Alcool : le gouvernement britannique serre la vis, les fabricants accélèrent leur lobbying

Par Jean-Yves Paillé  |   |  477  mots
Les fabricants d'alcool génèrent 23,7 milliards de livres (28 milliards d'euros) de chiffre d'affaires annuel rien qu'en Angleterre.
Au Royaume-Uni, les pouvoirs publics ont abaissé le seuil au-dessus duquel une consommation de boissons alcoolisées est jugée à risque. Les plus grands fabricants d'alcool se sont regroupés en lobby pour que "le débat autour de l'alcool et des abus d'alcool reste équilibré".

Pendant plusieurs années, le gouvernement britannique a seriné que boire une petite quantité d'alcool pouvait apporter des bénéfices cardiovasculaires à certaines personnes. Mais dans son rapport publié en janvier sur les risques de l'alcool sur la santé, il a changé radicalement de discours et a abaissé le seuil au-dessus duquel une consommation de boissons alcoolisées est jugée à risque. Depuis 1995, le gouvernement la fixait à 21 unités hebdomadaires pour les hommes et à 14 pour les femmes. Désormais, le curseur est placé à 14 unités pour les deux sexes. Rester en dessous de ce seuil, c'est avoir moins de 1% de chance de mourir d'une maladie liée à l'alcool, juge les autorités sanitaires.

En outre, ce document sous-entend que quelle que soit la quantité bue, une boisson alcoolisée est quoi qu'il arrive mauvaise pour la santé. Les mois suivants, le gouvernement a lancé une consultation publique pour formuler de nouvelles recommandations visant à inciter les Britannique à adopter une consommation raisonnable.

Il faut dire que, ces derniers mois, plusieurs études ont certifié le lien entre cancer et consommation de boissons alcoolisées. La plus récente, publiée en juillet par la revue scientifique Addiction, avance le lien entre l'alcool et sept formes de cancer, dont celui du sein. La publication a été relayée le lendemain par la NHS (sécurité sociale britannique).

Un lobby industriels consacré au débat sur la consommation d'alcool

En réaction à la nouvelle position des pouvoirs publics britanniques, les plus grands fabricants d'alcool se sont regroupés pour créer un nouveau lobby mercredi 7 septembre: l'Alcohol Information Partnership (association d'information sur l'alcool, en français). Ce groupe est notamment composé de Pernod Ricard, Diageo (Guinness), Rémy Cointreau, SA LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE et Davide Campari-Milano (Aperol) . Son objectif est de faire en sorte que "le débat dans la société britannique autour de l'alcool et des abus d'alcool reste équilibré", avance le lobby.

Celui-ci aura pour mission de critiquer les études publiées sur l'alcool et dont les conclusions seront jugées faussées par le lobby. Ce groupe de pression s'exprimera pour souligner les évolutions positives sur la consommation d'alcool au Royaume-Uni en publiant des données gouvernementales, rapporte le Wall Street Journal. D'autres lobbies comme le Spirits Trade Association tentent déjà de peser sur le débat. Mais, à la différence de ce dernier, l'Alcohol Information Partnership se consacrera uniquement au débat sur la consommation d'alcool. "Trop souvent les faits ont été dramatisés ou exagérés dans le but d'effrayer les gens et de fausser le débat", assure Dave Roberts, directeur général du mouvement, dont les propos sont relayés par le quotidien économique américain.

Selon le Guardian, les fabricants d'alcool génèrent 23,7 milliards de livres (28 milliards d'euros) de chiffre d'affaires annuel rien qu'en Angleterre.