Qui dominera l'aérien mondial dans les années à venir ?

Par Lysiane J. Baudu  |   |  576  mots
« Emirates est profitable depuis 20 ans. L'an dernier, nous avons affiché 1, 6 milliard de dollars de bénéfices, distribué 700 millions de dollars de dividendes et 300 millions de bonus à nos équipes. » (Thierry Antinori, vice président exécutif et chef de la direction commerciale d'Emirates)
Echange musclé ce matin au Paris Air Forum entre Thierry Antinori (Emirates) et Alexandre de Juniac (Air France-KLM). Le sujet qui fâche : les compagnies du Golfe raflent des parts de marché, fortes de leurs performances commerciales - et du soutien de leur pays d'origine. Face à cette concurrence qu'ils jugent déloyale, les transporteurs traditionnels, européens comme américains, se rebiffent.

Vision stratégique d'envergure ou soutien systématique aux entreprises locales ? Le débat, sur un « Nouveau Yalta du transport aérien », dans le cadre du Paris Air Forum, organisé par La Tribune à la Maison de la Chimie à Paris, s'est joué à fleurets mouchetés... Chacun dans son rôle.

D'un côté, Alexandre de Juniac, le Pdg d'Air France-KLM. Faisant écho à la volonté américaine affichée d'obtenir une révision de la dérèglementation du ciel pour contrer les offensives commerciales des compagnies du Golfe, il demande à l'Europe un allègement des contraintes règlementaires, fiscales et sociales qui pèsent sur les compagnies européennes.

En outre, il appelle à la mise en place d'un organe de règlement des différends, à l'instar de celui de l'Organisation Mondiale du Commerce (laquelle n'englobe pas l'aérien dans son champ d'action). Le tout dans le même but : tenter de lutter à armes égales avec les nouveaux venus dans le monde de l'aérien.

Tout le monde ne focalise pas son énergie sur le client

De l'autre, Thierry Antinori, vice président exécutif et chef de la direction commerciale d'Emirates. Mettant en lumière la philosophie des Etats du Golfe, qui dotent effectivement les aéroports locaux des infrastructures nécessaires au succès de leurs entreprises, il souligne surtout la vision d'Emirates adoptée il y a 20 ans, celle d'aller au devant des désirs des clients.

Depuis l'écran individuel dans la classe économique jusqu'aux long-courriers en direction de nombreux pays émergents, « nous sommes 'customer, customer, customer' », a-t-il proclamé dans son «franglais ». Pour ajouter : « Tandis que d'autres sont 'protection, protection, protection' » - un clin d'oeil en direction des compagnies américaines.

Une concentration à venir ?

«Il ne s'agit pas d'endiguer l'essor des compagnies du Golfe, s'est défendu Alexandre de Juniac, pourvu que la concurrence soit équitable. Or, nous disons qu'elle ne l'est pas.» Bref, impossible de mettre ces deux-là d'accord... La rupture est profonde. Thierry Antinori n'hésite pas à mettre en avant les performances économiques de son employeur :

« Emirates est profitable depuis 20 ans. L'an dernier, nous avons affiché 1, 6 milliard de dollars de bénéfices, distribué 700 millions de dollars de dividendes et 300 millions de bonus à nos équipes. »

Air France KLM ne peut pas en dire autant, c'est sûr. Alors, qui gagnera ? Emirates affiche son optimisme et sa volonté de poursuivre sa conquête.

« De nombreuses villes de province françaises nous demandent des vols, sans oublier une bonne dizaine de villes européennes, et nous avons déjà un accord de codeshare avec la SNCF », a d'ailleurs souligné Thierry Antinori, non sans satisfaction...

A ce compte là, il faudra bien négocier un jour. Emirates fait la sourde oreille. Air France KLM, par la voix de son PDG, déclare qu'il faut tordre le cou au mythe selon lequel la concentration n'irait pas dans le sens du consommateur. « C'est faux, martèle Alexandre de Juniac. Dans un secteur très capitalistique et à faibles marges comme l'est celui de l'aviation civile, la seule réponse à l'avenir est la concentration. » « Wishful thinking » (comme dirait Thierry Antinori dans son franglais !) ou pas, toujours est-il que les deux compagnies représentées sur la scène du Paris Air Forum sont persuadées d'être parmi celles qui compteront encore à horizon 2030. Le marché décidera...

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DEBAT Les clés du futur Yalta du transport aérien