En Australie, Naval Group reste vraiment toujours sous pression. A peine un incendie a été éteint en mars à la suite du périple de son PDG Pierre Eric Pommellet, un nouveau feu, allumé artificiellement par l'opposition et propagé par la presse australienne, s'est déclaré en fin de semaine dernière contre le programme des sous-marins des Français, comme il est appelé communément sur l'Ile-Continent. Canberra serait à la recherche d'un plan B, selon la presse australienne. Un énième avatar pour ce programme de 12 sous-marin classe Attack gagné en avril 2016 par Naval Group et le groupe américain Lockheed Martin (systèmes de combat), jusqu'ici étrangement silencieux. Le Premier ministre Scott Morrison, qui doit rencontrer la semaine prochaine Emmanuel Macron à Paris, pourra peut-être lui préciser quelles sont les intentions de l'Australie en matière de sous-marins.
Notification de la phase de définition en septembre
Pourtant à lire ou à écouter les dernières déclarations très récentes de certains hauts responsables politiques, le programme s'est poursuivi ces dernières semaines en dépit des polémiques de politique politicienne locale "totalement déconnectées du besoin réel, qui semble partagé par tous les Australiens avec qui les Français travaillent sur le programme de classe Attack et qui disent : "Nous, on le veut ce programme", explique une source proche du dossier. C'est d'ailleurs aussi le cas du secrétaire du ministère de la Défense Greg Moriarty, notamment piégé par des questions du sénateur Rex Patrick, opposant de la première heure au programme français et au gouvernement.
- "Il est prudent que la Défense envisage des alternatives si nous n'étions pas en mesure de poursuivre le projet", a déclaré mercredi lors d'une audition au Sénat Greg Moriarty, le plus haut fonctionnaire en charge du dossier au ministère australien de la Défense.
Plusieurs ministres australiens sont montés au créneau pour assurer qu'il n'y avait pas de plan B : ni ThyssenKrupp marine Systems (TKMS), ni Saab Kockums. Greg Moriarty a également déclaré jeudi lors d'une audition au Sénat (Senate estimates) que "le programme de classe Attack continue de progresser, et nous travaillons de manière constructive avec Naval Group pour essayer de passer à l'étape suivante". La notification de l'étape suivante, le "Basic Design" (phase de définition), a glissé et est désormais prévue en septembre. Elle était attendue il y a peu de temps encore avant la fin du premier semestre. Naval Group a remis en février des offres plus conformes aux attentes de Canberra (moins de 2 milliards de dollars). Cette phase d'études, qui est un moment extrêmement important, va durer deux ans et va définir les 100.000 pièces les plus importantes du programme.
En dépit des polémiques, le programme se poursuit à Adélaïde. "Nous nous engageons à construire des sous-marins à Adélaïde... et à développer un secteur de fabrication de défense de classe mondiale qui va générer des emplois pour l'Australie-Méridionale", a expliqué le 2 juin le Premier ministre d'Australie-Méridionale, Steven Marshall. Naval Group lance des appels d'offres d'un montant total de 100 millions de dollars australiens (63,1 millions d'euros) pour pour des équipements du futur chantier naval, qui fabriquera les sous-marins de la classe Attack. Le chantier doit être livré en 2023.
La France a "plus d'ennemis que d'amis"
Pourquoi à nouveau un déchainement médiatique ? Trois raisons principales. Selon plusieurs sources proches du dossier, on est convaincu à Paris que la France "a plus d'ennemis que d'amis" dans cette région. "Sur le contrat australien, nous sommes face à de personnes, qui cherchent à abattre le programme", explique-t-on. C'est une guerre en coulisse contre les intérêts français et tous les coups sont permis contre Naval Group depuis sa sélection par l'Australie. Le programme a démarré depuis quatre ans mais, visiblement, en Allemagne, "il y en a qui n'ont jamais digéré" la victoire des Français. "Et si les Australiens veulent changer de partenaire, il perdrait plus de quatre ans", fait-on valoir.
En outre, le programme est régulièrement pris en otage par l'opposition, qui cherche à déstabiliser le gouvernement à travers sa gestion sur les sous-marins de la classe Attack. Les programmes de défense sont d'ailleurs souvent des angles d'attaque en Australie pour l'opposition. "On est vraiment à l'interface entre un sujet politique et un sujet militaire. Ce sujet n'est qu'un argument uniquement de discussions pour mettre en difficulté le gouvernement", constate-t-on à Paris. Et les Senate estimates, moment clé de la vie politique australienne, permettent ainsi aux sénateurs de l'opposition de passer au grill les ministres et leur administration. Enfin, troisième et dernière raison : comme le nouveau ministre de la Défense Peter Dutton a décidé à son arrivée de lancer une revue capacitaire, il a fait monter un peu plus la pression autour de ce programme en Australie. Les conclusions sont attendues en juin.
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