Plan auto "verte" : les constructeurs français sont-ils prêts à répondre ?

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1114  mots
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"Nous nous dirigeons vers des formes de soutien massif aux véhicules innovants et propres", a déclaré Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif ce mercredi, indiquant ainsi clairement ce que serait l'axe central du plan automobile qui sera annoncé le 25 juillet prochain. Renault et PSA Peugeot Citroën sont à priori bien placés dans ce domaine.

Le plan de soutien à la filière automobile passera par une aide aux véhicules "verts", a annoncé ce mercredi  Arnaud Montebourg. "Nous écartons la prime à la casse et nous nous dirigeons vers des formes de soutien massif aux véhicules innovants et propres", a déclaré le ministre du Redressement productif sur France Inter. Décidément très prolixe, le ministre, qui doit recevoir le patron de PSA, Philippe Varin, ce mercredi, dévoilera le 25 juillet son plan d'aide à l'automobile.

"Nous sommes très tentés d'accentuer les mesures liées au bonus malus écologique", a-t-il ajouté, soulignant: "il y a un avantage des constructeurs qui se sont portés vers l'hybride et l'électrique. Nous souhaitons pousser cet avantage". Il affirme "refléchir à une bonne mesure qui permette d'imaginer que les Français puissent accéder à la voiture (pour) moins cher". Mais, les aides publiques ne "seront pas données sans contreparties", avertit-il.

Les constructeurs tricolores sont effectivement bien placés dans les modèles "innovants et propres", avec notamment de faibles émissions de C02. Et pour cause, puisqu'ils sont spécialisés dans les petits véhicules qui, par définition, rejettent moins de gaz à effets de serre. Ces émissions sont en effet corrélées aux consommations, elles mêmes très liées au poids et donc à la taille des véhicules. Très peu présents dans le haut de gamme, Renault et PSA présentent de facto un bon bilan moyen d'émissions, comparativement à BMW ou Mercedes.

Faibles rejets de C02

Mais, au-delà de la structure des gammes, les deux groupes hexagonaux ont fait de réels efforts technologiques dans les moteurs comme dans l'allègement des véhicules. PSA  revendique ainsi la première place en Europe avec les rejets les plus faibles (125,5 grammes de C02 en moyenne au kilomètre par véhicule sur les trois premiers mois de 2012). Selon des chiffres compilés par l'Association auxiliaire de l'automobile (AAA), elle-même dépendant du Comité des constructeurs français (CCFA), PSA devance le grand spécialiste des véhicules hybrides Toyota (125,6 grammes).  Renault  arrive à une honorable quatrième place (128), derrière Fiat selon ce classement, mais devant Ford et le coréen Hundai-Kia (à égalité avec 131,1). Pas mal !

Le groupe PSA a vendu plus de 810.000 véhicules l'an dernier émettant 120 grammes de C02 ou moins au kilomètre. Rappelons que la réglementation européenne prévoit une moyenne d'émissions de 130 grammes... en 2015. Renault va, pour sa part, commercialiser à la rentrée sa nouvelle Clio IV, dont la version diesel dCi 90 rejettera 83 grammes de C02 seulement, des valeurs extrêmement basses, supérieures de 4 grammes à peine aux rejets de la nouvelle Toyota Yaris hybride! Si leurs très bonnes mécaniques à gazole permettent aux deux français de briller dans ce domaine, PSA commence également  à livrer, ce mois-ci, ses premières 208 équipées d'un tout nouveau moteur à essence trois cylindres (de 82 chevaux, puis, à la rentrée en version d'entrée de gamme de 68 chevaux), fabriqué à Trémery, en France, et capable de rivaliser en termes de consommations et d'émissions avec les tout derniers blocs moteurs de Volkswagen. Renault va lancer son propre tricylindre à essence en octobre sur la Clio IV.

Hybrides et électriques

Enfin, PSA est le premier dans le monde à avoir développé des voitures hybrides (thermiques-électriques) diesel, rejetant moins de 100 grammes au kilomètre. Une belle performance pour une Peugeot 3008 Hybrid4 4x4 de... 200 chevaux. Les premiers clients ont touché leur véhicule en début d'année, non sans retard. Les Citroën DS5 et Peugeot 508 équipées de la même technologie suivent. Des véhicules chers (37.600 euros pour une 3008 Hybrid4), mais plus abordables que les véhicules hybrides (à essence) des constructeurs allemands. Les volumes de ventes prévus par PSA sont toutefois assez faibles: quelques dizaines de milliers par an. On est évidemment loin des centaines de milliers de Toyota! Il n'empêche, c'est beaucoup plus que les scores escomptés à court terme par les groupes germaniques. PSA est d'ailleurs le champion 2011 toutes catégories du dépôt de brevets en... France, avec beaucoup d'entre eux permettant de rendre les voitures plus "vertes".

Renault mise de son côté à fond sur l'électrique avec son partenaire nippon Nissan. L'Alliance franco-japonaise est certainement le constructeur qui a le programme le plus ambitieux dans le véhicule électrique. Après l'utilitaire Kangoo et la berline Fluence en fin d'année dernière, puis le quadricycle Twizy au printemps, Renault s'apprête à lancer la Zoé 100% électrique à la rentrée prochaine. Pour ce véhicule, développé spécifiquement autour de la traction électrique, Renault vise des capacités de 150.000 véhicules annuels à Flins, en région parisienne. Le pari de l'électrique reste toutefois loin d'être gagné, vu la faible autonomie des véhicules et la lenteur du temps de recharge.

Des mesures en faveur de modèles "propres" ne peuvent, et c'est le but, que favoriser les modèles français.... du moins en France. Reste qu'une trop grande polarisation sur des petits véhicules ne peut qu'entraver toute vraie montée en gamme des constructeurs tricolores. N'oublions pas que ce qui fait le succès insolent des groupes automobiles d'outre-Rhin, c'est notamment leur réputation dans le haut de gamme, laquelle les rend si populaires en Chine ou aux Etats-Unis.

Reste à savoir quel sera le prix de ces aides  à la voiture propre, si elles se confirment. Au nom de la libre concurrence, les pouvoirs publics allemands risquent de voir d'un très mauvais oeil tout pénalisation excessive, à travers un "malus", des gros modèles "made in Germany". Il faudra bien pourtant que l'Etat contrebalance les coûts des aides qu'il souhaite fomenter par des recettes. Pour éviter le coût excessif du bonu-malus actuel et des primes à la casse du passé.

Interrogations sur PSA

"Nous avons un vrai problème sur la stratégie de Peugeot, l'alliance avec General Motors, le comportement de l'actionnaire", a par ailleurs déclaré Arnaud Montebourg ce mercredi, toujours sur France Inter. "Où va PSA ? Où veulent-ils nous emmener ? Je vous rappelle qu'il y a trois ans, en 2009, 1.700 salariés à Rennes ont déjà perdu leur emploi. Si c'est pour recommencer dans trois ans, nous dirons non". Le groupe a annoncé la semaine dernière un plan de suppression de 8.000 postes en France et la fermeture de l'usine d'Aulnay-sous-Bois. Arnaud Montebourg a aussi évoqué le cas du principal actionnaire du groupe, la famille Peugeot, qu'il souhaite rencontrer prochainement. L'expert mandaté par le gouvernement doit d'ailleurs s'entretenir avec Thierry Peugeot, le président du conseil de surveillance de PSA, vendredi prochain

 

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