Débacle de l'agroalimentaire : tout le monde s’en fout !

Par Alexandre Mirlicourtois, Xerfi  |   |  587  mots
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, débacle de l'agroalimentaire et tout le monde s’en fout !

A priori tout va bien dans le secteur agro-alimentaire français les excédents commerciaux sont toujours pléthoriques. Certes, le solde s'éloigne de son pic mais à un peu plus de 6,3 milliards d'euros en début d'année en cumul sur 12 mois, il est encore un zest supérieur à son niveau de longue période.

Mais c'est trompeur avec des excédents au « top » côté boissons et de l'autre un déficit dans l'alimentaire qui se creuse et s'approche des 3 milliards d'euros.

Comme toute l'attention est centrée sur le seul solde global, la débâcle de l'alimentaire passe inaperçue.

Une filière française en souffrance

Premier élément d'explication : la concurrence étrangère pas toujours très loyale. A commencer par l'Allemagne. Outre-Rhin, les entreprises ont usé et abusé de la directive de 1996 sur les « travailleurs détachés » pour renforcer leur compétitivité. On en connaît les conséquences pour les abattoirs français.

Comme si cela ne suffisait pas, une seconde vague, venue d'Espagne a submergé cette fois si les secteurs du grain, de la panification, des fruits, légumes et enfoncé un peu plus la filière viande.

Des industriels ibériques qui engrangent les dividendes la « dévaluation interne », autrement dit de la forte baisse des salaires et écoulent leurs produits là où la demande est moins sinistrée.

Mais cela serait une erreur de limiter nos déboires à la seule concurrence étrangère.

Deux éléments sont à prendre en compte

D'abord, les relations houleuses entre la grande distribution et les industriels de la profession. En axant d'abord leur stratégie sur celle des petits prix, les grands distributeurs exercent une pression anormale sur le tissu productif en amont.

Pas sur les grandes marques nationales avec qui le rapport de force ne leur est pas forcément favorable, mais sur les petits producteurs.

La trajectoire des prix de production est sans équivoque : les prix sont finalement plus malmenés depuis la crise sur le marché national que sur les marchés étrangers. Cela a bien évidement une incidence sur les marges et sur la capacité des entreprises à investir alors même que la concurrence se renforce.

Les enquêtes de l'INSEE le prouvent : en début d'année, les chefs d'entreprise des IAA anticipaient une hausse de leur investissement de seulement 1% contre 7% à la même période il y a un an. C'est la plus basse prévision depuis 2011. C'est également un cran en dessous de ce qui est prévu par l'ensemble des chefs d'entreprises de l'industrie manufacturière.

L'archaïsme du tissu productif

Si les petits producteurs domestiques sont en souffrance, c'est qu'ils sont moins protégés par la marque et partent avec un handicap de rationalisation par rapport aux grands exportateurs L'absence de restructuration a freiné l'industrialisation de nombreux secteurs. Or les investissements ne peuvent pas s'amortir sur des structures qui sont restées trop modestes pour affronter la concurrence internationale.

De même, la montée en gamme est restée insuffisante pour s'arracher de la seule concurrence par les coûts.

Plutôt de se gargariser des excédents, la courbe à regarder est celle là : celle de l'évolution de l'emploi, le bon thermomètre d'une profession aux aboies qui a perdu 21.200 emplois en dix ans au risque sinon de s'apercevoir mais un peu tard que nous avons perdu un de nos bastions.

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