cofinancer l'émission.

Refus des industriels de financer l'émission

Contacté par La Tribune, le producteur préfère parler d'échanges commerciaux en contrepartie du cofinancement de l'émission : valorisation des matériels des industriels pendant l'émission, mise à disposition des rushs de tournages pour une utilisation non commerciale et vidéo exploitable en interne de Michel Drucker dans laquelle il remercie les industriels de leur aide lors du tournage du plateau. Toutefois, les grands industriels du secteur comme Airbus, Dassault Aviation, MBDA, Nexter, Naval Group ainsi que les trois groupements professionnels (GIFAS, GICAT et GICAN), ont refusé de mettre la main à la poche.

Le producteur est revenu plusieurs fois à la charge tout au long de l'automne. En vain, les industriels ont tenu bon. Pour les grands industriels du secteur, déjà très sollicités par le passé par Tim Newman ("Une nuit avec la police et la gendarmerie", "Les stars fêtent les 15 ans du Charles de Gaulle", 'Une nuit avec l'armée de l'air", "Une nuit sous les mers"...), la réponse a été collectivement négative : "No go" général. Tous ont considéré que ce format d'émission était "obsolète". Toutefois, ils ont été longtemps suspendus à une éventuelle intervention politique leur demandant de participer. Seul un appel du ministère des Armées aurait pu les mobiliser. Mais il n'est jamais venu.

Une émission à 1 million d'euros

Selon des sources concordantes, Tim Newman, à la tête de la maison de production STH 255, demandait 450.000 euros aux industriels du secteur pour financer une émission, dont le devis était estimé à 1 million d'euros environ. Cette émission de 2h30 devait mobiliser 80 personnes, invités compris, sur la base de Port-Bouët, à Abidjan (Côte d'Ivoire). Le montant demandé par Tim Newman à chaque industriel s'élevait à 30.000 euros.

Pour appâter les industriels, il promettait notamment Kendji Girac à Dassault Aviation ou la chanteuse Anggun à Naval Group. Une aide sonnante et trébuchante qui aurait permis "de cofinancer les reportages dont (sic) leur matériel et leur entreprise sont des acteurs incontournables des sujets qui seront diffusés dans ce programme", expliquait-il dans une lettre envoyée aux industriels. Et au cas où les budgets de la communication de 2018 desdits industriels étaient bouclés, STH 255 pouvait "tout à fait prévoir un règlement en 2019 à la livraison des rushs".

"Cette émission exceptionnelle requiert votre contribution, comme nous le demandons aussi à tous les partenaires industriels qui ont tous leur place dans ce programme", a-t-il expliqué.

La der des der?

Le reste de la facture devrait être pris en charge en grande partie par France Télévisions (450.000 euros). Car il n'était pas question que les armées financent dans le contexte budgétaire actuel cette émission à la gloire des militaires en opérations extérieures. Il a été par ailleurs compliqué, pour ne pas dire plus, d'harmoniser l'agenda fourni de Michel Drucker et les exigences opérationnelles des armées. Le tournage a finalement eu lieu les 3 et 4 décembre.

Au final, qui a financé la totalité de l'émission ? Les armées ? Le ministère des Armées ? L'Elysée ? Car comme l'écrivait Tim Newman, cette émission "a besoin" des industriels "pour pouvoir se faire". Or elle s'est pourtant faite sans leur financement... C'est finalement France Télévisions qui a dû rajouter 200.000 euros et STH 255 a dû financer l'émission à hauteur de 350.000 euros. Tim Newman, qui estime que ces émissions ont une vertu pédagogique pour expliquer aux Français à quoi servent les armées, se dit "très déçu" des industriels de la défense. Et de conclure qu'"Un Noël avec nos soldats" sera la dernière du genre faute de financements des industriels. Ce qui devrait les ravir.