Automobile : pourquoi les constructeurs français dérapent

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1051  mots
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Le marché est certes très mauvais, mais Renault et PSA souffrent plus que leurs concurrents avec des reculs respectifs de 30,2% et de 30,3% en France au premier trimestre. Faiblesse de la demande sur les petites voitures, leur point fort, nouveaux modèles phares qui ne sont pas encore sortis... Certes. Mais ils pâtissent aussi d'un manque de créativité et d'une image qui demeure peu flatteuse.

Mais que se passe-t-il donc? Les voitures françaises n'ont plus la cote? Les immatriculations de voitures neuves du groupe Renault ont plongé de 30,2% au premier trimestre dans l'Hexagone, celles de PSA Peugeot Citroën de 30,3%. Dans l'Union européenne, le constructeur au losange a dégringolé de 24,6% (en janvier-février) et PSA de 15,8%.

Contrecoup conjoncturel

Les français subissent à l'évidence des contre-performances conjoncturelles. Les marques tricolores pâtissent ainsi du contrecoup de la fin des primes à la casse (au 31 mars 2011), qui avaient favorisé les petites voitures dont ils sont les grands spécialistes.  Les immatriculations globales (toutes marques) de modèles des segments A (entrée de gamme type Twingo) et B (petites genre 207) ont chuté effectivement au premier trimestre en France. Prises ensemble, les "petites" ne représentent plus que 51% du marché (contre 58% l'an dernier et 59% pour la même période de 2010).  Dans ce contexte, rien d'étonnant à ce que les "mini" Peugeot 107 et Citroën C1 aient plongé (-68% et -54% respectivement en  mars). Même la récente C3 à dégringolé (-50%), mais aussi la DS3 (-41%). La Renault Twingo baisse de 33%. Dacia subit aussi de plein fouet le contre-coup de la disparition des aides gouvernementales.

Compactes, familiales, 4x4 en vogue

La désaffection pour les braves "petites" a profité aux compactes (30% du marché au premier trimestre 2012, contre 27% un an auparavant) et des familiales de gamme moyenne supérieure (13%, contre 10%), des créneaux où les marques étrangères sont historiquement plus présentes. Notamment celui des familiales. L'engouement persistant des automobilistes pour les 4x4 (vrais et faux) est aussi une bonne affaire pour... les marques importées. Beaucoup moins pour les françaises, qui n'offraient pratiquement jusqu'à présent que le Peugeot 3008, le Dacia Duster et le peu populaire Renault Koleos. Cela devrait toutefois changer avec l'arrivée prochaine des Citroën C4 Aircross et Peugeot 4008, deux véhicules développés et produits par Mitsubishi au Japon en vertu des accords de coopération.

Remplacement des Clio et 207

Renault comme Peugeot sont aussi en plein renouvellement de leurs best-sellers. La firme au losange arrive au bout du cycle de vie de la Clio III, remplacée par la Clio IV en octobre prochain. La firme au lion, elle, démarre la commercialisation de sa 208, destinée à remplacer la 207 mais aussi la 206+. Comme il s'agit de modèles à très forts volumes, l'impact ne sera pas négligeable sur la tenue des immatriculations d'ensemble dans les mois à venir.

Dépression sur les marchés européennes

Enfin, les français souffrent sur l'Europe de la dépression des marchés où ils sont traditionnellement le mieux implantés, comme... la France, mais aussi l'Espagne (stagnation à des niveaux extrêmement faibles), le Portugal (-48% en janvier-février), l'Italie (-18%), la Belgique (-17%). Et ce, alors même que le marché allemand, où les marques tricolores sont faibles, résiste bien (-0,2%). Cette donne fait baisser mathématiquement les volumes des constructeurs français.

Problème d'image

Ces explications conjoncturelles ne sont toutefois pas suffisantes. Hélas. Il y a en effet un vrai problème d'attractivité et d'image des véhicules français. Piètre réputation de fiabilité, finition jugée globalement médiocre, service moyen (sauf en France)... Cet inquiétant constat ressort de la dernière enquête annuelle du groupe de presse allemand Motorpresse auprès de 208.000 lecteurs de journaux automobiles dans seize pays du monde.

En France, à peine 30 % des propriétaires de Citroën associent leur marque à l'item "grande fiabilité", contre 80 % pour les clients de Honda, BMW, Mercedes. Citroën se classe au seizième rang à cet égard, sur 30 marques répertoriées. Et encore la firme aux chevrons fait-elle mieux que ses rivales tricolores. Si les jugements sont amers en France... c'est pire à l'étranger. En Allemagne, nos voisins classent les trois marques hexagonales dans les dernières places en matière de fiabilité. Les résultats ne sont pas fameux non plus en Espagne et carrément désastreux en Pologne, par exemple. L'image globale de Citroën est certes en cours d'amélioration sur l'Europe au fil des ans, mais pas celle de Peugeot et Renault.

Moins de créativité

Les voitures françaises avaient au moins l'avantage, jusqu'à une date récente, d'offrir originalité et ingéniosité. Renault a ainsi popularisé le monospace en Europe ainsi que, avec Peugeot et Citroën, le ludospace (dérivé loisirs des utilitaires). Peugeot a aussi fait un carton avec les premiers coupés-cabriolets à toit rigide escamotable (206 CC), notamment outre-Rhin. Il a aussi tiré profit d'être le premier à équiper ses diesels de filtres à particules, se forgeant une image "écolo" en Allemagne.

Mais les constructeurs tricolores sont aujourd'hui moins créatifs, surtout Renault. II n'est pas si facile d'innover constamment! Et il  est encore trop tôt pour juger de la future popularité des véhicules électriques Renault. Quant à l'hybride diesel PSA, il ne concerne de toutes façons qu'un petit nombre d'acheteurs, vu son prix.

Atouts certains

Empêtrée dans des surcapacités et une relative banalisation des produits, des problèmes de trésorerie (PSA), souffrant toujours d'une médiocre image toujours longue à redresser malgré une fiabilité nettement améliorée, la voiture française conserve cependant des atouts. Renault et surtout PSA restent incontestablement les rois du diesel petit et moyen. Le 1,6 HDi de PSA passe ainsi pour le plus agréable moteur à gazole de sa catégorie. Les ingénieurs français cultivent aussi un excellent savoir-faire dans le domaine des trains roulants. Leurs véhicules sont certainement les plus aboutis sur ce point (tenue de route, confort, agrément de conduite) parmi les concurrents en Europe (sauf pour le haut de gamme).

Par ailleurs, les 208 et Clio IV (que nous avons vue, personnellement) devraient être de bons crus automobiles. La génération prochaine des petits trois cylindres à essence va pouvoir efficament rivaliser avec les dernières mécaniques conçues par Volkswagen (Up). Quant à la future Twingo III à moteur arrière (sur une architecture Smart, accords avec Daimler obligent), elle s'annonce très ingénieuse. La tentative de montée en gamme chez DS (Citroën), mais aussi à plus long terme chez Renault, promet également. L'industrie auto française a encore de la ressource.