Automobile : ces usines menacées de fermeture en Europe

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1020  mots
L'usine Citroën d'Aulnay (3.100 salariés) est explicitement menacée Copyright AFP
Fiat, PSA, mais aussi Opel... Nombreux sont les constructeurs européens qui croulent sous les surcapacités. Le patron du constructeur italien les estimait récemment à 20% de l'ensemble de l'outil industriel européen. Il ne s'agit malheureusement pas d'un simple problème de conjoncture. Revue de détail des sites menacés.

Aulnay et Hordain en France, Bochum en Allemagne, Ellesmere Port en Grande-Bretagne, Cassino en Italie... Alors que le débat sur les surcapacités de production de l'industrie automobile européenne  fait rage, la liste des usines menacées s'allonge. General Motors prévoit ainsi de fermer une ou deux usines en Europe, affirme le Wall Street Journal. Les projets de fermeture pourraient être finalisés et rendus publics au cours des prochaines semaines, ajoute le quotidien financier, citant des sources proches du dossier. 

Les salariés d'Opel, filiale allemande de l'américain, et de sa marque soeur britannique Vauxhall avaient réclamé, en début semaine, à la direction de leur présenter  "un plan de développement réaliste jusqu'à 2016". Les activités européennes de GM sont déficitaires depuis plus d'une dizaine d'années. Ses sites de production font l'objet de rumeurs récurrentes de fermetures ou de suppressions d'emplois, notamment l'usine allemande de Bochum en Allemagne (3.200 salariés) et celle, britannique, d'Ellesmere Port  (2.100 salariés). GM a déjà fermé récemment l'usine belge d'Anvers et supprimé 8.000 emplois.

44% de la production de PSA en France

Chez PSA, le nouvel allié de GM, les surcapacités sont également très fortes. Ses usines européennes spécialisées dans les petits modèles tournent ainsi aux trois-quarts seulement de leur potentiel. Du coup, l'outil industriel est sur la sellette en France, alors même que PSA produit encore 44% de ses véhicules dans l'Hexagone. Une proportion très forte, puisque Renault en est à moins de 25% et Volkswagen à 30% seulement en Allemagne... A l'appel de la CGT, du SIA et de la CFDT, les salariés de l'usine PSA d'Aulnay, en région parisienne, appelaient justement ce vendredi à un mouvement de grève et à un rassemblement  devant le ministère de l'Industrie à Bercy où des représentants ont d'ailleurs été reçus. 

Les salariés "revendiquent l'organisation d'une réunion tripartite (gouvernement-PSA-syndicats) afin d'obtenir un engagement écrit de la part de PSA que tous les emplois soient maintenus sur l'usine d'Aulnay (...) et l'attribution d'un nouveau véhicule après la C3", selon le communiqué. L'usine d'Aulnay (3.100 salariés), centrée sur  la fabrication d'un seul petit modèle, est en effet explicitement menacée. Logique: ce site traditionnellement problématique n'est pas assez compétitif. L'usine de Sevelnord (2.700 personnes), à Hordain (Nord), est aussi sur la sellette. Ce site produit des utilitaires avec Fiat ainsi que des monospaces.

Or, l'italien a déjà indiqué qu'il ne renouvellerait pas cette collaboration. Hordain devait en principe démarrer la production d'une nouvelle boîte de vitesses à double embrayage. Mais, lors de la réunion du comité de groupe européen de PSA ce vendredi, l'entreprise a annoncé un "décalage de sept mois de la phase d'industrialisation" de ce projet, dont "la production est envisagée sur le site". Dans le cadre des synergies avec GM prévues par l'alliance nouée fin février, la production de cette transmission pourrait être toutefois remise en cause, GM ayant a priori un projet similaire dans ses cartons. Par ailleurs, le site du groupe à Madrid (1.850 salariés) est également en ligne de mire. L'usine de la capitale espagnole devrait être sauvée par un futur véhicule compact. Mais, ce programme a été récemment suspendu. Et cette suspension a été "prolongée", d'après le communiqué de PSA sur le comité de groupe ce vendredi.

Fiat à 50% de ses capacités à Cassino

Chez Fiat, Cassino (4.300 personnes, centre de l'Italie), qui tourne à 50% de ses capacités, apparaît comme l'usine la plus vulnérable du système de production de l'italien dans la péninsule. Et, à ce titre, de fortes inquiétudes se font jour sur son avenir. Le site produit aujourd'hui les compactes Alfa Giulietta, mais aussi les Fiat Bravo et Lancia Delta (deux semi-échecs). Mirafiori (5.900 salariés) a été longtemps menacée. Mais ce site turinois devrait in fine recevoir un investissement pour produire les futurs petits 4x4 pour la marque Fiat et Jeep (label du groupe Chrysler, contrôlé par Fiat). Toutefois, 5.300 salariés devraient être mis en chômage technique sur une très longue période de dix-huit mois après un accord avec le gouvernement régional du Piémont. Le constructeur transalpin a fermé son site de Termini Imerese, en Sicile, en novembre dernier.

Sergio Marchionne, administrateur délégué de Fiat et actuel président de l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles), appelait d'ailleurs récemment "l'Europe à prendre en charge (la réduction des capacités) car, individuellement, les gouvernements des différents pays ne le feront pas". Le patron de Fiat, qui faisait état de "20% de surcapacités en Europe" comme le président de PSA Philippe Varin, avait même préconisé  la mise en place par Bruxelles d'un "mécanisme de soutien financier" pour accompagner les réductions d'effectifs. Ces 20% de surcapacités sont calculées sur la base de deux équipes (référence Harbour). Mais, sur la base de trois équipes, Carlos Tavares, directeur général délégué de Renault, évalue carrément les surcapacités industrielles sur le Vieux continent à l'équivalent de onze millions de véhicules!

Nouvelles usines

Ces surcapacités ont été générées notamment par  l'installation de nouvelles usines en Europe de l'est, histoire de réduire les coûts et de s'ouvrir ces nouveaux marchés. Les constructeurs européens ont créé des sites ex nihilo ou en ont racheté des existants, dont ils ont développé les installations: PSA en Slovaquie et en coopération avec Toyota en République tchèque, Renault en Roumanie, Fiat en Pologne et en Serbie, Volkswagen également en Slovaquie, en République tchèque et en Hongrie. Des constructeurs asiatiques sont aussi venus rajouter des usines, et pas seulement à l'Est: Toyota en France, les japonais globalement en Grande-Bretagne, le groupe coréen Hyundai-Kia en Slovaquie et en République tchèque... Et ce, alors que le marché européen ne croît plus. Le débat surcapacités-délocalisations ne fait que commencer.