La dramatique désindustrialisation de Renault et PSA en France

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1066  mots
Renault Douai. Copyright Renault
Renault et PSA annoncent des nouveaux modèles pour leurs usines françaises. Mais, derrière ces proclamations, la réalité industrielle dans l'Hexagone est désastreuse. La production de Renault en France a chuté de 60% en sept ans, celle de PSA Peugeot-Citroën de 40%. Et les effectifs des usines poursuivent leur plongeon. Revue de détails de cette déflagration.

Bonne nouvelle : Renault va redonner de l'activité à ses usines françaises. Promis, juré. La firme automobile tricolore s'est « engagée à produire un minimum de 710.000 véhicules en France à horizon 2016, contre un peu plus de 530.000 en 2012 ». Cocorico. Et ce, suite à l'accord de compétitivité signé par les organisations syndicales sauf la CGT. L'usine de Douai (Nord), le plus important site du constructeur au losange en France consacré aujourd'hui aux monospaces Scénic, va ainsi lancer à partir de 2014 toute une série de nouveaux modèles sur une nouvelle plate-forme modulaire commune Renault-Nissan. 

Premier jalon : le futur remplaçant du fameux Espace. Viendra ensuite le successeur de la Laguna de gamme moyenne supérieure. Par ailleurs, le site normand de Sandouville, qui va perdre ce qu'il reste du haut de gamme Renault, se prépare à lancer le nouvel utilitaire Trafic promis à de gros volumes (pour un fourgon) et produira aussi le Primastar, un utilitaire de Nissan.

Annonces chez PSA

Chez PSA Peugeot-Citroën, on va certes fermer l'usine d'Aulnay en région parisienne l'an prochain. Mais le constructeur n'en fait pas moins le plein de nouveautés pour ses sites français. La Peugeot 2008, dérivé loisirs de la petite 208 commercialisé en mai 2013, est produite à Mulhouse (Haut-Rhin). La prochaine berline compacte 308, lancée en septembre prochain, sera, elle, fabriquée à Sochaux (Doubs).Tout va bien, non ? 

Une véritable désindustrialisation

Eh bien non, justement ! Car, derrière ces annonces rassurantes, la réalité industrielle de l'industrie automobile française est beaucoup moins rose. C'est même à une véritable désindustrialisation que l'on assiste ces dernières années dans l'Hexagone. En 2012, Renault y a ainsi produit 532.571 voitures et utilitaires légers seulement, soit à peine moins que l'ensemble de la production de son allié japonais Nissan dans sa seule usine britannique de Sunderland. Des niveaux quasi-dérisoires par rapport à 2005, par exemple, année où Renault produisait dans ses usines tricolores 1,27 million de véhicules ! Soit un plongeon de presque 60% en sept ans à peine !  Et ce, alors que la production mondiale du groupe au losange est quasiment restée stable sur la période.

Chez PSA Peugeot Citroën, la chute est moins flagrante, mais néanmoins sensible. Les sites français de PSA ont fabriqué, par rapport à cette même année 2005, 41% de véhicules en moins à 1,11 million d'unités l'an passé. Pour une production mondiale du consortium, qui a, elle, reculé de 14%. Du coup, les volumes cumulés dans l'Hexagone de Renault et PSA ont plongé exactement de moitié en sept ans ! Pas de quoi pavoiser.

Effectifs en chute

Dans ces conditions, les usines voient leurs effectifs fondre littéralement. Le site de Renault à Douai n'emploie plus que 4.450 personnes aujourd'hui... contre plus de 6.000 il y a dix ans. Douai a produit à peine 138.500 véhicules l'an dernier. Des niveaux historiquement faibles, 3,5 fois moins élevés qu'en 2004 ! Quant à Flins, il a assemblé l'an passé 115.500 Zoé et Clio avec 2.600 salariés, contre 270.000 voitures avec 4.750 personnes en 2004. L'usine mécanique de Cléon (Seine maritime) a fabriqué de son côté 642.000 boîtes de vitesses et 548.000 moteurs l'an passé avec 3.500 personnes. Il y a dix ans, Cléon employait 5.100 personnes pour fabriquer plus d'un million de boîtes et 856.000 moteurs...

Sandouville particulièrement frappé

Cette décroissance n'est rien à côté de la décadence de Sandouville. Le site phare de Renault en Seine maritime, voué à la gamme moyenne et au haut de gamme, a vu ses effectifs passer de 5.300 employés en 2004 à 2.150 aujourd'hui. «La direction a ouvert grand les vannes. 1.046 salariés peuvent prétendre à partir d'ici à 2016 », renchérit la CGT. Résultat, dans trois ans, l'usine pourrait employer un petit millier de salariés ! Il est vrai que la production s'est effondrée en neuf ans de 220.000 véhicules annuels à 40.000 ! Tout juste 125 voitures (Laguna et Espace) sortent quotidiennement de l'usine, contre 1.500 par jour en 2000, d'après la CGT. Nombre des salariés restants demeurent sceptiques sur les promesses de produire à terme 100.000 utilitaires par an dans cette usine située près du Havre.

Production à Rennes réduite de 60%

Côté PSA, ce n'est pas mieux. Entre 2005 et 2012, Rennes a vu sa production annuelle réduite de plus de 60% à 129.600 voitures. Mulhouse l'a divisée presque par deux à 224.000 unités, tout comme Sevelnord (Nord, hors véhicules fabriqués pour Fiat) à moins de 60.000 exemplaires l'an dernier. Sochaux a perdu 100.000 unités sur la période. Quant à Aulnay en fin de vie, il fabriquait encore plus de 280.000 véhicules en 2005 !

Modèles moins prisés

La baisse dramatique d'activité des usines tricolores reflète celle des... modèles. Le naguère si populaire Scénic (et son dérivé Grand Scénic) est produit à une cadence réduite des deux-tiers à 132.760 unités annuelles par rapport à il y a dix ans. La Renault Laguna a atteint péniblement les 27.700 unités en 2012, contre plus de 145.000 dix ans auparavant. Quant à l'Espace, longtemps considéré comme le fleuron du génie français, il n'était plus assemblé l'an passé qu'à raison de 12.900 véhicules, six fois moins que dix ans auparavant. Quant à PSA, il fabriquait 816.500 Peugeot 206 il y a dix ans, pour l'essentiel en France.

L'an passé, il n'assemblait plus que 566.000 petites Peugeot, la production étant répartie cette fois entre trois modèles (206, 207, 208), dont une grosse part construite hors de l'Hexagone. Dans la gamme moyenne supérieure, PSA fabriquait 259.000 Peugeot 407 en 2005 à Rennes. En 2012, il n'assemblait plus que 116.400 Peugeot 508, son successeur, dont une moitié environ seulement dans l'Hexagone...

Plongeon des gros véhicules

La chute de production en France de Renault et PSA s'explique en partie par la délocalisation vers des pays à bas coûts, surtout au sein de l'ex-Régie. Mais pas seulement. Le plongeon des volumes en France reflète aussi la désaffection croissante des clients pour les véhicules de gamme moyenne et supérieure des deux constructeurs tricolores, traditionnellement fabriqués dans les usines hexagonales. Un bilan d'autant plus attristant que l'industrie automobile allemande a, elle, globalement maintenu ses volumes de production outre-Rhin dans le même temps, grâce au succès de ses véhicules en général et de son haut de gamme en particulier... Les modèles vendus à des prix élevés sont logiquement bien moins sensibles au différentiel de coûts en France ou en Allemagne par rapport à l'Europe de l'est que les petits véhicules d'entrée de gamme.