Auto : l'Europe affronte des surcapacités catastrophiques

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  750  mots
Le patron de PSA, Philippe Varin, évalue, lui, à "20 % les surcapacités de production en Europe". Ces coûts fixes pèsent lourdement sur la rentablité des entreprises. Copyright Reuters
Les usines Renault d'assemblage en Europe tournent autour de 80-85 % de leurs capacités. En France, elles atteignent à peine 60 %. Les sites Fiat en Italie sont à peine à 50 % de leur potentiel.

L'industrie auto européenne est en crise... de surcapacités. Trop d'usines tournent dramatiquement en sous-régime. Et ça ne va pas s'arranger. Le marché du Vieux continent (13,57 millions de voitures immatriculées en 2011, hors Russie), quasi-saturé, ne va plus guère croître. En outre, compte tenu de la multiplication des nouveaux sites de production installés hors d'Europe, les constructeurs risquent d'exporter de moins en moins.

"Il y a l'équivalent d'une production de trois millions de véhicules en trop en Europe (deux équipes de production par usine)", explique Carlos Tavares. Le directeur général délégué de Renault ajoute : "le travail de réduction des capacités a été fait aux Etats-Unis, pas en Europe". L'administrateur délégué de Fiat, Sergio Marchionne, disait exactement la même chose lors du salon de Detroit début janvier. Il précisait que "l'Europe doit résoudre beaucoup de problèmes très vite".

Faible taux d'utilisation des usines

Le patron de PSA, Philippe Varin, évalue, lui, à "20 % les surcapacités de production en Europe". Or, ces coûts fixes pèsent lourdement sur la rentablité des entreprises. Et l'obligation de produire coûte que coûte pour maintenir un minimum d'activité "génère une guerre des prix, surtout dans les petites voitures", précise Carlos Tavares.

Le taux d'utilisation des usines d'assemblage par Renault en Europe tourne autour de 80-85 % (avec deux équipes de production). En France, il atteint les 60 %", souligne le PDG du groupe au losange, Carlos Ghosn. PSA enregistrait pour sa part "un taux d'utilisation de 86 % en Europe l'an passé et de 76 % pour les seuls véhicules des segments A et B (petites)", selon Philippe Varin. Ce dernier reconnaît: que la "situation est préoccupante". Pire, les usines Fiat en Italie  tournent, elles,  à 50 % seulement de leurs capacités, selon les documents officiels du groupe... contre plus de 60 % un an plus tôt.

Production record en Allemagne

Mais, les surcapacités ont bon dos. Et, comme le souligne Carlos Ghosn, cela ne veut pas forcément dire grand chose. Car, les surcapacités atteignent les constructeurs... qui ont du mal à vendre leurs véhicules. Mais non ceux qui savent séduire leurs clients.

Ainsi, PSA, Renault ou Fiat sont davantage frappés que Volkswagen ou BMW, dont les ventes vont de record en record. Ce dernier n'a ainsi aucun problème structurel de surcapacités. Logique : l'industrie automobile allemande a battu un nouveau record de production outre-Rhin l'an dernier à près de 5,9 millions d'unités. Et ce, alors que Renault et PSA produisent presque deux fois moins de voitures dans l'Hexagone qu'en 2005 !

Coûts salariaux

PSA a produit au total dans l'Hexagone 1.324.110 véhicules en 2011 et Renault 646.319. PSA fabrique 37 % de ses voitures et utilitaires dans l'Hexagone,  Renault 23 %. Les spécialistes allemands du haut de gamme Mercedes, BMW et Audi (Volkswagen) produisent, eux, plus des trois-quarts de leurs modèles outre-Rhin. Normal, les coûts salariaux n'ont pas le même impact pour leurs modèles à prix élevés que sur des Peugeot ou Renault à 10.000 ou 15.000 euros. 

Mais, même les constructeurs en fortes surcapacités n'ont pas le même taux d'utilisation de leurs usines selon les sites. Chez Fiat, par exemple, il y a un gros différentiel d'utilisation entre l'usine polonaise de Tychy, très productive et centrée sur des véhicules phare comme la 500, et les sites transalpins de Cassino ou Mirafiori qui produisent des modèles peu prisés. De même, chez Renault, Maubeuge (Kangoo) tourne bien mieux que Sandouville (Laguna, Espace)...

Fermetures d'usines

Peu d'usines ont finalement été fermées en Europe ces dernières années. Fiat a fermé fin 2011 le site de Termini Imerese en Sicile, après l'arrêt de l'usine d'Opel (GM) à Anvers (Belgique). Et PSA songe sérieusement à arrêter la production à Aulnay, en région parisienne.

Mais, dans le même temps, de nouveaux sites se sont ajoutés, comme ceux du groupe coréen Hyundai-Kia en République tchèque et en Slovaquie. Fiat lui-même a ajouté des capacités en Europe avec la reprise et la transformation de l'usine serbe de Kragujevac, pour produire à bas coûts le futur minispace 500L. Ford a également démarré la production à Craiova, en Roumanie.

Ces usines est-européennes font... forcément concurrence à celles d'Europe occidentale même si ces dernières n'auraient sans doute pas été capables de fabriquer des véhicules à petits prix. C'est là tout le problème.