SpaceX entre définitivement dans la fabuleuse histoire de la conquête spatiale

Par Michel Cabirol  |   |  952  mots
"On peut faire voler et revoler le premier étage d'un lanceur, qui est la partie la plus chère, et cela finira par aboutir à une énorme révolution du vol spatial", a assuré le fondateur et patron de SpaceX Elon Musk,
SpaceX a lancé jeudi un lanceur déjà utilisé, une première dans l'histoire de l'industrie spatiale. La société de services de lancements américaine est également parvenue une nouvelle fois à en récupérer le premier étage, ouvrant ainsi la voie à une possible troisième utilisation.

L'incroyable pari d'Elon Musk est réussi. De façon magistrale sur le plan technique. De quoi parle-t-on? Le dernier né des satellites de l'opérateur de satellites luxembourgeois SES - SES-10 - est le premier au monde à avoir été mis sur orbite par un lanceur réutilisable, en l'occurrence Falcon 9 de SpaceX, qui a récupéré à nouveau dans la nuit de jeudi à vendredi le premier étage de sa fusée. Une première dans l'histoire de l'industrie spatiale. Cette double réussite permet au milliardaire Elon Musk de franchir une nouvelle étape dans son ambition de révolutionner les voyages dans l'espace avec l'objectif ultime d'organiser des liaisons commerciales vers Mars. La réutilisation d'un lanceur est censée réduire de façon drastique les coûts de lancement.

"C'est un jour incroyable pour l'espace et l'industrie spatiale", a affirmé le fondateur et patron de SpaceX Elon Musk, qui s'est immédiatement félicité de ce succès. lors d'une intervention diffusée sur internet. "On peut faire voler et revoler le premier étage d'un lanceur, qui est la partie la plus chère, et cela finira par aboutir à une énorme révolution du vol spatial", a-t-il assuré. "Ce sera au bout du compte une énorme révolution pour les voyages dans l'espace", a-t-il estimé du centre de contrôle de Cap Canaveral. "Il a fallu 15 ans pour en arriver là".

Le premier étage recyclé de Falcon 9 avait initialement volé en avril 2016 dans le cadre d'une mission d'approvisionnement de la Station Spatiale Internationale (ISS) pour la Nasa. Le premier étage de 41 mètres de hauteur était revenu atterrir en douceur dix minutes après le décollage sur une plateforme flottant dans l'océan Atlantique freinant et guidant sa descente rapide dans l'atmosphère avec ses moteurs en rétrofusée.

La confiance de SES dans SpaceX

En 2013, SES avait été aussi le premier opérateur de satellite commerciaux à confier un lancement à SpaceX. "Nous ne prenons pas un risque inconsidéré", avait déclaré avant le lancement de SES-10 le directeur technique de SES, Martin Halliwell, qui avait fait observer que les primes d'assurance n'avaient pas augmenté pour ce vol. L'opérateur avait donc confié son satellite fabriqué par Airbus à Toulouse, à la société de services de lancements américaine.

Là aussi pari gagné pour SES, société cotée en bourse. Le déploiement du satellite s'est effectué sans problème 32 minutes après le décollage, a confirmé SpaceX.  SES-10 est le premier satellite à être conçu spécifiquement pour les marchés d'Amérique Latine. Localisé à 67°Ouest, SES-10 sera l'un d'un plus gros satellite à couvrir la région. Il apportera la capacité additionnelle nécessaire et la flexibilité pour répondre aux besoins croissants sur ces marchés.

Quel prix?

En recyclant ses lanceurs, la société fondée par le milliardaire d'origine sud-africaine Elon Musk, également PDG du fabricant de voitures électriques Tesla, espère à terme réduire de 30% le prix de ses missions. Bien moins que les tarifs pratiqués par ses concurrents, dont Arianespace. Au total, SpaceX a effectué treize tentatives de récupération et en a réussi huit dont trois sur le sol et cinq sur une barge en mer. Les échecs se sont surtout produits au début. Le coût d'une mise en orbite sur un Falcon 9 non réutilisé s'élève à 62 millions de dollars (57,8 millions d'euros). SpaceX n'a pas communiqué le prix de cette mission inaugurale à bord d'un lanceur recyclé.

Pour autant, la société américaine doit encore démontrer au marché commercial que le modèle économique des lanceurs réutilisables est viable avec des prix qui restent attractifs. Car SES a dû profiter d'un prix très attractif pour ce premier vol expérimental. Le pari d'Elon Musk n'est donc pas encore tout à fait gagné. Pour autant, Martin Halliwell a estimé que "les fusées recyclées vont ouvrir une nouvelle ère dans le vol spatial en facilitant l'accès à l'espace en termes de coût et de gestion des calendriers de lancements". La directrice générale de SpaceX, Gwynne Shotwell, avait indiqué l'an dernier que le recyclage du premier étage de Falcon, pourrait réduire le coût de lancement d'environ 30%.

Combien de fois un lanceur peut-il être réutilisé?

Le premier étage, haut de 41 mètres, s'est à nouveau séparé du reste du lanceur 2 min 41s après le décollage, avant d'entamer une descente contrôlée par ses rétrofusées pour venir se poser en douceur sur une plateforme flottante dans l'océan Atlantique, 8 min 32s après le lancement. SpaceX n'exclut pas d'utiliser la fusée une troisième fois. D'ailleurs le nombre de fois que le premier étage pourra être réutilisé après son reconditionnement reste à ce stade incertain. Elon Musk avait assuré fin 2015 qu'il pourrait théoriquement être recyclé jusqu'à cent fois, tout en estimant pouvoir le faire revoler de dix à vingt fois.

Le rival de SpaceX, Blue Origin, créé et dirigé par un autre milliardaire, Jeff Bezos (qui possède également Amazon), a déjà réussi à cinq reprises depuis novembre 2015 à faire atterrir son lanceur New Shepard mais après un vol sub-orbital. Une opération beaucoup moins difficile pour ce lanceur en raison de sa vitesse lors de la descente qui n'est pas aussi élevée que celle de Falcon 9. "La réutilisation du lanceur nous permet de le faire revoler avec la capsule de nombreuses fois", affirme Blue Origin sur son site internet. "Avec chaque nouveau vol, nous rendrons de plus en plus abordable l'exploration et la recherche spatiales et ouvrirons l'espace à tous", précise la société américaine.