Sous-marins : Joe Biden torpille le "contrat du siècle" de la France en Australie

Par MC avec agences  |   |  744  mots
(Crédits : KEVIN LAMARQUE)
Les Etats-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni lancent un partenariat "historique" de sécurité dans la zone indo-pacifique. Un pacte qui torpille un énorme contrat de sous-marins entre Canberra et Paris.

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ont confirmé mercredi la constitution d'un nouveau partenariat de sécurité et de défense dans le cadre duquel Washington et Londres vont aider l'Australie à se doter de sous-marins à propulsion nucléaire. Le nouveau partenariat (appelé "AUKUS") reposera sur un partage d'informations et une intégration technologique et industrielle accrue en matière de défense, ont expliqué le président américain Joe Biden et les Premiers ministres britannique Boris Johnson et australien Scott Morrison lors d'un sommet en visioconférence. "La première grande initiative de (ce nouveau pacte appelé) +AUKUS+ sera de livrer une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire à l'Australie", a expliqué Scott Morrison.

"Sur la base de notre histoire commune de démocraties maritimes, nous nous engageons dans une ambition commune pour soutenir l'Australie dans l'acquisition de sous-marins à propulsion nucléaire", selon un communiqué commun des trois partenaires.

Les trois dirigeants se sont donc engagés à coopérer dans ce cadre pour permettre à l'Australie de s'équiper de sous-marins à propulsion nucléaire, mieux adaptés selon eux à l'évolution des menaces dans le Pacifique, où la Chine se montre de plus en plus ambitieuse. Pour autant, l'Australie ne cherche pas à se doter de l'arme nucléaire, a assuré Scott Morrison, alors que les trois dirigeants ont promis d'agir dans le respect des accords internationaux de non-prolifération. Il s'agit d'un revirement à 180 degrés pour l'Australie, qui avait commandé à la France douze sous-marins à propulsion classique de la classe Barracuda, à l'issue d'une compétition avec l'allemand TKMS (ThyssenKrupp Marine Systems) et le consortium japonais Mitsubishi/Kawasaki.

Résiliation du contrat avec Naval Group

Cette annonce a été suivie par la résiliation du contrat de douze sous-marins développés et conçus par Naval Group dans le cadre du programme de classe océanique « Future Submarine Program ». Une commande estimée à 56 milliards d'euros sur 50 ans, surnommée le "contrat du siècle" lors de sa signature en 2019. Le Premier ministre australien a confirmé jeudi la rupture du  contrat avec la France pour la fourniture de sous-marins conventionnels, préférant construire des sous-marins à propulsion nucléaire à l'aide de technologies américaines et britanniques. "La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous-marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n'est pas un changement d'avis, c'est un changement de besoin", a affirmé Scott Morrison, qui a également annoncé l'achat de missiles américains Tomahawk.

"La France demeure un partenaire-clef dans la zone indo-pacifique", a pour sa part assuré mercredi Joe Biden, ce qui ne console pas du tout Paris, qui avait conclu en 2019 un "partenariat stratégique" avec l'Australie. "C'est une décision contraire à la lettre et à l'esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l'Australie, fondée sur une relation de confiance politique comme sur le développement d'une base industrielle et technologique de défense de très haut niveau en Australie", ont expliqué les ministères des Affaires étrangères et des Armées, Jean-Yves Le Drian et Florence Parly dans un communiqué commun publié dans la nuit de mercredi à jeudi. La France est amère, très amère.

"Le choix américain qui conduit à écarter un allié et un partenaire européen comme la France d'un partenariat structurant avec l'Australie, au moment où nous faisons face à des défis sans précédent dans la région Indopacifique, que ce soit sur nos valeurs ou sur le respect d'un multilatéralisme fondé sur la règle de droit, marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter", ont-ils précisé dans ce  communiqué commun.

Depuis de longs mois, le contrat signé avec Naval Group était très critiqué en Australie par l'opposition à Scott Morrison, qui voit avec ce partenariat stratégique avec les Etats-Unis une opportunité de se sortir d'un guêpier de politique politicienne australienne. La décision de l'Australie constitue une "grande déception" pour Naval Group, a réagi mercredi l'industriel de défense français, qui voit une partie du contrat de 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d'euros) torpillé par cette annonce. "Le Commonwealth d'Australie n'a pas souhaité engager la phase suivante du programme, ce qui est une grande déception pour Naval Group qui proposait à l'Australie un sous-marin conventionnel de supériorité régionale avec des performances exceptionnelles", a affirmé le groupe dans une déclaration transmise à l'AFP.