Macron veut bâtir « une nouvelle France agricole », résiliente face à une guerre « qui durera »

Par latribune.fr  |   |  1046  mots
En pleine crise internationale, Emmanuel Macron a présenté sa stratégie agricole aux professionnels réunis lors de l'inauguration du 58e Salon de l'Agriculture: « Nous sommes en train de bâtir (...) un plan de résilience, d'abord pour sécuriser pour nos filières, nos intrants, ensuite pour essayer au maximum de bâtir des boucliers en termes de coûts aux niveaux national et européen. » (Crédits : Reuters)
Mobilisé par l'invasion russe en Ukraine, Emmanuel Macron a parlé "souveraineté alimentaire" et "plan de résilience" aux agriculteurs et professionnels de l'agroalimentaire réunis en ce jour d'inauguration du Salon de l'agriculture. La brièveté de la visite n'a empêché ni l'intensité des annonces ni la chaleur de l'accueil que lui ont réservé les professionnels présents, malgré leurs inquiétudes sur les conséquences de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

« Je tenais à être présent à vos côtés ». C'est un président de la République aux traits tirés, accaparé par la guerre russe en Ukraine, qui est venu inaugurer samedi matin le 58e Salon de l'agriculture, porte de Versailles à Paris, en une visite menée au pas de charge.

La brièveté n'a empêché ni l'intensité des annonces ni la chaleur de l'accueil que lui ont réservé les professionnels présents. En effet, alors que les relations entre Emmanuel Macron et les agriculteurs avaient débuté sous le signe de la défiance (surtout de 2017 à 2018, quand Nicolas Hulot était ministre de la Transition écologique et solidaire), elles sont devenues franchement cordiales en fin de quinquennat:

« Merci pour ce que vous faites », « bon courage », a-t-il reçu en guise de mots d'accueil bienveillants ce matin, fusant ça et là alors qu'il était entouré d'une assemblée de représentants professionnels.

[Emmanuel Macron ce matin à l'inauguration du 58e Salon de l'Agriculture, entouré d'agriculteurs et de professionnels de l'agroalimentaire. Photo: Reuters]

Pour cette visite express (arrivé à 7 h le président est reparti à 9 h) lors de la journée réservée aux professionnels avant l'ouverture demain au public (jusqu'au dimanche 6 mars), le président de la République était accompagné de son ministre de l'Agriculture Julien Denormandie. Lequel est "une carte maîtresse dans le jeu d'Emmanuel Macron", selon l'appréciation du sociologue interrogé par l'AFP François Purseigle, pour qui ce ministre est celui qui a "mis en place une stratégie de conquête par rapport à cet électorat qui n'était plus acquis à la droite".

Mobilisé par l'invasion russe en Ukraine, Emmanuel Macron a parlé "souveraineté alimentaire" et "plan de résilience" aux agriculteurs et professionnels de l'agroalimentaire réunis en ce jour d'inauguration du Salon de l'agriculture.

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"Cette guerre durera" et "il faut nous y préparer"

"Cette guerre durera" et "il faut nous y préparer", a prévenu avec gravité le président, à la fin d'une prise de parole d'une petite demi-heure, parfaitement calibrée, au regard des événements, pour un public de professionnels en pleine incertitude, qui craignent notamment les mesures de rétorsion sur les exportations après les sanctions prises contre la Russie, le chef de l'État leur a dit:

« Ce que nous sommes en train de vivre ne sera pas sans conséquences sur le monde agricole et les filières qui sont les vôtres. »

Il a évoqué des conséquences "sur l'augmentation des coûts de l'énergie, (...) l'alimentation du bétail, son coût, peut-être même la capacité à fournir".

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Un plan de résilience pour "sécuriser nos filières, bâtir des boucliers"

"Nous sommes en train de bâtir (...) un plan de résilience, d'abord pour sécuriser pour nos filières, nos intrants, ensuite pour essayer au maximum de bâtir des boucliers en termes de coûts aux niveaux national et européen", a toutefois souligné M. Macron.

Les contours de ce plan devraient être précisés dans la semaine à venir, d'après le gouvernement.

Après le départ du président de la République, c'est son Premier ministre Jean Castex qui a pris le relais pour parcourir le salon et défendre le bilan du quinquennat à six semaines de l'élection présidentielle.

M. Castex s'est félicité de venir "célébrer ce grand moment" de réunion du monde agricole. Il a goûté du reblochon produit avec du lait de Neige et commencé à arpenter les allées de la foire où les exposants venus des quatre coins du pays s'activaient dans des odeurs de confit de canard et de charcuterie.

[Le Premier ministre Jean Castex (avec ici Julien Denormandie à sa droite) a pris le relais du président à ce 58e salon de l'Agriculture. Photo: Veuillet Quentin/ABACA via Reuters Connect.]

A ses côtés, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a estimé que la crise russo-ukrainienne, si grave soit-elle, n'entraînait pas un risque "de pénurie" alimentaire pour la France, mais plutôt une inquiétude sur les prix de l'énergie (y compris le gaz qui sert à fabriquer les engrais), des céréales et huiles végétales qui nourrissent le bétail.

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Négociations avec la grande distribution: Macron en appelle à la "responsabilité"

Les coûts de production des agriculteurs, surtout les éleveurs, avaient déjà flambé en 2021. Ce qui rendait déjà difficiles les négociations commerciales en cours entre les supermarchés et leurs fournisseurs de l'agroalimentaire, qui déterminent le prix des produits mis en rayon pendant l'année et, in fine, le revenu des agriculteurs.

Emmanuel Macron a appelé les acteurs de l'alimentation "à la responsabilité" pour que ces négociations, qui s'achèvent mardi, aboutissent à une "juste rémunération" du travail des agriculteurs. "La pression continuera à être mise sur les transformateurs et les distributeurs, et jusqu'à la dernière minute nous ne lâcherons rien", a-t-il martelé.

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"On perd en gros 100.000 agriculteurs tous les dix ans"

"C'est un salon particulier parce qu'il y a les élections présidentielles" et "parce qu'on est en crise de vocation":

"On perd en gros 100.000 agriculteurs tous les dix ans et il est bien qu'il y ait un débat sur la vision du métier", a souligné le président du salon Jean-Luc Poulain.

En début de matinée, les visiteurs se pressaient déjà devant les guichets. Ils étaient 630.000 en 2019, dernière édition avant la crise sanitaire.

Zemmour, Le Pen, Pécresse, Hidalgo, Roussel... également attendus

Plusieurs prétendants à l'Elysée doivent se plier à la tradition de la visite du salon ouvert jusqu'au dimanche 6 mars, dont le communiste Fabien Roussel, la LR Valérie Pécresse, la socialiste Anne Hidalgo, la candidate RN Marine Le Pen et son rival d'extrême droite Eric Zemmour.