Volkswagen ne fêtera pas... son 75ème anniversaire

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  937  mots
Adolf Hitler et la "voiture du peuple"
Le 26 mai 1938, Adolf Hitler posait la première pierre de l'usine de Wolfsburg, berceau de Volkswagen. Le troisième constructeur auto mondial passera évidemment sous silence un 75ème anniversaire bien gênant. Sauvé par l'occupant britannique juste après la guerre, Volkswagen vise désormais la première place.

Un anniversaire, que Volkswagen ne fêtera pas ! Dimanche 26 mai, cela fera en effet 75 ans jour pour jour qu'Adolf Hitler posait la première pierre de l'usine de Wolfsburg. En 1938, le constructeur de la  "voiture du peuple" était né. Un projet voulu par le chancelier du Troisième Reich, dont l'étude avait été confiée en  1934 à l'ingénieur Ferdinand Porsche. La fameuse  voiture "KdF" ('"Kraft durch Freude", c'est-à-dire "La force par la joie", l'organisation de loisirs contrôlée par le régime nazi) ne sera toutefois produite qu'au compte-gouttes juste avant la guerre. Car, durant le second conflit mondial, l'usine fabriquera, outre des composants pour les bombardiers Junkers, le dérivé "Kübelwagen" tout-terrain et le "Schwimmwagen" amphibie, pour l'armée. Des véhicules produits par des prisonniers de guerre et des travailleurs forcés....

Grâce à l'armée britannique

En 1945, l'histoire aurait pu, et même dû,  s'arrêter là. Mais, alors que l'Europe se débat dans les pénuries de toutes sortes, l'occupant britannique donne l'ordre de reprendre l'assemblage de la "voiture du peuple", dont il comprend tout de suite le potentiel. Le véhicule a l'avantage d'exister et d'être déjà éprouvé. Etrange destin:  un constructeur créé par Hitler est sauvé par les militaires britanniques !  En 1947, le site de Wolfsburg, en Basse-Saxe, produit 9.000 voitures seulement. Mais, dans les années cinquante, les Allemands, qui commencent à s'enrichir grâce à la reconstruction de leur pays, se ruent sur ces voitures à moteur arrière laides, étriquées, à la silhouette déjà surannée, mais simples et d'une formidable robustesse. Les clients d'outre-Rhin ne sont pas les seuls. Car la voiture commence à s'exporter, même vers les Etats-Unis. Un modèle pour toutes les latitudes. Née dans la grisaille de la Basse-Saxe, la Coccinelle - un nom plus seyant que "KdF" - sera aussi plébiscitée au Brésil, au Mexique, qui les fabriqueront...

La crise de plein fouet

Avec des dérivés comme le Combi ou le cabriolet, la production de Volkswagen dépassera le million d'unités par an en 1962 (dont 877.000 Coccinelle). La gamme, toujours centrée sur la sacro-sainte Coccinelle, s'étoffera au fur et à mesure avec des dérivés sur cette même plate-forme. Seulement, voilà : malgré sa réputation mondiale, Volkswagen finira par souffrir cruellement de... l'obsolescence technique de son offre. Au début des années 70, face aux rivales plus récentes et aux petites japonaises qui démarrent outre-Atlantique, la Coccinelle, bien qu'améliorée au fil des ans, demeure certes solide, mais elle est toujours aussi dangereuse (tenue de route aléatoire), peu confortable et habitable, avec des moteurs refroidis par air bruyants, peu performants et voraces... Un peu comme si Renault produisait encore en 1973 sa 4 CV (arrêtée en 1961). Après avoir travaillé sur une nouvelle Coccinelle à moteur central, trop chère à produire et finalement abandonnée, Volkswagen se retrouve donc au bord du gouffre au moment du premier choc pétrolier...

Une date clé: le 29 mars 1974

Heureusement, le 29 mars 1974, démarre la production de la... Golf. Traction avant compacte, carrée, dessinée par le designer italien Giorgetto Giugiaro, la Golf représente une rupture totale avec la Coccinelle historique. Il est vrai qu'elle doit beaucoup aux compétences de NSU puis d'Audi, deux marques d'Auto Union, que le groupe de Basse-Saxe a repris dans les années 60. En 1974, le groupe ne fabrique encore que 189.890 Golf et 791.000 Coccinelle, sur une production totale de 2 millions de véhicules. Pourtant : là aussi, le succès sera au rendez-vous. La millionième Golf sortira des chaînes deux ans et demi plus tard ! Le début d'une nouvelle saga, tout aussi populaire que la Coccinelle. La Golf VI, lancée en 2008, sera même produite à 2,85 millions d'exemplaires en moins de quatre ans à peine.  Et...  Volkswagen prévoit, pour la nouvelle plate-forme  modulaire sur laquelle repose la septième génération de Golf  lancée à l'automne dernier, plus de 3,5 millions d'unités annuelles d'ici à 2018. Un record absolu dans la production mondiale.

 50 milliards d'euros

Volkswagen ne se contente pas d'être devenu le troisième constructeur automobile planétaire avec ses douze marques, dont les prestigieuses Audi, Porsche, Bentley, Lamborghini, et les spécialistes du camion MAN, Scania. Non, Martin Winterkorn, le président du directoire, martèle son objectif de devenir le numéro un mondial d'ici à 2018, grâce notamment à une formidable internationalisation avec des piliers comme les Etats-Unis, le Mexique, le Brésil, accessoirement l'Inde et la Russie, mais surtout la Chine. Du coup, le constructeur a provisionné la bagatelle de... 50,2 milliards d'euros à investir sur trois ans, soit 16,7 milliards par an, notamment dans la multiplication des modèles. On est loin du véhicule unique des débuts. Une somme colossale par rapport à la concurrence. Le premier groupe auto européen peut en tous cas puiser dans son trésor de guerre. Certes gonflé par l'intégration de Porsche, son bénéfice net faramineux atteignait l'an dernier les 21,9 milliards d'euros, soit cinq fois celui de Ford, douze fois celui de Renault. Le résultat net a certes plongé de 38% au premier trimestre, mais il s'établit encore... à 1,94 milliard. Et la firme - dont les actionnaires de référence restent les famille Porsche et Piëch, toutes deux héritières de Ferdinand Porsche, ainsi que le Land  de Basse-Saxe - prévoit pour 2013 une hausse de son chiffre d'affaires et un bénéfice d'exploitation stable par rapport à celui, record, de 2012 (11,5 milliards d'euros). Une formidable réussite pour le plus jeune des grands constructeurs automobiles européens.