Arnaud Montebourg, avocat du plan de compétitivité de Renault

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  845  mots
Carlos Ghosn, PDG de Renault et Nissan. Copyright Reuters
Le ministre du Redressement productif encourage la signature d'un accord de compétitivité chez Renault. Il juge "modérées" les demandes de la direction.

Parti bille en tête contre la famille Peugeot l'été dernier, Arnaud Montebourg vole au secours de Renault. Dans un entretien accordé ce vendredi à La Voix du Nord et Paris-Normandie, le ministre du Redressement productif encourage ainsi la signature d'un accord de compétitivité chez Renault, jugeant "modérées" les demandes de la direction à ses salariés. Au risque de décevoir et irriter les syndicats... "Ce sont des propositions qui peuvent être discutées mais qui me paraissent être, par rapport aux risques que court l'industrie française et européenne, des efforts modérés", déclare le ministre... en arguant du bon sens: "Je préfère des efforts modérés, mais des efforts certes, plutôt que de faillites, des fermetures et des pertes de substance industrielle", explique-t-il, ajoutant que 70 entreprises sous-traitantes sont "en procédure de faillite devant les tribunaux de commerce".

Suppressions de postes sans licenciements

Le projet de Renault, qui ne fabrique plus que 17,5% de ses véhicules en France (au troisième trimestre 2012 selon les chiffres du CCFA, Comité des constructeurs français d'automobiles), prévoit un gel des salaires cette année et une augmentation du temps effectif de travail. Le constructeur au losange envisage la suppression nette de 7.500 emplois en France d'ici à 2016, a priori sans fermeture de sites ni licenciements - ce dont le gouvernement s'est déjà à plusieurs reprises félicité, même s'il est monté au créneau sur le prétendu chantage exercé par le groupe sur la femeture de sites en France en cas d'échec des négociations. Ce que Renault a démenti.

Faibles marges

Les très faibles marges opérationnelles réalisées par Renault et PSA les années où ils gagnent de l'argent (5,2% pour Renault en 2004), par rapport à celles des constructeurs allemands (11,5% pour BMW ou Audi), japonais ou coréens, prouvent le déséquilibre intrinsèque de la structure de coûts des constructeurs français. Le paradoxe est connu: Renault comme PSA se sont de facto spécialisés progressivement dans les voitures petites ou compactes. Une spécialisation dictée notamment par la discrimination fiscale à l'encontre du haut de gamme pratiquée traditionnellement par les pouvoirs publics français, qui a fragilisé les "gros" modèles des deux groupes tricolores. Or, dans les petites voitures et les compactes, un créneau archi-concurrentiel, le facteur prix est déterminant dans l'acte d'achat.

Coûts trop élevés

Le hic: selon le directeur général délégué de Renault Carlos Tavares, il y a une différence de 1.300 euros entre une Clio IV produite en Turquie et son homologue assemblée à Flins! Même si certains experts jugent ce chiffre un peu exagéré, l'écart n'en existe pas moins. Chez PSA, sans avancer de chiffre, on affirme également qu'une voiture fabriquée à Trnava en Slovaquie est nettement mois chère à assembler que son homologue "made in France". Philippe Varin, président de PSA, affirmait récemment que le coût salarial horaire, s'il atteint 35 euros en France ou en Allemagne, ne dépasse pas 22 euros en Espagne, voire 10 euros en Slovaquie ou République tchèque.

Nissan fabrique autant en une seule usine que Renault en France

Les usines françaises, comme la production italienne de Fiat d'ailleurs, se retrouvent confrontées au dilemme de devoir produire cher des véhicules qui doivent être vendus (relativement) bon marché, l'image et la structuration des gammes de PSA mais surtout de Renault ne permettant pas de faire accepter par le client le moindre surcoût pour cause de "made in France", surtout hors de l'Hexagone... mais aussi à l'intérieur. II s'agit pas pour Renault et PSA de baisser les coûts salariaux horaires, mais d'améliorer le temps d'utilisation de l'outil industriel. La direction de l'ex-Régie propose notamment la refonte des comptes épargne-temps. En cas d'accord chez Renault,  celui-ci promet la mise en fabrication dans l'Hexagone de modèles de ses partanaires, en l'occurrence Nissan, trop à l'étroit dans son usine britannique de Sunderland, considérée comme la plus compétitive d'Europe. Sunderland produit annuellement plus de 500.000 véhicules avec 6.000 salariés, soit autant que toute la production des usines de Renault en France!

Salaire de Carlos Ghosn trop élevé

Arnaud Montebourg a réitéré son appel au PDG de Renault et Nissan, Carlos Ghosn, pour un effort "important et significatif" de réduction de son salaire, "à la mesure de ce que la cohésion de l'entreprise nécessite". Un appel aux conséquences toutefois limitées. En 2011, le double PDG aurait ainsi touché la bagatelle de 13,3 millions d'euros. Seulement, voilà: ce chiffre est à ventiler entre... sa rémunération de PDG de Nissan (10,5 millions d'euros), et celle de PDG de Renault (le reste). Sans Nissan, Carlos Ghosn, actuellement à la deuxième place des salaires des PDG du Cac 40, sortirait du "top 10" du classement réalisé par Proxinvest en décembre dernier... Ce n'est donc pas Renault, et de très loin, qui lui rapporte le plus!